FNH (2)

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CULTURE

FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 24 SEPTEMBRE 2020

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F.N.H. : Quels sont les projets que vous avez réalisés jusqu’à présent ? Gh. H. : Nous en avons cinq au compteur : «Hlama F’lila F’ness Seyf (Le songe d’une nuit d’été)» que j’ai envie d’intituler maintenant «Mnama» au lieu de «Hlama»; «Antigone», qui est devenu «N’tigone»; «Al Foqara (Les pauvres)» et «Cheikh Ghassens (comme Brassens)». Sans oublier «Kabareh Cheikhats», bien sûr (sourire). F.N.H. : Vos futurs projets ? Gh. H. : L’idée maintenant, c’est de lancer des pièces radiophoniques, des formations d’im- pro, du théâtre forum, spectacles de danse… Les clips que nous donnerons à voir, reflète- ront ce que nous sommes, notre démarche, notre combat… Là, nous sommes arrivés à l’étape de la révélation. F.N.H. : D'où vous vient cette chanson ? Gh. H. : L’idée est venue de deux jeunes qui écoutent avec dévotion, qui planent avec la musique, qui s’insurgent contre les clichés, qui voyagent en compagnie du temps…(plus éclectique que ces deux-là, tu meurs !). «Derni Hlal» nous est parvenue grâce au grand effort fourni par les services culturel du protec- torat pour rassembler et cataloguer toutes les musiques du pays. Nous les remercions mal- gré les méfaits de leurs actions. Ces actions qui nous permettent aujourd'hui de réinventer ces sons et ces histoires qu'on croyait perdus. Nous les avons découverts par pur hasard en fouillant dans «Gallica», une bibliothèque numérique de la BNF (Bibliothèque nationale de France). F.N.H. : Que signifie «Derni Hlal» ? Gh. H. : «Derni Hlal», «make me your moon ! (en anglais)». Une belle expression quand même ?! «Derni Hlal A Mami», c’est-à-dire «Derni Hlal A Hbibi/Hbibti (fais de moi ta lune mon amour). «Mami» est emprunté de l’argot juif marocain. Tel est le cas pour «Hak A Mama» qui veut dire «Hak A Hbibi (tiens mon amour)». Ici, nous invoquons la/le bien-aimé (e) plutôt que la «mère». «Derni Hlal Iwati Dak Lkhyal (fais de moi une lune pour convenir à cette ombre)»… C’est extrêmement poétique ! De l’aspirine émotionnelle (se plait à dire Amine, soulignant que «Derni Hlal» c’est du «Chgouri», musique juive marocaine, pimentée de «Merssaoui»). F.N.H. : Bien que le message passe comme une lettre à la poste, pourriez- vous dire à nos lectrices et lecteurs quel est le sens de ce clip ? Gh. H. : Certaines femmes pendant le protec-

«Depuis tout petit, je rêvais d’être une Cheikha. Pas celle qu’on passait à la télé le samedi soir. Non, je rêvais d’être une vraie Cheikha comme Kharboucha», lit-on dans leur page FB.

© Benoît Guillaume

torat étaient photographiées contre leur gré. Enfermées dans la durée moyennant cartes postales prêtes à consommer et à véhiculer, ainsi qu’à exhiber une image typée de l'autre (le Marocain; une esclave de Fès; le Sahraoui…) manquant à l'appel de la civilisation, le déca- dent. La démarche ne consiste pas à déterrer les morts, mais plutôt de rendre hommage et surtout considération à ces femmes maro- caines qui ont souffert du protectorat français au Maroc (1912-1956), de son regard inhumain porté sur elles, parce qu’orientalistes, char- gées de stéréotypes. F.N.H. : Comment cela ? Gh. H. : Le protectorat nous a considérés comme des objets et non pas des sujets. Des objets à exposer ! Les étrangers ont offert à voir une galerie de «femmes», généralement

de «gens de peu», saisies avec une vision pessimiste, exprimée avec lyrisme effréné, mais sans aucune compassion pudique, dans leurs menus gestes quotidiens. Avec spon- tanéité, les femmes, immortalisées, fixent le photographe de leurs blessures mises à nu, mais aussi de leurs regards où l’on entrevoit la détresse, le malheur, les petits enfers divers… F.N.H. : Qu’en est-il de l’adaptation et de la mise en scène ? Gh. H. : Nous avons essayé de reproduire les mêmes scènes qui hantent quelques cartes postales que nous avons pris le soin de -bien- sélectionner. Y compris, bien sûr, les accessoires et les costumes. D’ailleurs, c’est Amine qui a confectionné les caftans… et ils étaient -presque- identiques à ceux dans les images. ◆

A la santé des «Cheikhats»

Dans «Kabareh Cheikhats», les comédiens de la troupe «Jouk Attamtil Al Bidaoui» se mettent dans la peau des célèbres divas. Certains en caftans et d’autres en gandouras ou robes. Tous avec des talons, sinon pieds nus. L’air farouche en première vue. Maquillage trop chargé : poudre et crayon; rouge à lèvres clinquant et tatouages peints sur les visages. Munis de leur taârija et bendir, ils se déhanchent langoureusement et chaloupent délica- tement, foulards noués autour du bassin. Avec une complicité oud-violon, ils reprennent les chansons des «Cheikhats» qui ont marqué l’histoire de l’Aïta. «Rah Iâajbouni F’jedba». Délaissant tous les rouages de la production théâtrale, «Kabareh Cheikhats» est une «Fraja», c’est-à-dire un spectacle, dédiée à ces poétesses de la résistance «Hazo Bina Laalam Zido Bina El Godam»; de l’amour «A7 Ya Lasmar»; de la beauté «3winatek Bhira, Miha Safia»... De fait, «Jouk Attamtil Al Bidaoui» tend à rendre hommage au statut de la «Cheikha» et à montrer que l’Aïta ne doit pas être réduite seulement à une musique folklorique. Les comédiens s’intéressent de plus près à la signification des paroles, se documentent minutieusement sur l’histoire… pour mieux INTERPRETER. Longue vie à «Jouk Attamtil Albidaoui» ou l’«orchestre d’interprétation Bidaoui» !

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