Commentaire de la copie de Martin
L e sujet 2025 de l’ESSEC a paru surprenant aux candidats. Malgré les documents d’accompa- gnement, la notion d’arc de crise est complexe et évolutive, et nécessite un bon équilibre entre histoire, géographie et géopolitique. La temporalité plutôt courte (depuis 1945) risquait de voir les candidats opposer l’époque de la guerre froide et notre époque. Ce ne fut pas le cas de cette excellente copie, modèle par un nombre important d’aspects. Un premier élément immédiat à la lecture : la copie est propre, aérée, très lisible, sans faute d’orthographe dans l’introduction (c’est devenu très rare). La structure de la copie est immédiatement lisible : introduction en quelques paragraphes (accroche, notions, questionnements sur le sujet, problématique et annonce de plan), chaque partie bien individualisée et introduite par un petit chapô, chaque sous-partie de taille proche, une conclusion un peu longue mais qui a l’avantage de discuter l’actualité de la notion « arc de crise ». À l’œil, un travail construit. Quatre réfé - rences scientifiques soulignées : quantité très raisonnable et suffisante si elles sont discutées. Rien de plus terrible qu’une copie où les références s’accumulent à chaque notion : elles rendent la copie illisible. Second élément cette fois à la lecture de l’introduction : le sujet, rien que le sujet, tout le sujet. La copie est rigoureuse. La notion d’arc de crise est définie, contextualisée dans le cadre de la guerre froide mais aussi en montrant la manière dont elle se transforme dans le contexte de l’après-guerre froide : cette capacité à contextualiser les notions est le signe des très bonnes copies, qui ne font pas que répéter mais interrogent l’épistémologie du sujet posé. Les arcs de crise sont sur les mêmes territoires mais changent de nature et d’acteurs entre la guerre froide et le monde post-guerre froide. Une copie qui interroge la notion à des échelles différentes et dans des contextes différents est donc évidemment valorisée. La problématique s’en ressent : « si les arcs de crise sont encore d’actualité, comment ont-ils structuré les relations internationales depuis le début de la guerre froide, participant à un « affolement du monde » (Gomart) ». Si la référence n’était pas utile en probléma - tique, la question des arcs de crise comme élément de structuration des relations internationales sur le temps long donne au lecteur l’idée que le candidat va pouvoir tourner son développement autour des mutations constantes des
territoires et des acteurs. Or une grande partie des can - didats a tendance à oublier la dimension géographique de l’épreuve. Le lecteur, à la fin de l’introduction, par une annonce de plan pleinement organisée autour de la notion d’arc de crise, se dit : cette copie est solide. Je lis toujours la conclusion après l’introduction, pour comprendre si la fin de la copie se contente de répéter le développement ou si elle répond à la problématique en ouvrant le champ analytique du sujet. Ici, rien de transcen - dant dans la première phrase, qui répète la problématique. Ce qui suit réveille le lecteur : « certains États néo-impériaux profitent du chaos présent pour asseoir leur influence, ali - mentant le cycle de crise (…) le réchauffement climatique où des zones seront inhabitables en 2050 laisse présager un arc de crise climatique », etc. Voici qui remet en selle la dimension transformatrice de la notion, et laisse le lecteur avec en bouche l’idée que le candidat est totalement et constamment resté dans le sujet. Le développement est construit, bien mené. Autant les arguments (début des paragraphes) sont toujours clai- rement reliés au sujet, autant les fins de paragraphe sont moins efficaces, certains s’achevant sur des exemples non mis clairement en perspective par rapport au sujet. D’un point de vue méthodologique, les fins de paragraphes parfois sans lien clair et direct avec le sujet sont ce qui justifie de ne pas avoir mis la note maximale à cette copie : un paragraphe est un tout, qui commence par une idée et se termine par le sens de l’idée, l’argumentation servie par les exemples permettant d’y aboutir. Par ailleurs plusieurs éléments de forme sont discutables : verbes pris pour d’autres, les « s’est vu être » ou « cela est » sont flous ou faux syntaxiquement. Le pauvre Nicholas Spy - kman voit son nom affublé trois fois d’un e supplémentaire (« Spykeman »), ce qui peut agacer le lecteur. Mais la clarté de l’expression et la précision des termes utilisés par ail- leurs ont permis au lecteur d’oublier ces maladresses. Une copie moyenne en aurait probablement subi les foudres. On ne prête qu’aux riches. Cette copie est exemplaire dans sa manière de rester « collée » au sujet tout en en interrogeant constamment son sens et sa pertinence historique, géographique et géopoli- tique. Elle mérite sa note, 18/20. ◗
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n°19 Décembre 2025
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