FNH N° 1108 3

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CULTURE

JEUDI 11 MAI 2023 FINANCES NEWS HEBDO

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Selfati, l'écorché vif Confidences

◆ Jusqu’au 6 juin 2023, la prestigieuse galerie Abla Ababou accueille à Rabat «The forest inside me», un bel et riche solo-show d’Ilias Selfati où le dessin prévaut en maître.

Propos recueillis par R. K. H.

Finances News Hebdo : Pouvez- vous nous parler de vos débuts artistiques ? Ilias Selfati : Les enfants éprouvent du plaisir à griffonner ou à dessiner avant d'écrire : cet exercice est leur première forme d'écriture. Chaque âge a ses plai- sirs. Les miens consistaient, à l’âge de 3 ans, dans la contemplation insatiable d’une sœur illuminée faisant beaucoup de l’aquarelle, à l’école catholique espagnole de Tanger. Puis, à l’âge de 7-8 ans, Khalil El Ghrib, un des peintres estimables qui frayait avec mon père, et qui ne manque pas de flair, subodore du talent dans la tendre pousse que j’étais et me prend en main. Il m'a formé et éduqué jusqu'à mon bac. Après s’être abreuvé de peinture du meilleur aloi, je m’y jette, alors adolescent, ardemment. Soit. Ce n’est qu’en intégrant l'école des Beaux-Arts que tout a démar- ré… J'ai eu la chance de vivre différentes périodes dans ma vie, ce qui m'a beaucoup enrichi. Avant même d'intégrer l'école des Beaux-Arts, j'ai eu la chance de rencon- trer Paul Bowles et de nombreux artistes internationaux de passage, tels que Julian Schnabel, Miquel Barceló ou encore James Brown. Toutes ces rencontres m'ont inspi- ré et m'ont donné envie de partir à l'étran- ger après l'obtention de mon diplôme aux Beaux-Arts. Ainsi, c'est à partir de Madrid que tout a commencé à changer pour moi. F.N.H. : Quelles sont vos influences, vos inspirations ? I. S. : J'ai toujours été profondément admi- ratif de Goya, Rembrandt, Picasso... Ces artistes ont été mes influences majeures, mes références en matière de peinture et de dessin. Leur travail a éclairé mon regard sur ce que signifie «avoir une formation d’artistes» (allant du classique au contem- porain, en passant par le moderne). En outre, je n'ai cessé de voyager depuis l'âge de 22 ans, et ces pérégrinations

Après s’être abreuvé de peinture du meilleur aloi, je m’y jette, alors adolescent, ardemment. Soit. Ce n’est qu’en inté- grant l'école des Beaux- Arts que tout a démarré…

ont également façonné mes idées et mes influences. Les paysages, les cultures et les expériences que j'ai rencontrés en chemin ont contribué à élargir mon horizon artistique. F.N.H. : La forêt est omniprésente dans vos œuvres. Quelle relation entretenez-vous avec elle ? I. S. : La peinture représente pour moi un moyen d'apprentissage et de connais- sance. On ne peut jamais faire trop de tableaux. Je ne suis pas séduit par l'idée de créer seulement un, deux ou trois tableaux, comme le faisait Marcel Duchamp. À mon avis, son erreur était de prendre le temps de réfléchir. Pour ma part, je travaille beaucoup avec mes erreurs. C'est la raison pour laquelle je retourne souvent dans la forêt, car je trouve que je n'ai pas encore assez exploité ce thème. Ce retour me permet de corriger ou de rattraper ce que je n'ai pas réussi auparavant. Je m'efforce d'éviter de dire : « Bon, j'ai fait tout ce qu'il fallait faire ! », car je sais que je devrais

toujours effectuer un retour pour peaufi- ner mon œuvre, en y ajoutant quelques retouches très sages (sourire). F.N.H. : Insectes, chevaux et cerfs sont des éléments récurrents dans vos compositions. Pourquoi ? I. S. : Nous avons beaucoup voyagé avec mon père qui était militaire. Nous avons parcouru toutes les directions, du sud au nord et d'est en ouest. Je me souviens par- ticulièrement d'un voyage où nous avons passé près de 3 ans dans une ville appelée Ahfir, près de la frontière avec l'Algérie. Donc, en parlant d'insectes, il y avait ce petit village très sauvage où nous jouions souvent. Il y avait tellement d'insectes dans cette région. Étonnamment, cette expérience m'a été utile dans mon travail aujourd'hui, et je m'en souviens encore clairement. Les chevaux ont été une grande partie de ma vie, grâce à mon père qui était cavalier. J'ai commencé à côtoyer ces animaux dès mon plus jeune âge, et j'ai appris à les mon-

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