Hors Série 43

S ociété

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lieu, le juge chargé du mariage dis- pose de tous les éléments nécessaires pour donner son autorisation ou son refus du mariage. Comme il peut avoir recours à une enquête médicale et psychologique ou bien faire appel à une étude sociale qui conduit le plus souvent à l’absence de tout intérêt à marier un mineur avant son âge de majorité». Comme susmentionné, la législation marocaine soumet le mariage des mineures à une autorisation préa- lable entre les mains du juge, qui émet sa décision après avoir audi- tionné les parents et recouru à une expertise médicale ou une enquête sociale. Justement, c’est par le biais de ladite enquête qu’il est possible de vérifier si le consentement est libre ou plutôt délivré sous contraintes familiales. «Le juge chargé du mariage ordonne la réalisation d’une étude sociale par les assistants sociaux qui travaillent au sein du tribunal, et cela se fait suite à la requête écrite du Parquet général et d’une décision préalable prise par le juge. L’étude commence tout d’abord par faire appel au tuteur du mineur et au fiancé. Ensuite, le travailleur social se déplace au futur foyer conjugal pour avoir une idée et voir de près les conditions financières du couple et aussi s’assurer du motif réel derrière ce mariage qui a poussé le mineur à présenter sa demande sans attendre d’avoir l’âge de majo- rité, et par conséquent la priver de son droit de poursuivre ses études ou sa formation professionnelle» , explique le procureur du Roi. Et d’ajouter : « Le travailleur social soumet un rapport rassemblant ces

données afin d’être étudié et pris en compte par le Parquet général, étant donné qu’il est une partie essentielle et prenante en ce qui concerne les demandes de mariage des mineurs, et qui par la suite présente des requêtes qui sont compatibles avec les données du rapport social afin de prendre une décision qui met l’intérêt supérieur de l’enfant comme la pièce angulaire, comme le stipule l’article 54 du code de la famille». Mais là où le bât blesse, c’est que les données délivrées par le ministère public concernant l’enquête sociale prêtent à confusion. D’abord, le département pointe du doigt le faible recours aux assistantes sociales dans la réalisation de ce genre d’enquêtes, en sus de l’absence totale du recours aux autorités locales ou à la gendar- merie, notamment dans les régions

rurales loin du siège du tribunal. Ce n’est pas tout : entre 2015 et 2019, 57% des autorisations octroyées pour le mariage des mineures ont été accordées en 24H seulement contre 36% après une semaine et 7% pour les demandes dont le temps de trai- tement dépasse une semaine. Face à ces chiffres, le respect des condi- tions procédurales contenues dans le CFM lors d’un mariage précoce reste un grand point d’interrogation. «Depuis la promulgation du code de la famille en 2004, je n’ai eu à consi- gner que de rares cas de mariages impliquant une partie mineure, tout en veillant bien évidemment à vérifier le plein consentement des personnes concernées. Cette étape vient après la réception de l’autorisation exception- nelle octroyée par les autorités judi- ciaires en se basant sur les résultats fournis à l’issue de l’enquête sociale et de l’expertise médicale» , affirme Bouchaïb Jirane, adoul à Casablanca. Si le mariage des filles mineures sou- lève autant de débats, c’est parce que les données regroupées et croi- sées de plusieurs études ont démon- tré que cette pratique est préjudi- ciable à la santé. Une raison parmi tant d’autres qui justifie le caractère indispensable de l’expertise médi- cale. Effectuée par expert assermen- té, à savoir le médecin spécialiste, cette opération permet au juge de s’assurer de la maturité corporelle du sujet et de sa capacité à contracter

Juguler le mariage des mineures : Les recommandations de Me Nesrine Roudane

«Il convient de différencier les solutions théoriques des solutions pra- tiques. La solution théorique est évidemment la refonte du Code, avec la suppression de l’exception de l’autorisation par le juge de la famille prévue par l’article 20, et ne laisser donc que les unions matrimoniales consenties par les majeurs concernés. Quant aux solutions pratiques, de nombreux angles peuvent être envisagés. Il s’agit notamment de la mise en place de campagnes d’information pour les jeunes filles concernant leurs droits, d’un contrôle accru et de sanctions pécuniaires contre les contrevenants, en plus de l’encouragement de l’autonomisation écono- mique des femmes et de la promotion de la culture des droits de l’enfant».

FINANCES NEWS HEBDO / HORS-SÉRIE N°43 90

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