NE RIEN ÉCRIRE DANS CE CADRE
Par conséquent, le sauvetage des images ne repose-t-il pas sur une transmission de ces dernières à l’ensemble de l’humanité, nécessitant une éducation à l’image pour les comprendre ? À partir du problème posé par la richesse apparente des images, il s’agira dans une première partie d’analyser l’idée selon laquelle la complexité des images, en tant que support de la réflexion, nécessite un sauvetage. Or, d’où vient cette nécessité apparente de sauvetage ? En ce sens, la tâche de la deuxième partie consistera en l’analyse de l’hypothèse selon laquelle la massification, la virtualisation et la répétition du même semblent être à l’origine de l’affaiblissement des images. Cependant, ces travers ne renforcent-ils pas, paradoxalement l’hypothèse selon laquelle cette virtualisation permet une meilleure transmission des images, nécessitant une éducation à l’image. Si l’enjeu est de sauver les images, alors la complexité apparente des images, en tant que support de l’interprétation, semble expliquer cette volonté de sauvegarde. Tout d’abord, des peintures préhistoriques à l’art abstrait, l’ensemble de l’humanité repose sur les images. D’où vient cette fascination de la représentation ? Zao Wou-Ki, dans Vent, cherche à transmettre le souffle muet de la nature par l’analyse précise de son œuvre, dense sémantiquement et syntaxiquement. Goodman, dans Langages de l’art soulève le problème de la complexité apparente des images reposant sur 4 caractéristiques : la densité sémantique et syntaxique, l’identité autographique et la saturation relative. En ce sens, l’image dépend d’un concept de production et de réception, reposant sur une variété des sens et significations. Dès lors, le sauvetage de l’image permet de protéger cette forme de richesse. La complexité des images permet donc une pluralité des analyses concernant les images. Le sauvetage est ici un moyen de préserver l’espace public des raisons par la défense de l’analyse des images conduisant au débat. L’œuvre, la Vierge, l’enfant Jésus et Sainte Anne, de Léonard de Vinci explore cette problématique en réponse à la tradition iconoclaste. En effet, la représentation est le support de l’analyse dans le but de mieux comprendre un réel étranger. Aristote, dans la poétique, soulève un problème similaire : faut-il craindre que le caractère mimétique des images ne soit qu’une répétition stérile de nos expériences ? En ce sens, la créativité n’est pas ex-nihilo (à partir de rien) mais repose sur les perceptions permettant la création d’un support pour la pensée. En effet la mimésis nécessite une activité de l’esprit pour mieux comprendre le réel par les images qui permettent de prendre le temps de regarder, d’analyser. Ce support à la discussion semble donc être au centre du processus intellectuel, nécessitant une préservation. Par conséquent, la sauvegarde des images réside dans la préservation de l’essence des images en facilitant les variations artistiques. En effet les images semblent permettre l’accès à la vérité par l’utilisation des variations dans le processus représentatif, à l’instar de l’œuvre de Miró, cheveu poursuivi par deux planètes. Gombrich, dans Histoire de l’art, pose ainsi le problème suivant : comment évaluer la réussite des œuvres artistiques ? En ce sens l’enjeu est de protéger les images permettant une activité de l’esprit à l’instar du Coq de Picasso et de l’Éléphant de Rembrandt. En effet, la recherche du détail conduit à renforcer la complexité des œuvres. À l’inverse, la déformation du réel crée un nouveau point de vue permettant d’éclairer le spectateur par l’usage d’une vision singulière de l’artiste. Le sauvetage des images réside ainsi dans la sauvegarde des variations artistiques permettant une meilleure compréhension du réel. La complexité des images, permettant une meilleure compréhension du monde, explique donc la recherche du sauvetage des images. Or, d’où vient cette nécessité de sauver les images ? La protection des images ne permet-elle pas de lutter contre la virtualisation, la massification et la répétition du même ? Le goût des hommes pour les idées générales et simplificatrices semble remettre en cause la richesse des images. Des selfies sur Instagram aux photos de famille de Tina Barney, les images explorent la relation entre le réel et les apparences. En effet, à l’instar de Dorian Gray dans le livre d’Oscar Wilde, l’apparence semble primer sur l’essence. Dès lors, Tocqueville dans De la démocratie en Amérique pose la question suivante : comment le goût de l’homme pour les idées générales affecte-t-il la démocratie ? En ce sens, la massification des images pauvres conduit à la soumission vis-à-vis de la tyrannie de la majorité sans interprétations. Le problème est donc grand puisque cette massification semble réduire ce qui fait la richesse des images. Dès lors, le sauvetage des images n’est-il pas nécessaire ? De plus, l’uniformisation des images conduit à la valorisation des images au détriment du réel dans une société où l’apparence prime sur l’essence. En effet, si la raie de Chardin est réduite à une peinture morte, alors l’image est réduite à ses qualités formelles visibles. Par conséquent, Debord, dans La société du spectacle, pose le problème suivant : comment le spectacle, en substituant des images aux perceptions du réel, s’impose-t-il comme la forme dominante de la vie sociale ? En ce sens, la massification des images conduit à une répétition stérile du même, substituant l’image à sa référence. La question du sauvetage des images se pose en réponse à ce paradoxe. En effet, les images spectaculaires concentrent tous les regards valorisant les apparences et niant l’essence. Le spectacle s’impose donc comme la forme dominante de la société, niant le réel, réduisant la mémoire, d’où la nécessité de sauvegarder le contenu riche et le point de vue singulier de l’artiste. Par conséquent, l’image est victime d’une virtualisation et d’une massification. Dès lors, comment préserver la richesse des images ? La transmission d’une mémoire par les images n’est-elle pas difficile ? En effet, la préservation conduit à la mise à
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n°19 Décembre 2025
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