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VENDREDI 31 MAI 2024 / FINANCES NEWS HEBDO

BOURSE & FINANCES

Abandon du FCFA

«Personnellement, je ne crois pas en l’Eco» La sortie du franc CFA soulève de nombreuses questions et suscite des débats passionnés en Afrique. Entre aspiration à la souveraineté monétaire et craintes de déstabilisation économique, le Sénégal est à un moment charnière. Quels en seraient les avantages et les inconvénients, et comment cette transition pourrait-elle impacter les secteurs clés de l'économie sénégalaise ? Décryptage avec l’économiste international Magaye Gaye.

Propos recueillis par D. William

veraineté. La monnaie natio- nale permettrait une expression autonome de la politique écono- mique, qui est un ensemble de mesures visant une croissance harmonieuse, une maîtrise de l'inflation, et une gestion efficace des déficits commerciaux et budgétaires, accompagnées de politiques d'emploi cohérentes. En adoptant une monnaie natio- nale, le Sénégal pourrait béné- ficier d'une flexibilité accrue. Actuellement, le franc CFA est arrimé à un Euro fort par une parité fixe, ce qui gêne les exportations. En ayant une mon- naie propre, le Sénégal pourrait ajuster son taux de change en fonction de ses objectifs écono- miques, comme le fait la Chine. Cela permettrait de stimuler les exportations et de limiter les importations si nécessaire, tout en ayant une incidence posi- tive sur l'endettement en devises étrangères, souvent libellé en dollars. Cependant, cette indépen- dance monétaire comporte des risques. Le Sénégal pourrait être exposé à des fluctuations de change, ce qui serait déstabili-

sant. La transition vers une mon- naie nationale nécessite donc des réformes structurelles pro- fondes pour préparer l'écono- mie et augmenter ses capacités budgétaires. Surtout qu’aujourd'hui le franc CFA handicape les exportations des pays de la zone «Franc», lesquels ne sont pas très com- pétitifs. Le Sénégal pourra ainsi, en fonction de ses objectifs d'in- dustrialisation, utiliser sa mon- naie comme un levier de crois- sance. En ce qui concerne les inconvé- nients, nous sommes actuelle- ment dans un contexte inflation- niste extrêmement préoccupant, et le Sénégal, comme beaucoup d'autres pays, fait face à un risque lié à la hausse du Dollar. Les autorités de la Réserve fédé- rale ont, en effet, décidé d'aug- menter les taux directeurs pour maîtriser l'inflation. Cela a pour effet de renforcer le Dollar amé- ricain et, par conséquent, d'af- faiblir les monnaies nationales, posant des problèmes en termes de service de la dette. Voilà un premier inconvénient majeur. Un autre inconvénient est que le

Finances News Hebdo : Quels sont, selon vous, les principaux avantages et inconvénients écono- miques pour le Sénégal de sortir du franc CFA ? Magaye Gaye : La sortie du franc CFA représente l’expres- sion de la souveraineté natio- nale. Aujourd'hui, tous les grands pays, à l'exception d’ensembles monétaires comme par exemple l'Union européenne et la zone Franc (UEMOA), disposent de leur propre monnaie. Les statis- tiques montrent que seulement 7% du système monétaire inter- national sont constitués de pays qui partagent une monnaie com- munautaire, ce qui confirme que cette situation est une excep- tion. Le premier avantage de sortir du franc CFA est donc la sou-

Sénégal n'est pas encore prêt. La monnaie est normalement le corollaire de la politique éco- nomique, or la politique écono- mique du Sénégal est encore extrêmement dépendante de l'extérieur. L'économie sénéga- laise est extravertie et présente une balance commerciale struc- turellement déficitaire depuis les indépendances. Elle dépend lar- gement de l'agriculture, et 70% des agriculteurs ne travaillent que trois mois sur douze. Les fleurons industriels sont en diffi- culté, l'économie est gangrénée par la corruption et est faible- ment financée également, à hau- teur de 30 à 31%, alors que des pays comme le Maroc sont à plus de 60%. Dans ce contexte, il est crucial de bien préparer l'économie en menant des réformes structu- relles profondes, en augmentant nos capacités budgétaires et en

Pour consolider les finances publiques, il est nécessaire de respecter les critères de convergence, comme maintenir les déficits budgétaires en dessous de 3% du PIB et l'endettement à 70% du PIB.

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