Hors Série 43

C ulture

Cinéma Acteurs, parmi les audaces du renouveau De la mièvrerie, une dose de bons sentiments, une pincée de guimauve, tels étaient les ingrédients qui composaient un film marocain, jusqu’à ce qu’une poignée de jeunes loups ruent dans les brancards pour faire valoir une perception aussi novatrice qu’audacieuse. Il en résulta une floraison d’œuvres que le public cinéphile trouva à son goût, consacrant ainsi le renouveau de notre cinéma. Renouveau dont nous vous entretiendrons dans ces modestes pages parce qu’il mérite largement que l’on s’y attarde.

L

Des cinéastes de renom s’empres- sèrent d’exaucer le vœu formulé : Mohammed Abderrahman Tazi (Badis), Jilali Ferhati (La plage des enfants perdus); Hassan Benjelloun (La fête des autres). La palme reve- nait à Abdelkader Lagtaâ pour son film «Un amour à Casablanca», lequel dépeint scrupuleusement les maux qui gangrènent la société marocaine; et à M.A. Tazi, dont «A la recherche du mari de ma femme» fit un tabac (dépassant la rampe des 400.000 entrées). Le tollé provoqué par «Un amour à Casablanca» instruisait sur l’aspect dérangeant du nouveau cinéma. Dans une société qui passe le plus clair de son temps à contempler son nombril, décliner les tares sur les- quelles elle s’escrime à jeter un voile, était mal venu. Or, ce renouveau ne se voulait pas seulement régénéra- teur, mais surtout «démasqueur». Et c’est précisément en cela que résidait son audace. Ôter le masque, décaper le vernis, mettre à nu les travers, sont les mots d’ordre brandis à l’envi par les rénovateurs, au grand dam de

ceux qui ont fait de la frilosité une vertu. Il se trouve que la société arabe libère l’ouïe, mais enferme le regard. Or le cinéma, en tant qu’art visuel, ne saurait s’accommoder de cette res- triction, au risque de ne pas honorer son office. Cette vérité première était mise en avant par les artisans du renouveau du cinéma arabe. Dès lors, ils ne se font pas faute de scruter, dans ses moindres recoins, la réalité qu’ils vivent pour la capturer et l’enfermer dans la durée. Tous nos travers sont happés et fixés avec une exactitude cruelle. L’immobilisme, tout d’abord. Il se manifeste dans le maintien de pra- tiques sociales surannées : la poly- gamie coassement traitée dans «A la recherche du mari de ma femme»; le servage dans sa forme la plus arrogante, nous entendons par là la domesticité, qui constitue la trame de «L’enfance volée» (Hakim Noury); le machisme, qui court comme un leitmotiv. Si les hommes se repliaient dans des traditions qui leur sont avantageuses, ils n’en sacrifiaient pas moins les valeurs fondatrices de leur commu- nauté pour faire valoir celles qui sont empruntées. C’est ainsi que les films mettaient l’accent sur l’abandon des repères, des modes de vie et de pen- sée constitutifs de leur singularité culturelle. Une des manifestations les plus audacieuses de la rupture du nou-

a mutation profonde dont on avait pris acte est marquée notam- ment par l’affranchis-

sement des contraintes, à la fois formelles et thématiques, dans les- quelles le cinéma arabe était enserré. Du reste, le carcan était tellement lourd qu’il a fallu de multiples années pour s’en défaire tant soit peu, ainsi que l’illustrent les embûches mises en travers du chemin du renouveau, au Maroc. Celui-ci fut mis sur orbite dès l’orée des années quatre-vingt. Le secteur était exsangue, en dépit des bonnes volontés et d’une multitude de talents certains. Il était impérieux de le revitaliser. L’Etat y mit son écot, un laboratoire couleur fut créé à Rabat, ville au cœur de laquelle s’est tenu le 1 er festival national du film (octobre 1982). Toutefois, les œuvres écloses, bien que de bonne facture plastique, ne recueillirent pas les suffrages du public. Ce dernier revendiquait un cinéma ancré dans la réalité sociale.

Dates marquantes du cinéma marocain

• Le centre cinématographique marocain a été fondé en 1944. • Les studios Souissi furent construits à Rabat en 1944. • Le premier long métrage en couleur voit le jour en 1946; il s’intitule Yasmina.

• Le Maroc obtint sa première palme d’or à Cannes en 1952 pour Othello d’Orson Welles. • Vaincre pour vivre (1968) de Mohamed Tazi et Ahmed Masnaoui est le premier long métrage entièrement marocain. • Le premier festival national du film a eu lieu au mois d’octobre 1982 à Rabat.

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FINANCES NEWS HEBDO / HORS-SÉRIE N°43 100

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