LeMajor-19

NE RIEN ÉCRIRE DANS CE CADRE

en Syrie, ou le court cessez-le-feu en Palestine, il implique de se questionner si cet arc tend à s’apaiser, à s’enflammer ou à rester dans cet entre-deux. Alors, si les arcs de crises sont encore d’actualité, comment ont-ils structuré les relations internationales depuis le début de la guerre froide, participant à un « affolement du monde » (Gomart) ? Nous verrons dans un premier temps que la guerre froide a structuré l’antagonisme Est / Ouest dans des affrontements par alliés interposés à l’origine de l’arc de crise. Ensuite, nous verrons que cet arc de crise structure les relations internationales en étant un terreau fertile à l’affolement du monde. Finalement, nous verrons que pour garantir leurs intérêts et prévenir l’instabilité, de nombreux Etats tentent de mettre fin à cet arc, interrogeant alors l’usage contemporain du terme. De prime abord, la guerre froide a structuré l’antagonisme Est / Ouest dans des conflits par alliés interposés à l’origine de l’arc de crise. Tout d’abord, la guerre froide, « guerre improbable » pour Aron s’est vue être le lieu d’un affrontement par proxys. C’est tout l’enjeu du continent américain suivant la doctrine Truman, pour éviter « l’effet domino » qui pousserait tous les pays, les uns après les autres à tomber dans le communisme. Mais cette politique n’est pas sans conséquence pour les pays « hôtes », qui voient leur territoire en proie à l’instabilité totale découlant de l’opposition entre guérillas, soutenues tour à tour par les deux grands : ainsi l’URSS finance le Viet Minh au Vietnam pour combattre les troupes américaines quand les USA entraînent les moudjahistines en Afghanistan pour combattre l’URSS. De plus, cette vision américaine semble rejoindre celle de Spykeman : « qui contrôle le Rimland contrôle le monde », expliquant la politique américaine d’empêcher l’accès de l’URSS aux mers chaudes, à l’image de la fin de la présence soviétique en Turquie en 1947. Ainsi, les lieux d’affrontements entre l’URSS et les USA sont devenus les lieux de l’arc de crise tel que l’imagine Spykeman avec le Rimland. Les affrontements au sein d’états faibles, où les conflits intraétatiques et les guerres civiles sont la norme, fragilisent les territoires de ce croissant, les ancrant… dans une crise insoluble. C’est ainsi le cas de la Corée, séparée en deux entre un nord communiste et un sud américain, où encore aujourd’hui reste une zone démilitarisée entre les deux, car aucun traité de paix n’a été trouvé. C’est surtout le cas de l’Afghanistan, véritable « patchwork » ethnique instable à cause de la guerre que lui livre l’URSS. De plus, le Moyen-Orient s’ancre définitivement comme épicentre de l’arc de crises, donné à voir dès 1948 par la création d’Israël et la guerre israélo-arabe qui suit. Le Moyen-Orient est alors secoué par les 2 autres conflits israélo arabes (1967, 1973), la guerre au Liban (1975) ou la révolution islamique en Iran (1979) dont les racines prennent d’une haine envers l’occident et les USA. Finalement, la crise des euromissiles en Europe de l’Ouest incarne l’apogée de l’arc de crise du à la guerre froide. Néanmoins, force est de constater que la fin de la guerre froide n’a pas apporté la fin de l’arc de crises qu’elle avait engendré, bien au contraire. Ainsi, la fin de la guerre froide signifie la fin des proxys, et donc du soutien à des guérillas ou des gouvernements. Ces pouvoirs sont alors parfois vus comme illégitimes face à l’idéal démocratique, ils sont alors renversés ou contestés. Ce ressentiment populaire face aux puissances qui les ont réprimé leur donne alors des volontés de puissance : ainsi, l’Irak de S. Hussein ou l’Iran de Khamenei mènent des politiques agressives visant à affronter ou provoquer l’occident, entretenant le foyer de crise et empêchant l’apaisement des tensions. Ainsi, la notion d’arc de crise, même si née dans la guerre froide, fait encore sens aujourd’hui, en notant tout de même que les crises sont dues majoritairement à un déficit plutôt qu’à un excès de puissance (états faillis, terrorisme international, conflit intra étatiques). Dès lors, il semble bien que la guerre froide, en localisant les affrontements Est / Ouest dans un arc entourant l’URSS, ait été à l’origine des arcs de crise. Néanmoins, la fin de la guerre froide n’a pas apporté la fin des crises, qui deviennent alors un terreau fertile à l’affolement du monde. Les arcs de crise, en multipliant les menaces à l’ordre international, participent à un affolement du monde dont certaines puissances semblent profiter. Ainsi, l’arc de crises déstabilise l’ordre mondial et affole le monde. C’est le cas au Moyen-Orient qui incarne la « poudrière du monde », à l’instar de la question du nucléaire iranien (accords JCPOA, 2015) où les américains redoutent que leur ennemi ne se la procure. Cela explique le forte présence américaine au Moyen-Orient, depuis 1945 avec le Pacte du Quincy le liant à l’Arabie Saoudite, ou la « special relationship » qu’elle noue avec Israël. De même, on note les deux guerres du golfe (1991 et 2003) qui visent à réprimer l’invasion du Koweït tout en garantissant les intérêts américains (les trust américaines ont été chargées de remettre en place l’industrie pétrolière irakienne après 2003, nouant des contrats de plusieurs milliards d’euros). De même, cet arc de crise affole le monde en ce qu’il se militarise et nucléarise. L’Arabie Saoudite est la première importatrice d’armes par rapport à son PIB dans le monde, les EAU acquièrent 12 Rafales français et la nucléarisation de m’Inde pousse son voisin ennemi pakistanais à opter pour la même stratégie. Finalement, la question du commerce et du pétrole est centrale dans la déstabilisation de l’ordre international : les houthis au Yémen bombardent les navires du commerce dans la mer rouge et l’Iran menace de fermer Ormuz, alors qu’un tiers du pétrole mondial y passe (« si notre pétrole ne peut pas passer, celui des autres ne passera certainement pas non plus », Bagheri, commandant des forces iraniennes). De plus, les attentas de 2001 donnent à voir une nouvelle forme et une mutation de l’arc de crise : le terrorisme international. La première « organisation » de Djihad global, Al-Qaeda, prend alors racine au cœur de l’arc de crises, en Afghanistan, par les moudjahidines eux-mêmes entrainés par les USA. Prend alors forme une nouvelle menace globale que les attentats du 11/09 ou de

2 3

83

n°19 Décembre 2025

Made with FlippingBook Online newsletter maker