FNH N° 1033 ok

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ECONOMIE

FINANCES NEWS HEBDO

MARDI 31 AOÛT 2021

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«Les citoyens ont le droit de juger les réalisations gouvernementales » Bilan économique

◆ En début de mandat, le gouvernement s’était fixé un ensemble d’objectifs ambitieux. ◆ L’heure du bilan a sonné. ◆ Eclairage du professeur et économiste Najib Akesbi.

mique. Quelle appréciation faites- vous des objectifs annoncés par le gouvernement et les réalisations sur le front économique. N. A. : Sur le plan économique, le gouver- nement avait promis un taux de croissance annuel moyen du PIB compris entre 4,5 et 5,5%. Or, le taux de croissance annuel moyen entre 2017-2021 est de 1,6% du PIB, sachant que le taux de croissance de 2021 est évidemment prévisionnel (plus exacte- ment celui prévu par la Loi des Finances pour 2021). Au regard de ces données, il est clair qu’on est loin du compte. Et même en nuançant par l’omission de l’année 2020, marquée par la crise exceptionnelle liée au Coronavirus (avec une décroissance de -7%), le taux de croissance annuel moyen des quatre années restantes est de 3,6% du PIB. Donc, même en éliminant 2020, on voit clairement que l’objectif en la matière n’est pas atteint. Et ce ne sont pas là de simples chiffres abstraits. Il faut savoir que 1 point de croissance représente près de 11 Mds de dirhams. Cela voudrait dire qu’un point de croissance perdu chaque année pendant 5 ans, équivaut à un «manque à gagner» de près de 55 Mds de DH par rapport à l’objec- tif fixé par le gouvernement. En matière de lutte contre le chômage, les résultats obtenus ne sont guère reluisants non plus. Rappelons que le gouvernement avait pour ambition de ramener le taux de chômage à 8,5% en fin de mandat (ce qui n’était déjà pas un objectif très ambitieux). Or, les chiffres officiels montrent que le taux de chômage annuel moyen au cours des années précitées est de 10,4%. Ce qui est nettement en deçà de l’objectif initial fixé. Là encore, pour être très concret, il faut savoir que 1 point de chômage en plus

Propos recueillis par M. Diao

Finances News Hebdo : En tant qu’analyste des questions écono- miques, que vous suggère le bilan du gouvernement actuel en fin de mandat ? Najib Akesbi : Je réponds d’emblée en disant qu’au Maroc, ceux qui décident des choix stratégiques ne se présentent pas aux élections. En conséquence, faire le bilan de l’action gouvernementale sur le plan économique au cours des cinq dernières années revient quelque part à rendre exclu- sivement comptable le gouvernement des orientations économiques majeures. Or, les grandes décisions politiques, économiques et sociales sont prises lors du Conseil des ministres et non en Conseil de gouverne- ment. J’estime que participer à la critique du bilan du gouvernement en laissant croire qu’il en est le seul responsable équivaut à entretenir l’atmosphère de confusion et de dilution des responsabilités qui existe dans le pays. Faire l’évaluation d’une politique économique au Maroc ne revient pas à juger seulement les prestations d’un gou- vernement. Ceci dit, il est vrai que des élections sont un moment d’interpellation, de reddition des comptes, de débat, et les citoyens ont le droit de juger les réalisa- tions gouvernementales, ne serait-ce qu’au regard des objectifs que les responsables gouvernementaux s’étaient eux-mêmes fixés en début de mandat. F.N.H. : Comme vous le savez, la Déclaration de politique générale exposée au Parlement en 2017 par l’actuel chef de gouvernement comporte un certain nombre d’ob- jectifs chiffrés sur le plan écono-

ou en moins, ce sont plus de 100.000 chô- meurs en plus ou en moins… Le constat est le même pour les finances publiques, lesquelles n’ont pas été assai- nies avec le gouvernement actuel et dont l’une des promesses-phares, avait été de contenir le déficit budgétaire en dessous de 3% du PIB. Au regard des données dispo- nibles, la moyenne des déficits budgétaires sur les cinq années en question affiche un taux de 4,9% du PIB. D’où l’existence d’un écart de près de 2 points de plus par rap- port à l’objectif gouvernemental. Même en faisant l’impasse sur l’année 2020 pour les raisons déjà évoquées, le taux moyen du déficit budgétaire des quatre autres années tourne autour de 4,3% du PIB. F.N.H. : Qu’en est-il des indicateurs économiques non moins cruciaux pour lesquels des objectifs chiffrés n’ont pas été fixés par le gouverne- ment en début de mandat ? N. A. : La situation du commerce extérieur par exemple. Elle est toujours aussi grave et aussi inquiétante. Le déficit commercial est resté compris dans une fourchette entre 16 et 19% du PIB, et le taux de couverture des importations par les exportations s’est

maintenu autour d’une moyenne de 55%, c’est-à-dire qu’en gros, on a continué à importer presque le double de ce qu’on a exporté. Quant à la dette, à fin 2020, l’endettement public global a franchi le seuil symbolique voire fatidique des 1.000 Mds de DH (1.006 milliards exactement). C’est avec le gouvernement actuel que le Maroc a enregistré le record historique en matière d’endettement public, avec un taux désor- mais dangereusement proche des 100% du PIB. Certes, on peut encore invoquer la crise de la Covid-19, mais le choix des gouvernants a porté sur l’endettement exté- rieur massif, avec toutes les conséquences graves pour la souveraineté du pays et que tout le monde connait… A fin 2020, la part de la dette extérieure dans la structure de la dette a progressé pour atteindre 37% (contre 20% avant la crise), tandis que la part de la dette intérieure a reculé à la même période à 63% (contre 80% avant la crise). Sur le front social, le Maroc ne s’est pas mieux porté lors des cinq dernières années. Pour preuve, le pays occupe toujours la 121 ème place sur 189 dans l’IDH du PNUD (2020). La crise a mis en évidence de façon flagrante la vulnérabilité économique et sociale d’une très large frange de la popu-

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