FNH N° 1154-1

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VENDREDI 31 MAI 2024 / FINANCES NEWS HEBDO

BOURSE & FINANCES

avant d'envisager une monnaie unique régionale viable. Tout cela fait que l’Eco, annon- cée en 2020, n’a pas encore vu le jour. F.N.H. : La réforme de 2020 du franc CFA a supprimé certaines obli- gations vis-à-vis de la France. Pourquoi, selon vous, ces réformes n'ont- elles pas suffi à dissiper les critiques, et que fau- drait-il pour que la créa- tion d’une nouvelle mon- naie réponde mieux aux besoins économiques des pays ouest-africains ? M. G. : Les réformes de 2020 n'ont pas suffi à dissiper les cri- tiques car elles ont été perçues comme superficielles. La France a ratifié cette réformette avant même les pays africains concer- nés, ce qui a suscité des doutes sur les intentions qui sous-ten- daient cette décision. La France devait logiquement sortir de la gouvernance du franc CFA. Or, ce n’était pas concrè- tement le cas. Par ailleurs, la France a suggéré de mainte- nir la garantie de convertibilité. Mais peut-elle maintenir cette garantie sans avoir elle-même une contre-garantie ? N’étaient- ce pas, en contrepartie, les réserves de change qui allaient être utilisées de manière diffuse, malgré les accords, pour donner une contre-garantie par rapport à la garantie de convertibilité qu’apporterait la France ? Tous ces éléments ont créé de la suspicion chez les Africains et engendré une profonde crise de confiance avec la France. Pour que la création d'une nou- velle monnaie réponde mieux aux besoins économiques des pays ouest-africains, il est néces- saire de garantir une véritable indépendance monétaire. Cela implique de mettre en place une banque centrale indépendante, de renforcer la transparence et la bonne gouvernance et de s'assurer que les réserves de change sont gérées de manière autonome et responsable. ◆

 La BCEAO a une politique monétaire très conservatrice, avec des ratios prudentiels qui handicapent le financement.

contenir le déficit budgétaire. Cela passe par deux éléments essentiels à mon humble avis : d'abord, il faudra consolider les ressources existantes; ensuite, élargir l'assiette fiscale en allant vers le secteur informel, réduire les exonérations fiscales non justifiées et renégocier les contrats conclus par le Sénégal pour maximiser les revenus. A travers un plan d’ajustement structurel interne, une cure d'austérité pourrait également être nécessaire pour éliminer les dépenses inefficaces et se concentrer sur des projets ren- tables. Enfin, je suis en train de plaider, en tant qu’économiste, pour que les institutions de Bretton Woods puissent accor- der au Sénégal la possibilité de restructurer la dette publique pour alléger les charges finan- cières (abandon des pénalités et des intérêts de retard, conso- lidation des intérêts normaux

en capital dans les entreprises publiques pour permettre à ces institutions d’avoir un œil sur la gouvernance de ces sociétés) et assurer une gestion plus rigou- reuse des finances publiques. Raison pour laquelle je propose depuis quelque temps l’instaura- tion d’une clause de responsabi- lité et de vigilance afin d’amener les bailleurs de fonds interna- tionaux à être beaucoup plus regardants sur l’octroi de finan- cements à connotation politique ou non rentables. F.N.H. : Faut-il privilégier une transition collec- tive avec l'UEMOA et la CEDEAO ? Cette approche est-elle réaliste et viable économiquement ? M. G. : Oui, une transition collec- tive au travers de l'UEMOA est souhaitable, mais sous certaines conditions. La première est que la France réduise son influence sur les questions monétaires. Les pays de l'UEMOA doivent s'approprier pleinement leur Banque centrale, avec une mon- naie dont le nom va changer et des réserves domiciliées au sein de banques qui nous offri-

ront des taux de placement plus intéressants. Il faut donner beau- coup plus de pouvoir à la BCEAO et rompre définitivement le cor- don ombilical avec la France. Cependant, une transition au niveau de la CEDEAO semble moins réaliste. Personnellement, je ne crois pas en l’Eco en rai- son des disparités budgétaires et économiques entre les diffé- rents pays, que l’on peut classer en trois sous-zones, notamment les pays anglophones, franco- phones et lusophones. Les pays anglophones ont un problème de discipline budgétaire, notam- ment en termes de respect des ratios de convergence. La zone CFA semble nager à contre- courant des intérêts supérieurs de la CEDEAO, raison pour laquelle l’Eco est encore blo- quée, certains pensant que c’est la France qui tire les ficelles. Il faut savoir qu’une CEDEAO dirigée par le Nigeria, avec une seule monnaie, signifie une perte totale de la souveraineté française au niveau de l’Afrique de l’Ouest. Les défis liés à l'intégration régionale et à l'industrialisation doivent également être relevés

Les défis liés à l'intégration régionale et à l'industrialisation doivent être relevés avant d'envisager une monnaie unique régionale viable.

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