FNH N° 1154-1

31

FINANCES NEWS HEBDO / VENDREDI 31 MAI 2024

BOURSE & FINANCES

gétaire plus importante, favori- sant ainsi la transformation agro- industrielle. Le Sénégal pourrait réorienter ses crédits et réserves de change en fonction de ses objectifs de politique écono- mique, en mettant notamment l'accent sur la transformation et la conservation des produits agricoles. De son côté, le secteur indus- triel bénéficierait de la flexibilité monétaire, permettant d’ajus- ter le coût des intrants et des équipements importés en fonc- tion des besoins économiques. Cette «manipulation» du taux de change pourrait rendre les pro- duits sénégalais plus compétitifs sur le marché international. F.N.H. : Comment le Sénégal pourrait-il évi- ter les risques d’instabi- lité monétaire et de fuite des capitaux qui peuvent découler d’un abandon du franc CFA, tout en garantissant la confiance des investisseurs ? Quels mécanismes de sauve- garde devraient être mis en place pour protéger l'économie sénégalaise des chocs externes ? M. G. : Pour éviter l'instabi- lité monétaire et la fuite des capitaux, il est crucial que le Sénégal mette en place une gestion économique rigou- reuse. Cela implique de mener des réformes structurelles pour diversifier l'économie, promou- voir la bonne gouvernance et maîtriser les coûts énergétiques. Il est aussi essentiel de renfor- cer les réformes budgétaires, fis- cales et judiciaires pour amélio- rer l'environnement des affaires. Le Sénégal devrait également diversifier ses partenaires éco- nomiques pour réduire sa dépendance au Dollar et encou- rager une intégration régionale plus poussée, surtout quand

on sait que le commerce intra- africain ne représente que 15% des transactions opérées par le continent contre 60% au sein de l’Europe. De plus, la future Banque cen- trale du Sénégal doit être tota- lement indépendante du pou- voir politique pour garantir une gestion monétaire saine. Cela pourrait inclure l'institution d'une unité de fabrication de billets au niveau national, tout en assu- rant une utilisation transparente et responsable des réserves de change. Cela, sans oublier de tenir compte du secteur informel qui échappe aux objectifs de quan- tification monétaire. Comment le Sénégal peut-il renforcer ses réserves de change et consolider ses finances publiques afin de garantir une transition monétaire réussie ? F.N.H. : M. G. : Il n'y a pas de solu- tion miracle pour renforcer les réserves de change. Il est crucial que le Sénégal augmente ses exportations en transformant les produits à faible valeur ajoutée et en les vendant en devises fortes comme le Dollar ou l'Euro. Cela dépendra de la mise en place d'une politique économique effi- cace par le gouvernement. Pour consolider les finances publiques, il est nécessaire de respecter les critères de conver- gence, comme maintenir les déficits budgétaires en dessous de 3% du PIB et l'endettement à 70% du PIB. Par exemple, le gou- vernement sortant du Sénégal donnait l’impression de faire ce qu’on appelle dans notre jargon en wolof, le «soul bouki, souli bouki», c’est-à-dire s’inscrire dans un cycle d’endettement récurrent en empruntant pour payer les échéances à matu- rité. D’ailleurs, aujourd’hui, le taux d’endettement du Sénégal tourne autour de 80%, ce qui est largement au-delà des 70% définis par l’UEMOA. Donc, il faudrait mener des réformes structurelles afin de

instaurant un «État capitaine» pour impulser ces changements avant de pouvoir envisager la création d'une monnaie natio- nale. F.N.H. : Concrètement, quels seraient les impacts à court et à long terme sur les secteurs clés de l'économie sénégalaise, tels que l'agriculture et l'industrie, en cas d'aban- don du franc CFA ? M. G. : L’abandon du franc CFA ne peut être que bénéfique pour les économies. D'abord, c'est une monnaie qui a beaucoup d'inconvénients. Je parlais plus haut de parité fixe arrimée à l'Euro qui gêne l'économie en termes d'exportation et mine sa compétitivité. La deuxième chose est que ça freine l'intégration entre les trois zones, à savoir la Communauté

économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC), l’Union économique et moné- taire ouest-africaine (UEMOA) et les Comores. Troisièmement, la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a une politique monétaire très conservatrice, avec des ratios prudentiels qui handicapent le financement. De plus, les taux de sortie au niveau de l’UEMOA tournent autour de 9-11%, alors que dans la zone Euro, ils ne dépassent guère les 5-6%. Cela veut dire que quelque part il y a des dysfonctionnements en termes de politique monétaire. Pour répondre à votre question, je pense que l'abandon du franc CFA pourrait être bénéfique pour les secteurs clés de l'économie sénégalaise. Dans l’agriculture, une monnaie nationale permettrait d’instaurer une discipline monétaire et bud-

Actuellement, le franc CFA est arrimé à un Euro fort par une parité fixe, ce qui gêne les exportations.

www.fnh.ma

Made with FlippingBook flipbook maker