S ociété
Mariage des mineures au Maroc Un phénomène «dur à cuire» En dépit d’être prohibé par la loi depuis 2004, le mariage précoce continue de sévir dans la société marocaine à cause des «dérogations» permises par l’article 20 du Code de la famille. 74,3% des jeunes filles mariées précocement sont issues de foyers où la décision revient au père. En 2020, 13.000 dérogations ont été accordées par le juge de la famille pour autoriser les mariages en dessous de 18 ans.
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(Code de la famille marocain ‘CFM’) a donné une lueur d’espoir à ceux qui combattent ce phénomène dur comme fer. Mais comme il n’y a pas de règle sans exceptions, l’article 20 accorde au juge de la famille le droit d’autoriser un mariage en dessous de l’âge légal. «L’article 20 du Code vient apporter une exception à cette capacité matri- moniale obligatoire en disposant que le juge de la famille peut auto- riser le mariage d’un mineur sous réserve qu’il (le juge) ait entendu les parents du mineur ou son représen- tant légal et procédé à une expertise médicale ou une enquête sociale et ait motivé sa décision par un intérêt et un motif justifiant ce mariage», explique Nesrine Roudane, avocate au Barreau de Casablanca, prési- dente de la Commission juridique et fiscale de la CFCIM, médiatrice commerciale et arbitre associée en charge du bureau de Casablanca Al Tamimi & Company. Et de poursuivre : « Selon l’article 21 du CFM, ‘le mariage du mineur est subordonné à l’approbation de son représentant légal. L’approbation du représentant légal est constatée par sa signature apposée, avec celle du mineur, sur la demande d’autorisa- tion de mariage et par sa présence lors de l’établissement de l’acte de mariage. Lorsque le représentant
ai versé toutes les larmes de mon corps quand mon père m’a annoncé
légal du mineur refuse d’accorder son approbation, le juge de la famille chargé du mariage statue en l’objet’. On remarque ici que même si c’est le représentant légal qui doit donner son accord pour le mariage du mineur, le juge de la famille est compétent pour statuer dans le cas où ce dernier refuse d’accorder son approbation. Ce qui a d’importantes conséquences en pra- tique et peut être éventuellement pro- blématique». Cette brèche législative est souvent contestée du fait qu’elle favorise l’accroissement des mariages des mineures. En 2020, 19.266 demandes de mariage de mineures ont été déposées au niveau des tribunaux marocains. Et plus de 13.000 déro- gations ont été délivrées au cours de cette même année, d’après une étude présentée le 29 novembre 2021 par le ministère public. Le mariage à la «Fatiha», la goutte de trop En fait, ces chiffres alarmants ne représentent que la partie émer- gée de l’iceberg car, en réalité, bon nombre de mariages des mineures ne suivent pas la procédure légale et se contentent plutôt d’un mariage coutumier à la «Fatiha». Un phé-
que je devais me marier. J’étais une fille pleine de vie, avec des rêves et des ambitions. Du jour au lendemain, on m’a arrachée ma liberté et ma vie a été complètement chamboulée» . C’est le témoignage poignant de Zineb, aujourd’hui âgée de 19 ans et mariée il y a 5 ans à un homme qu’elle n’a vu qu’en photo. Chaque année au Maroc des mil- liers de filles mineures quittent le domicile familial pour convoler en «non justes noces», contraintes de dire adieu, prématurément, à leur vie d’enfant et de dire oui, contre leur gré, à une vie d’adulte. Une vie qu’elles n’ont pas choisie et qui les condamne à vivre sous le même toit avec un parfait inconnu. C’est un secret de polichinelle, ce fléau social touche la gent féminine plus que masculine. Chiffres à l’appui, le HCP nous apprend que les filles repré- sentent 94,8% du total des unions impliquant des mineurs. La réforme de la discorde Fixant la capacité matrimoniale pour les filles à 18 ans au lieu de 15 ans, la réforme de 2004 de la Moudawana
FINANCES NEWS HEBDO / HORS-SÉRIE N°43 88
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