Hors Série 43

S ociété

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F. N. H. : Votre ambition est de faire dispa- raître les failles juridiques du mariage des mineurs au Maroc d’ici 2025. Où en êtes- vous ? M. M. : Project Soar lutte contre le mariage des enfants localement, dans différentes régions du Maroc, en autonomisant les filles et en les encourageant à rester à l’école et à accéder à l’enseignement supé- rieur. Nous nous concentrons sur les filles, les parents et les membres de la communauté (et nous le sommes toujours). Cependant, le mouvement Bigger a également pour objectif de passer à l’étape sui- vante et de défendre les droits des filles au niveau national. Jusqu’à présent, nous avons formé environ 100 filles à une formation spécia- lisée en plaidoyer (initiée par des partenaires juridiques du groupe MRA) et nous avons lancé une cam- pagne nationale de sensibilisation 14% des filles au Maroc sont mariées avant l’âge de 18 ans. De ce fait, le mariage précoce ne menace pas seulement l’éducation, la santé physique et mentale des filles, mais égale- ment la société dans son ensemble.

qui a déjà fait la Une des journaux. Les filles continuent de sensibiliser leurs pairs à ce sujet et de raviver la flamme dans leurs communau- tés. Notre prochaine étape dans ce mouvement est d’armer ces filles avec les amendements juridiques, rédigés en collaboration avec des avocats de MRA, et de les présen- ter au Parlement à l’automne pro- chain. Les filles apportent les modifica- tions aux articles 20 et 21 de la Moudawana en répondant à notre enquête Bigger. Ces modifications comprendront la suppression de toute possibilité de mariage avant l’âge de 17 ans; le futur mari doit avoir un casier judiciaire vierge; un assistant social devrait procé- der à une évaluation approfondie du futur mari et d’autres modifica- tions pour assurer la sécurité et le bien-être des filles au cas où elles venaient à se marier à l’âge de 17 ans. Les modifications finales pro- posées seront terminées d’ici août 2022 et présentées au Parlement et aux ministères concernés à l’au- tomne 2022. Le changement juridique pourrait être un processus lent, mais nous sommes armés d’espoir et détermi- nés à modifier les articles 20 et 21 de la Moudawana dans 4 ans. Avec l’aide des Soar Girls, nous sommes certains que nous ouvrirons la voie qui mène à notre objectif de mettre fin au mariage des enfants au Maroc.

Project Soar a jusqu’à présent formé environ 100 filles en plaidoyer.

toires sont utilisées pour marier des filles mineures pour diverses raisons, notamment celles liées à des difficultés économiques ou aux idées patriarcales conservatrices (précarité et piété). Ces articles ne mentionnent pas spécifiquement de limite d’âge minimum, ce qui a conduit des filles aussi jeunes que 15 et 14 ans (4% des mariages sont des filles âgées de 14 ans ou moins) à se marier, soit en simu- lant des «circonstances spéciales» ou en falsifiant des certificats de naissance et d’autres documents. La clémence et le flou qui entourent les articles 20 et 21 sont des failles de la Moudawana qui sont à l’origine du nombre croissant d’autorisa- tions de mariage accordées chaque année aux mineurs. En 2004, 4% des autorisations de mariage d’enfants ont été accordées et en 2013, ce taux est passé à 13,5%. Le mariage précoce ne menace pas seulement l’éducation, la santé physique et mentale des filles, mais également la société dans son ensemble, compte tenu du nombre élevé de cas de divorce et de violence aux- quels sont confrontées les jeunes filles mariées. Le mouvement Bigger vise à com- bler toutes les failles juridiques, en rendant les articles 20 et 21 plus précis et clairs : aucune fille de moins de 17 ans ne devrait pouvoir se marier, quelles que soient les circonstances.

FINANCES NEWS HEBDO / HORS-SÉRIE N°43 98

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