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DOSSIER Après la prépa, on oublie tout ?

« CPGE certified » Le certificat Liberal Arts entre en action !

niveau d’étudiants dont le niveau s’est dégradé au fil du temps, victimes des failles de l’école primaire et secondaire. À l’heure de l’IA et de la compétition internationale, il est essentiel que tous les moyens humains et pédagogiques en prépa soient mobilisés pour édifier ces étudiants », tranche l’un d’eux. Pour ces voix plus sceptiques, toute dilution du temps académique ferait courir le risque de fragiliser une mission déjà lourde. À l'inverse, qu'est-ce que les business schools pourraient emprunter (de plus qu'un intérêt renforcé pour les sciences humaines et sociales) à la prépa ? Les réponses convergent nettement. Rehausser l’exigence disciplinaire et académique, densifier les contenus, structurer davantage les emplois du temps : les enseignants de CPGE appellent globalement à un surcroît de rigueur, d’autant plus légitime dans un contexte de hausse continue des frais de scolarité, un point rappelé par près d’un tiers des répondants. Autre piste avancée : mieux encadrer le travail en première année de PGE, afin de former progressivement les étudiants à la pédagogie de projet sans les laisser dériver dans une autonomie parfois brutale. Au fond, l’enjeu est partagé : éviter cet « appel d’air » que nombre de nouveaux intégrés continuent de ressentir à leur arrivée en école. Au fond, la question du continuum ne sera pas réellement tranchée dans la composition de nouvelles maquettes de cours ou résolue par des décisions prises dans des salles de réunion. Elle se joue surtout dans le regard que les étudiants portent sur leur propre parcours. Tant que la cohérence de la filière restera partiellement invisible, le sentiment de rupture persistera. Renforcer le continuum, c’est donc aussi mieux raconter la prépa, mieux expliquer l’école, et accompagner les étudiants dans ce passage décisif. Le chantier est encore ouvert, et il les concerne en premier lieu… ◗

Les diplômés 2026 des écoles du SIGEM seront les premiers à quitter leur école avec, en plus de leur Master in Management, un certificat « Liberal Arts » pour les ex-préparationnaires de la voie EC et un certificat « Humanités » pour les ex-CPGE des séries littéraires. Mis en place dans le cadre du continuum pour valoriser le parcours des diplômés passés par une classe préparatoire, ces certificats, délivrés par la Cdefm (Conférence des directeurs des écoles françaises de management), sont remis par les écoles au moment de la diplomation. L’intitulé favorise sa lisibilité à l’international, en particulier dans les pays anglo-saxons, familiers de l’enseignement des arts libéraux. Les profils des futurs diplômés seront ainsi encore davantage valorisés sur le marché international du recrutement. À l’échelle nationale, alors que se multiplient les voies d’accès en école de management, ces certificats contribuent à renforcer la visibilité de la voie historique du recrutement au sein des PGE : le vivier exigeant et structurant des classes préparatoires.

Le continuum s'invite aussi en littérature Le continuum entre les classes

Mais il surprend aussi agréablement les ex-prépas éco : « Je ne m’attendais pas à refaire de la littérature en école, et pourtant c’est très pertinent », confie William, issu d’une prépa ECG. D’autres évoquent « une belle façon de revisiter ce qu’il[s] faisai[en]t en prépa, mais de manière plus concrète et professionnelle ». Une autre étudiante résume bien l’esprit du cours : « Ça nous aide à réfléchir autrement. Je n’aurais jamais fait le lien seule entre certains textes et le management ». Managers et poètes ! Tous soulignent le même bénéfice : la capacité du cours à créer du lien. Lien entre leurs acquis de prépa et leurs nouveaux apprentissages, lien entre culture générale et culture managériale, lien enfin entre la fiction et des problématiques très actuelles (IA, diversité, leadership, responsabilité sociale). Ce cours devient ainsi un laboratoire où s’éprouve l’hybridation chère aux écoles de management. Un espace, aussi, pour réintroduire du recul dans les formations de management : « Mon objectif, c’est qu’ils ne deviennent pas de “purs techniciens”, mais des managers capables d’ajouter de la poésie à la technique », résume Agathe Mezzadri Guedj.

préparatoires et le Programme Grande École de NEOMA ne se limite pas à la méthode ou au rythme de travail : il s’incarne jusque dans un cours plutôt inattendu pour des étudiants au sein d'une école de management. Depuis la rentrée 2025, Agathe Mezzadri Guedj, professeure de lettres en CPGE, enseigne la littérature aux 580 étudiants de L3. NEOMA souhaite ainsi offrir à tous un socle commun d’humanités appliquées au management, quelle que soit leur filière d’origine.

travers des récits de femmes noires. Cinq séances de trois heures, toutes structurées de la même manière : un problème contemporain, un détour par l’Antiquité, puis une application managériale. Des ex-prépas comblés ! Ce format, pensé comme une passerelle entre la classe préparatoire et l’école de management, plaît particulièrement aux étudiants issus de filières littéraires, heureux de retrouver un espace où leurs compétences d’analyse nourrissent leur formation de manager.

De grands textes dont s'inspirer. Le parti pris d'Agathe Mezzadri-Guedj ? Montrer comment les textes, de Zola à Platon, de Mary Shelley aux

Par Mégane Quétier

mythes antiques, permettent de penser le leadership autrement. « On devient un meilleur manager quand on lit », affirme- t-elle. La littérature devient un outil de compréhension du monde professionnel : l’entreprise comme monstre chez Zola, l’ambiguïté d’Ulysse comme leader, Prométhée et la techné pour interroger l’IA, ou encore la diversité et l’inclusion à

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n°19 Décembre 2025

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