Mon employeur a fait son coming out

Au sein d’EDF ou encore de Total, même constat : il reste encore une forte autocensure. On ne balaie pas si vite des années d’invisibilité. D’ailleurs, la très grande majorité des LGBT qui témoignent à découvert dans cet ouvrage ont connu le dilemme de la visibilité : évaluer le prix à payer pour rester caché ou se rendre visible sur son lieu de travail. Mais ne serait-ce pas là les stigmates de l’histoire et finalement une affaire qui ne concernerait que les générations entrées dans l’emploi avant les années 2000 ? Bref, le dilemme de la visibilité, serait-il une affaire générationnelle balayée par les plus jeunes ? Difficile de généraliser à partir de ce qui se dit ici. Nous constatons, et nous nous en sommes déjà étonnés plus haut, que les plus jeunes, les vingtenaires, témoignent très peu dans cet ouvrage. Comment analyser cette absence ? La visibilité serait-elle, pour eux, un combat d’arrière-garde, comme semble le confirmer ce témoignage : « Dès mon entretien d’embauche, au détour d’une phrase, j’ai volontairement dit que je m’étais séparé récemment de mon compagnon, et je n’ai perçu aucune réticence à ce sujet. Cette impression d’une stricte égalité entre tous les collaborateurs s’est confirmée au fil du temps » (Adrien Bouchard, jeune consultant au sein d’une agence Randstad) Ou bien, les plus jeunes sont-ils pris dans des injonctions et des sentiments contradictoires : affirmer fièrement son identité, mais aussi entrer dans l’emploi sans se lester d’une « étiquette » dont ils ne savent pas si elle aura des conséquences lors des étapes de recrutement ou durant leurs premières années de vie professionnelle. Aussi, c’est très certainement à leurs aînés de déminer le terrain, pour que les plus jeunes n’aient plus à s’inquiéter de possibles discriminations. L’ambiguïté des plus jeunes s’entend dans ce témoignage anonyme : « Je ne perçois pas le besoin de créer un groupe LGBT interne et, s’il était créé je n’y participerais sans doute pas, car je ne voudrais pas créer un ghetto LGBT ». Le même poursuit : « Pour moi le fait d’être LGBT devrait être aussi banal qu’être hétéro, il n’y a pas lieu d’en faire une histoire ». Partant de ce postulat, il refuse pourtant de témoigner à découvert, parce qu’il considère que cette information n’est pas pertinente pour être connue de tous dans son milieu professionnel. Enfin, sur cette question de la visibilité, on notera l’absence marquante de témoignages de lesbiennes : seules trois d’entre elles ont accepté de témoigner et deux à découvert.

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Mon employeur a fait son coming out - L’Autre Cercle - Novembre 2016

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