Découvrez le numéro 981 de Finances News Hebdo, premier hebdomadaire de l'information financière au Maroc
Du 6 novembre 2025 - 8 DH - N° 1214
PREMIER HEBDOMADAIRE DE L'INFORMATION FINANCIÈRE AU MAROC
Directeur de la publication : Fatima Ouriaghli
● Il y a un demi-siècle, 350.000 Marocains prenaient la route du Sud, le Coran dans une main, le drapeau national dans l’autre. ● Ils n’allaient pas conquérir, mais reconquérir. Ils ne portaient pas d’armes, mais un idéal.
P.20 à 29
Réforme fiscale Le Maroc consolide les acquis d’un chantier majeur
Le private equity redoute un coup de frein Fiscalité des OPCC
AFIS 2025 L’heure d’une «finance africaine par l’Afrique» P.14 à 19
P.10
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Dépôt légal : 157/98 ISSN : 1114-047 - Dossier de presse : 24/98 - Adresse : 83, Bd El Massira El Khadra, Casablanca - Tél. : (0522) 98.41.64/66 - Fax : (0522) 98.40.22 - Adresse web : www.fnh.ma
SOMMAIRE
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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 6 NOVEMBRE 2025
Voyons voir : Marché du travail : Soulagement de façade Ça se passe au Maroc 4 6 ACTUALITÉ
ECONOMIE
Editorial
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Journée nationale de l’industrie : Le label «Made in Morocco» consacré Compétitivité : Le maillon faible de l’industrie marocaine Entretien avec Hassan Edman : Développement ter- ritorial, De la simple correction des déficits infrastructurels à la création de richesse locale Entretien avec Driss Effina : Croissance, «Notre économie vit une transformation profonde» Industrie automobile : L’écosystème Renault passe à la vitesse supérieure Entretien avec Dr Nizar Chaari : Financement non lucratif, Levier de solidarité durable en Afrique et dans le monde arabe CAN 2025 - Mondial 2030 : Du ballon rond à la diplomatie d’influence
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BOURSE & FINANCES
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Point Bourse Hebdo : Psychologie et stabilité font la paire Réforme fiscale : Le Maroc consolide les acquis d’un chantier majeur Réforme fiscale des OPCC : Le private equity redoute un coup de frein AFIS 2025 : L’heure d’une «finance africaine par l’Afrique» Bourses africaines : Pour l’émergence de champions familiaux cotés Khalid Safir : «Pour mobiliser l’épargne africaine, il faut rassurer, massifier et professionnaliser» AFIS : La souveraineté énergétique africaine en débat
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Fatima Ouriaghli Directeur général, Responsable de la publication
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Sahara marocain
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l y aura désormais un avant et un après 31 octobre 2025». Cette phrase du Roi Mohammed VI, prononcée au lende- main de l’adoption par le Conseil de sécurité de la résolution 2797, scelle la fin d’un long cycle diplomatique et ouvre un chapitre inédit dans l’histoire contemporaine du Maroc. Pour la première fois depuis un demi-siècle, l’ONU consacre expli- citement le plan d’autonomie sous souveraineté marocaine comme la seule base sérieuse, crédible et réaliste pour parve- nir à un règlement politique du différend du Sahara. I Le triomphe de la constance Cette résolution marque un tournant majeur. Non seulement elle confirme l’isolement de l’Algérie, longtemps arc-boutée sur une posture idéologique et stérile, mais elle parachève surtout une lente et méthodique recomposition du rapport de force diplomatique en faveur du Maroc. Ce basculement, le Souverain l’a résumé en une formule à la fois sobre et solennelle. «Après cinquante ans de sacrifices, nous ouvrons un nouveau chapitre victorieux» , a-t-il déclaré. En d’autres termes, le Maroc a gagné non pas par la force, mais par la patience, la persévérance et la cohérence. Ce sont là les trois piliers d’une diplomatie qui, depuis Hassan II jusqu’à Mohammed VI, a su transformer une cause nationale en un consensus inter- national. La force du Maroc a été de ne jamais confondre communication et convic- tion. Quand d’autres s’agitaient inutilement dans les fora internationaux, Rabat avançait pas à pas, pays par pays, continent par continent. L’objectif : faire du plan d’autonomie non plus une simple proposition, mais un réfé- rentiel diplomatique mondialement reconnu. C’est maintenant chose faite. Mais cette victoire n’est pas une fin en soi. Elle marque le passage de la légi- timité diplomatique à la légitimité du développement. Le défi est désormais de construire un modèle de gouvernance régionale inspiré de la Constitution de 2011 et du modèle de développement lancé en 2015. Dans les faits, les Provinces du Sud incarnent déjà ce Maroc qui se déve- loppe : infrastructures modernes, croissance accélérée, zones franches, ports internationaux et un dynamisme entrepreneurial qui attire capitaux et talents. Reste l’autre versant de cette histoire : l’Algérie. Le voisin de l’Est, jadis sûr de sa puissance, se retrouve aujourd’hui dans une position d’isolement presque tragique. Membre non permanent du Conseil de sécurité, Alger n’a même pas participé au vote de la résolution. Ce boycott silencieux, sorte de déni diplomatique, illustre l’essoufflement d’un régime prisonnier de sa rhétorique. Depuis un demi-siècle, le pouvoir algérien s’est enfermé dans une posture de gardien des dogmes révolutionnaires, faisant du dossier du Sahara un exutoire politique. A chaque revers international, les mêmes communiqués furibonds, les mêmes discours sur «le droit des peuples» et la même indi- gnation sans effet. Mais cette fois, la messe est dite : le monde a tranché et l’Algérie se retrouve seule contre tous. C’est dire que la portée du vote du 31 octobre dépasse la seule question saharienne. Elle consacre aussi le leadership régional du Maroc, fruit d’une vision royale claire : associer diplomatie, développement et stabilité. Aujourd’hui, le Sahara marocain n’est plus une question suspendue. C’est une réalité politique, juridique et économique. u
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44 L'UNIVERS DES TPME
Entretien avec Zouhir Jamal Bennis : Frontline Unit, «Transformer la donnée en levier straté- gique pour l’Afrique»
FOCUS : SAHARA MAROCAIN
Marche verte : De l’acte de foi à l’acte de droit Résolution de l’ONU : Une nouvelle étape historique dans la consécration de la marocanité du Sahara Algérie : Le revers d’un demi-siècle de posture Entretien avec Dr Mohamed Bouden : De la Marche verte à la Résolution 2797, Le long chemin vers la légitimité internationale Plan d’autonomie : Le Maroc passe à la concrétisation Politique étrangère : Quand Alger collectionne les claques diplomatiques
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46 SERD : Plus que des toitures, des sources d’énergie DEVELOPPEMENT DURABLE
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HIGH-TECH
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Nvidia : L’entreprise qui fait tourner l’IA mon- diale Entretien avec Jamal Basrire : Stratégie digitale, «Former, transformer et collaborer, les trois clés d’un Maroc numérique fort»
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• Directeur des rédactions & Développement : David William • Journalistes : Charaf Jaidani, Leïla Ouriaghli, Adil Hlimi, Youssef Seddik, Khalid Aourmi, Ibtissam Zerrouk, Désy Mbakou • Révision : M. Labdaouat • Directeur technique & maquettiste : Abdelillah Chamseddine • Mise en page : Zakaria Beladal
• Assistantes de direction : Amina Khchai • Département commercial : Samira Lakbiri, Rania Benchaib • Administratif : Fatiha Aït Allah • Édition : JMA CONSEIL • Impression : Maroc Soir • Distribution : Sochpress • Tirage 5.000 exemplaires • Dépôt légal : 157/98 • ISSN : 1114-047 • Dossier de presse : 24/98 • N° Commission paritaire : H.F/02-05 • S.A.R.L. au capital de 5.000.000,00 DH - C.N.S.S. 600 50 62 I.F. 1022303 - Patente 35770001 - ICE N° : 001526693000021
• Directeur Général responsable de la Publication : Fatima OURIAGHLI Contact : redactionfnh@gmail.com
VOYONS VOIR
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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 6 NOVEMBRE 2025
Marché du travail
Soulagement de façade
I l souffle comme un petit vent d’optimisme sur le marché du travail marocain. Entre le troisième trimestre de 2024 et celui de 2025, l’économie nationale a créé 167.000 postes d’emploi nets, dont 164.000 en milieu urbain et seulement 3.000 en milieu rural. C’est encourageant, certes, mais encore bien insuffisant pour un pays comptant plus de 12 millions d’actifs. Cette amélioration reste à la fois modeste et inégale. L’emploi rémunéré tire la dynamique (+220.000 postes), tandis que l’emploi non rémunéré, souvent agricole, recule de 54.000 postes. Le Maroc conti- nue donc d’avancer, mais à petits pas. Les services se taillent la part du lion avec 94.000 emplois créés, soutenus par le commerce, la restauration et les acti- vités de soutien. Le BTP, dopé par les chantiers d’infrastructures et de loge- ments, suit la cadence (+90.000 postes). L’industrie, elle, peine à redémarrer (seu- lement +29.000 emplois), confirmant la fragilité de sa transformation. Quant à l’agriculture, la forêt et la pêche, elles restent à la peine (-47.000), plombées par les aléas climatiques et une productivité en berne. Par D. William
et emploi reste patent, et la difficile arti- culation entre école et entreprise pèse lourdement sur la compétitivité. Le sous-emploi, lui, persiste toujours. 133.000 personnes supplémentaires se retrouvent dans une situation d’activité partielle ou de revenu insuffisant : 1,2 million de Marocains vivent aujourd’hui un sous-emploi, soit un taux de 11,1% contre 10% un an plus tôt. Dans les cam- pagnes, il grimpe à 13,8%, mais les villes ne sont pas épargnées (9,5%). En clair, de plus en plus de Marocains travaillent, mais ne vivent pas de leur travail. Le BTP est le plus touché avec un taux de sous-emploi de 22,2%, en hausse de 2,3 points. L’agriculture suit avec 13,1%. Derrière ces chiffres, une réalité : la reprise de l’emploi ne rime pas encore avec amélioration des conditions de vie. De plus, les disparités régionales aggravent la fracture: cinq régions concentrent 72% des actifs (Casablanca-Settat, Rabat-Salé-Kénitra, Marrakech-Safi, Fès- Meknès et Tanger-Tétouan-Al Hoceima), mais aussi l’essentiel du chômage. Dans les régions du Sud et de l’Oriental, le taux de chômage dépasse encore 21%, contre moins de 9% à Tanger ou Marrakech. Le Maroc des deux vitesses n’est pas qu’une expression : c’est un constat social. Au fond, le marché du travail marocain se cherche encore. Les freins sont structu- rels : dépendance à des secteurs peu pro- ductifs, lente montée en gamme indus- trielle, déficit de formation adaptée et fragilité des PME. S’y ajoute la pression démographique, notamment celle des jeunes diplômés qui frappent à la porte d’un marché saturé. C’est dire que le léger repli du chômage au troisième trimestre est certes une bonne nouvelle, mais il découle davantage d’une situation conjoncturelle que d’une tendance de fond. D’autant que derrière l’amélioration statistique, le Maroc conti- nue de faire face à un chômage élevé des jeunes, un sous-emploi massif et une inadéquation persistante entre formation et emploi. ◆
Le chômage recule, mais la précarité progresse En surface, les chiffres semblent rassu- rants. Le nombre de chômeurs a baissé de 55.000 personnes, portant le total à 1,63 million au troisième trimestre 2025. Le taux de chômage national recule de 13,6 à 13,1%, avec des améliorations à la fois en milieu urbain (de 17% à 16,3%) et rural (de 7,4% à 6,9%). Pourtant, le soulagement reste de façade. Le chômage des jeunes culmine toujours à 38,4%, celui des diplômés à 19% et celui des femmes à 21,6%, avec seule- ment 19,1% d’entre elles qui participent au marché du travail. Autrement dit, ceux qui devraient être le moteur du pays en sont encore les laissés-pour-compte. Le Maroc crée donc de l’emploi, mais rarement qualifié, durable ou bien rému- néré. La demande se concentre sur des postes à faible valeur ajoutée, précaires ou encore mal protégés. Les diplômés de l’enseignement supérieur peinent ainsi à trouver des débouchés à la hauteur de leurs compétences : leur taux de chômage a même légèrement augmenté (+0,4 point). Le décalage entre formation oui , je souhaite m’abonner à cette offre spéciale pour 1 an BULLETIN D’ABONNEMENT Mon abonnement comprend : ❑ 48 numéros Finances News hebdo & 2 numéros du Hors-série. Voici mes coordonnées : ❑ M ❑ Mme ❑ Mlle Nom/Prénom : ................................................................................... Adresse : ............................................................................................ Ville : ............................. Code Postal : ............................................ Tél : ........................................ Fax : ................................................. E-mail : ............................................................................................. Mon règlement ci-joint par : ❑ Chèque bancaire ou virement bancaire à l’ordre de JMA Conseil : Banque Populaire, Agence Abdelmoumen, Compte N° 21211 580 5678 0006-Casablanca - (Maroc)
ÇA SE PASSE AU MAROC
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Le Roi Mohamed VI décrète le 31 octobre «Fête de l’Unité»
C ompte tenu du tournant historique qu’a connu le processus de la Cause nationale, et en considération des développements décisifs consacrés par la résolution 2797/2025 du Conseil de sécurité, laquelle a été évoquée dans le récent discours adressé au peuple par le Roi Mohammed VI, il a été décidé d’instituer, à comp- ter de cette année, une nouvelle fête nationale célébrée le 31 octobre de chaque année.
Selon un communiqué du cabinet royal, cette journée, lors de laquelle le Souverain accorde sa grâce, portera le nom d’«Aïd Al Wahda» (Fête de l’Unité). Elle incarnera, dans toute sa portée symbolique, les valeurs d’unité nationale et d’attachement indéfectible à l’intégrité territoriale du Royaume. Cette fête constituera une occasion nationale fédératrice pour l’expression de l’attachement aux sacralités nationales du Royaume et à ses droits légitimes. Par ailleurs, il a été décidé que le discours royal sera désormais prononcé à deux moments institutionnels majeurs : à l’occasion de la glorieuse Fête du Trône et lors de l’ouverture de la session parlementaire. En sa qualité d’Amir Al-Mouminine et chef de l’Etat, le Roi se réserve toutefois la prérogative de s’adresser au peuple à tout moment et en toute circonstance qu’Il jugera opportuns. Enfin, les festivités commémorant le cinquantenaire de la glorieuse Marche Verte seront maintenues, mais aucun discours royal ne sera prononcé à cette occasion. ■
ONDA
Lancement d’un appel d’offres pour le nouveau terminal de l’aéroport Casablanca Mohammed V L ’ Office national des aéroports (ONDA) lance l’un des plus ambitieux chantiers de son histoire avec l’appel d’offres pour la construction du futur terminal hub de l’aéroport Casablanca Mohammed V, projet phare de la stratégie nationale «Aéroports 2030». D’un coût estimé à 10 milliards de dirhams, ce terminal d’une capacité initiale de 20 millions de passagers, extensible à 30 millions, s’étendra sur 600.000 m² et sera relié à la future ligne à grande vitesse Tanger - Marrakech. Conçu par le groupement Ala Concept, RSHP Architects et Egis Bâtiment International, le bâtiment en forme de «H» mettra l’accent sur l’effica- cité opérationnelle, la durabilité et l’innovation. Les tra- vaux de terrassement, déjà réalisés à 40% par STAM, précèdent un chantier de 40 mois structuré en neuf sous-lots. Ce projet stratégique vise à renforcer le rôle de hub international de Casablanca, accompagner la croissance de Royal Air Maroc et stimuler l’emploi et les filières locales. ■
Maché du travail
Le taux de chômage passe à 13,1% au T3 2025 E ntre les troisièmes trimestres de 2024 et 2025, l’économie marocaine a créé 167.000 emplois, dont 164.000 en milieu urbain et 3.000 en milieu rural, selon les dernières données du HCP. Cette progression résulte d’une hausse de 220.000 emplois rémunérés et d’une baisse de 54.000 emplois non rémunérés. Le secteur des services arrive en tête avec 94.000
postes créés, suivi des BTP (+90.000) et de l’in- dustrie (+29.000), tandis que l’agriculture, la forêt et la pêche en ont perdu 47.000. Le chômage recule de 55.000 personnes pour s’établir à 1,63 million, soit un taux national de 13,1% contre 13,6% un an plus tôt. Il atteint 16,3% en milieu urbain et 6,9% en milieu rural, restant élevé chez les jeunes (38,4%), les femmes (21,6%) et les diplômés (19%). En revanche, le sous-emploi s’aggrave, touchant 1,2 million de personnes, avec un taux national en hausse à 11,1%. ■
«Cap Hospitality» : 91 demandes éligibles enregistrées pour un investissement global de 7 Mds de DH
«C ap Hospitality», programme de financement pour la mise à niveau des hôtels, a enregistré, à ce jour, 91 demandes éligibles représen- tant 14.000 chambres et un investissement global de 7 milliards de dirhams, dont une soixantaine de dossiers déjà accor- dés, selon le point fait par la ministre du Tourisme, de l'Artisanat et de l'Économie sociale et solidaire Fatima-Zhara Ammor. Ces résultats traduisent la mobilisation
conjointe du Fonds Mohammed VI pour l'investissement, des banques partenaires et du ministère, indique le ministère. Dans ce cadre, la ministre a souligné que Cap Hospitality illustre la force du partenariat public-privé dans le secteur touristique. « Ensemble, nous veillons à ce que les finan- cements mobilisés soutiennent concrète- ment et rapidement la rénovation du parc hôtelier et la compétitivité des différentes régions du Maroc », affirme-t-elle. ■
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BOURSE & FINANCES
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Point Bourse Hebdo Psychologie et stabilité font la paire
Evolution de l'indice Masi depuis début novembre 2024
Le marché actions avance encore cette semaine, porté par une psychologie positive et un marché redevenu lisible.
L Par Y . Seddik
e marché n’a pas levé le pied. La psychologie positive de la semaine dernière s’est pro- longée, calmement mais sûre- ment, sur un marché qui semble avoir retrouvé son équilibre. Le Masi signe donc une nouvelle hausse hebdomadaire d’envi- ron 1% à 19.636 points. Contrairement à la semaine précédente, la volatilité s’est un peu calmée (1,82% sur la semaine). L’indice a évolué dans un corridor d’à peine 260 points, preuve que les inves- tisseurs ont cessé de courir dans tous les sens. Le mar- ché s’installe dans une zone de confort, entre digestion des gains récents et attente de signaux plus structurants. Les volumes, eux, restent nourris. Environ 2,38 milliards de dirhams échangés sur la semaine, ce qui confirme un retour du mode Risk-on, pas seulement une reprise tech- nique. Les opérateurs restent
présents, attentifs et plutôt confiants. Côté valeurs, TGCC s’est imposée comme la plus travail- lée, avec 303 MDH de transac- tions, soit 13% du volume total. Derrière, Alliances (285 MDH) et Attijariwafa bank (165 MDH) complètent le trio de tête. A l’image de la semaine dernière, les investisseurs continuent de privilégier les dossiers liquides et visibles. Mais le fait marquant de la semaine est ailleurs. Le dossier du Sahara refait surface, cette fois avec une issue claire. Le Conseil de sécurité de l’ONU a voté en faveur du plan d’au- tonomie marocain, une réso- lution qualifiée d’historique à juste titre. Le marché avait déjà intégré cette perspective en amont, portée par un cli- mat d’attente clairement favo- rable. L’annonce est tombée après la clôture du marché, mais elle vient renforcer un
TOP Performances
FLOP Performances
Salafin Oulmès Stokvis Nord Afrique
-6,22%
+39,82% +12,44%
Involys Ib Maroc Alliances
-5,92%
-5,38%
+10,34 %
sentiment général de stabilité et de confiance, un contexte qui devrait continuer à irriguer les prochains échanges. Sur le front des introductions en Bourse, le calendrier s’anime enfin. Cash Plus ouvre le bal avec une levée estimée à 750 MDH, dont 400 MDH en aug- mentation de capital. Un test grandeur nature pour jauger l’appétit du marché primaire, et un signal encourageant pour les
investisseurs en quête de nou- velles histoires de croissance. En parallèle, la saison des résul- tats trimestriels (T3) débute, avec une clôture prévue fin novembre. Ce sera le moment de vérifier si la confiance affi- chée trouve un relais dans les fondamentaux. Pour l’heure, la tendance reste constructive, portée par un équilibre rare entre psychologie et réalité économique. ◆
BOURSE & FINANCES
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milliards de DH ont financé les enga- gements issus du dialogue social, 35 milliards de DH ont été destinés aux aides directes pour les ménages vulnérables, et 19,5 milliards de DH ont été consacrés à la généralisation de la couverture médicale.
Une trajectoire saluée à l’international
Les recettes de l’IS sont passées de 48,8 milliards de DH en 2020 à 70 milliards de DH en 2024, la TVA de 56 à 89 milliards (+59%) et l’IR à près de 60 milliards.
La réforme fiscale a également renforcé la crédibilité du Maroc auprès de ses partenaires. Le FMI, la Banque mondiale et l’Union euro- péenne soulignent les avancées du Royaume en matière de gou- vernance budgétaire. Le rapport PEFA sur la transparence et la per- formance des finances publiques confirme la solidité du cadre de gestion. Mohamed Chouki a également tenu à écarter les inquiétudes liées à la dette. «Nous ne faisons pas face à un problème de dette extérieure. Elle reste majoritairement conces- sionnelle et ne représente qu’un quart de la dette du Trésor», a-t-il précisé. Le Maroc a procédé, en mars 2025, à une émission d’euro- bonds de 2 milliards d’euros, les premières en Euros depuis 2020, sursouscrites pour un total de 11 milliards d’euros, un indicateur fort de confiance des marchés dans la signature souveraine marocaine. Malgré ces performances, plusieurs équilibres demeurent sous ten- sion. La masse salariale publique, à hauteur de 11% du PIB, limite les marges budgétaires. Les dépenses de compensation, stabilisées à 17 milliards de DH, appellent un ciblage plus fin pour éviter les effets d’aubaine. Par ailleurs, la transition démographique s’impose comme un enjeu majeur : le ralentissement de la croissance de la population et le vieillissement accéléré posent la question de la viabilité du système de retraite et du financement de la santé publique. À un an de son terme, la réforme fis- cale s’impose comme l’un des chan- tiers les plus aboutis de la décennie. Elle a permis d’élargir la base fis- cale, de rationaliser les dépenses et de rétablir une équité entre les contribuables. L’enjeu, désormais, sera de pérenniser ces acquis tout en poursuivant l’effort de simplifica- tion et de ciblage. ◆
Réforme fiscale Le Maroc consolide les acquis d’un chantier majeur
L Cinq ans après son lancement, la réforme fiscale livre ses effets. Les recettes du Trésor ont bondi de 100 milliards de dirhams depuis 2020 et devraient atteindre 370 milliards en 2026, soit près de 19% du PIB. Par Y. Seddik
ancée en 2021 dans le cadre d’une refonte globale des finances publiques, la réforme fiscale aborde sa phase finale. Cinq ans après son lancement, les résultats sont au rendez-vous. Entre 2020 et 2024, les recettes fiscales sont passées de 199 à 299 milliards de dirhams, soit une progression de 100 milliards en quatre ans. Les projections du ministère des Finances pour 2026 font état d’un nouveau palier à 370 milliards de DH, représentant près de 19% du PIB, contre 17,4% en 2020. Une performance inédite dans l’histoire budgétaire du pays. Cette montée en puissance reflète la réforme des trois principaux leviers de la fiscalité : la TVA, l’impôt sur les sociétés (IS) et l’impôt sur le revenu (IR). «La nouvelle méthode de collecte de la TVA introduite dans les dernières Lois de Finances a amélioré sensiblement le rendement du Trésor», a souligné Mohamed
Chouki, président du groupe parle- mentaire du RNI, lors d’une récente réunion de la Commission des finances. Il a salué une réforme « prô- née et actée» par le gouvernement, rappelant que «les faits ont donné tort à ceux qui s’y opposaient» . Les chiffres lui donnent raison : les recettes de l’IS sont passées de 48,8 milliards de DH en 2020 à 70 milliards en 2024, la TVA de 56 à 89 milliards (+59%) et l’IR à près de 60 milliards, grâce à un meilleur recen- sement des professions libérales et des indépendants. Les exonéra- tions fiscales, longtemps décriées, ont reculé de 36,9 milliards de DH en 2023 à 32,1 milliards en 2024. L’élargissement de la base et la simplification des procédures via la Contribution professionnelle unique (CPU) ont renforcé l’adhésion au système. Pour Abdelaziz Lahlou, directeur Économie au sein d'Attijari Global
Research, «cette progression trouve son origine notamment dans le réa- ménagement des taux de TVA et de l’IS, l’élargissement de la base des contribuables et la réduction des exonérations fiscales. Leur volume recule de 13%, passant de 36,9 mil- liards de DH en 2023 à 32,1 milliards en 2024. Le Trésor a ainsi développé une base solide de revenus récur- rents. Ceci est la traduction d’un processus de réduction des niches fiscales et d’élargissement de la base des contribuables. Le secteur public vient également renforcer ses revenus par les recettes non fiscales qui atteignent, à leur tour, un pic de 4,4% du PIB» . Par ailleurs, l’un des points forts de la réforme réside dans la réaffecta- tion des nouvelles ressources. Selon Fouzi Lekjaa, ministre délégué char- gé du Budget, les gains issus de la réforme ont été intégralement réin- vestis dans les priorités sociales. 44
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Réforme fiscale des OPCC Le private equity redoute un coup de frein Le projet de Loi de Finances pour 2026 introduit une disposition destinée à modifier le régime fiscal des OPCC. Dans le secteur du capital-investissement, cette modification suscite des inquiétudes, tant sur l’attractivité de l’investissement que sur la pérennité du modèle de financement des PME. Explications. Par Y. Seddik
favorables et renforcer la cohérence de la fiscalité des revenus de capi- taux mobiliers.
Pistes d’impact et enjeux à suivre
En effet, les effets de la réforme dépendront largement de son appli- cation concrète et du cadre transi- toire qui l’accompagnera. Pour les investisseurs, le changement pour- rait modifier la visibilité sur les ren- dements nets. Les gains issus des participations dans les OPCC seront désormais imposés selon leur nature réelle, ce qui pourrait «réduire relati- vement la rentabilité après impôt et compliquer la planification fiscale des porteurs de parts». Les sociétés de gestion, elles, devront adapter leurs procédures internes. Il leur faudra distinguer plus finement les revenus selon qu’ils proviennent de dividendes, d’inté- rêts ou de plus-values, et ajuster leur communication vis-à-vis des investisseurs. Plusieurs profession- nels anticipent aussi un possible ralentissement des levées de fonds, le temps que le marché intègre les nouvelles règles. Les entreprises financées par ces véhicules pourraient également res- sentir l’effet indirect de la réforme. «Si les OPCC deviennent moins attractifs pour les investisseurs, le flux de capitaux vers les PME et les ETI non cotées pourrait se contracter, ce qui limitera leur accès au financement en fonds propres, un levier pourtant important pour leur croissance», souligne le ges- tionnaire. Enfin, un point essentiel reste à clarifier : le calendrier et les modalités d’entrée en vigueur. Faut- il s’attendre à un régime transitoire? Les fonds déjà existants seront-ils concernés au même titre que les nouveaux ? Ces précisions seront déterminantes pour évaluer l’impact réel de la réforme et la confiance du marché. Aux yeux du ministère, la révision du régime fiscal des OPCC se veut une mise en conformité avec les meilleures pratiques internationales. Mais dans un écosystème encore fragile, où le capital-investissement joue un rôle essentiel dans le finan- cement des entreprises de crois- sance, le pari du gouvernement peut être risqué. ◆
La réforme fiscale des OPCC soulève de fortes réserves parmi les acteurs du private equity, qui y voient un risque de perte d’attractivité pour le secteur.
J
usqu’à présent, les OPCC bénéfi- ciaient d’un principe de neutralité fiscale. Ces fonds ne payaient pas d’impôt sur leurs gains; la taxa- tion intervenait uniquement entre les mains des investisseurs, lorsqu’ils percevaient leurs revenus. Cette transparence visait à éviter la double imposition et à encourager l’investis- sement dans les entreprises maro- caines. Or, selon le gouvernement, cette mécanique n’était pas toujours équitable. Dans certains cas, les fonds réalisaient des plus-values non imposables, puis les redistri- buaient à leurs porteurs de parts sous forme de dividendes exonérés. Un schéma jugé contraire à l’esprit de la neutralité fiscale, puisqu’il per- mettait à certains revenus d’échap- per complètement à l’impôt. La nouveauté réside dans la manière d’imposer les revenus distribués. Le projet de Loi de Finances 2026 entend donc corriger cette distor- sion. Désormais, les revenus distri- bués par un OPCC seront imposés selon leur nature réelle : dividendes, intérêts ou plus-values. Autrement dit, l’investisseur sera taxé comme s’il avait investi directement dans les actifs détenus par le fonds. Pour le ministère des Finances, cette clarifi- cation permettra de garantir l’équité
fiscale et d’aligner le Maroc sur les standards internationaux en matière de transparence. Sur le papier, la neutralité fiscale des OPCC est maintenue. Mais dans la pratique, la réforme pourrait modifier l’équilibre économique du secteur.
le moment est délicat. Le secteur du capital-investissement cherche encore à retrouver un rythme de croissance durable. Une réforme fis- cale, même justifiée sur le fond, peut créer un choc de confiance si elle n’est pas accompagnée de règles claires et stables» , souligne le direc- teur d’une société de gestion basée à Casablanca. Ces préoccupations reflètent en effet la crainte d’un effet domino : une fiscalité plus lourde, une attrac- tivité en baisse et, à terme, une contraction des flux de capitaux (étrangers aussi) vers les entreprises non cotées. Du côté du ministère des Finances, la philosophie du texte est claire : il ne s’agit pas de pénaliser les fonds d’investissement, mais d’assurer un traitement équitable de tous les revenus. « Chaque produit doit être imposé pour ce qu’il est, et non selon la forme juridique qu’il prend à la sortie du fonds» , précise-t-on. Cette mesure s’inscrit d’ailleurs dans le cadre plus large de la loi- cadre 69-19, qui vise à refonder le système fiscal marocain sur les principes d’équité, de clarté et de transparence. Le gouvernement veut ainsi mettre fin à certaines pra- tiques d’optimisation jugées trop
Les inquiétudes du secteur du private equity
Dans les faits, la réforme suscite des craintes au sein du secteur du capital-investissement. Les profes- sionnels redoutent une complexité accrue dans la gestion comptable et fiscale des fonds, qui devront désormais distinguer précisément la nature de chaque revenu. Certains craignent également un alourdisse- ment de la fiscalité pour les inves- tisseurs, notamment étrangers, ce qui pourrait nuire à l’attractivité du Maroc comme place d’investisse- ment. «Le risque, c’est de casser la dyna- mique du financement des PME marocaines au moment où le mar- ché du private equity commençait à prendre son envol», nous confie un gestionnaire de fonds. Un autre acteur du secteur abonde dans le même sens. «Nous com- prenons la logique de transpa- rence recherchée par l’État, mais
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marge de manœuvre des États. Dans ce contexte, a-t-il insisté, le secteur privé doit désormais prendre le relais et devenir le prin- cipal moteur de la croissance afri- caine. Pour y parvenir, la SFI a défi- ni plusieurs axes opérationnels. D’abord, structurer un pipeline d’actifs de qualité et de taille suffisante afin d’attirer les inves- tisseurs institutionnels de long terme. Ensuite, accélérer l’inves- tissement dans la technologie et la donnée, tout en incitant les banques à partager davantage d’informations pour faciliter le financement des PME. L’institution entend également accroître ses opérations en monnaies locales, qui représentent déjà près de 30% de son portefeuille, en renforçant la coopération avec les Banques centrales et commerciales pour échanger la liquidité locale contre des ressources en dollars. Enfin, la SFI prévoit de consolider ses dispositifs de garantie unifiés pour réduire le risque perçu et mieux canaliser les capitaux vers les économies africaines. Le message est sans ambiguï- té: sans un secteur privé africain solide, visible et en première ligne, les capitaux étrangers ne suivront pas. L’avenir du financement du développement dépend désor- mais de la capacité des acteurs du continent à se capitaliser, à mutualiser et à innover. C’est sur cette base que pourra s’écrire le prochain cycle d’investissement africain. ◆ La cinquième édition de l'Africa Financial Summit a réuni les 3 et 4 novembre à Casablanca, 1.250 dirigeants financiers africains et internationaux ainsi que des décideurs publics, pour discuter des défis financiers du continent. Banques, assurances, opérateurs du marché des capitaux, et autres régulateurs ont débattu de nom- breux sujets lors d'une multitude de panels avec comme théma- tique principale 2025: la souve- raineté financière de l'Afrique. L'AFIS en chiffres
La ministre de l’Economie et des Finances, Nadia Fettah Alaoui, a marqué par sa présence la cérémonie d’ouverture de l’AFIS 2025.
AFIS 2025 L’heure d’une «finance africaine par l’Afrique»
marchés de capitaux mieux inté- grés. L’enjeu : enfin faire jouer l’effet d’échelle continental. L Les discours d’ouverture de l’Africa Financial Summit (AFIS) 2025 donnent le cap pour passer du constat à l’action, en bâtissant une souveraineté financière fondée sur l’épargne domestique, la solidité des institutions locales et l’interopérabilité des marchés. Par A. Hlimi Des chocs inédits qui appellent un changement de méthode
e constat des opérateurs éco- nomiques est sans appel : il est urgent de mobiliser à grande échelle fonds de pension, com- pagnies d’assurances, banques, fintechs et marchés de capitaux, encore «trop souvent sous-uti- lisés ou investis ailleurs», pour accompagner le développement du continent. L’ambition est de transformer un potentiel reconnu en moteur concret de prospérité. «L’Afrique n’a pas un problème d’épargne, mais de circulation et d’allocation du capital», a résumé Makhtar Diop, Directeur général de la Société financière internatio- nale (IFC), à l’ouverture de la cin- quième édition de l’AFIS, durant laquelle les opérateurs africains
ont salué la résilience de la crois- sance et la vitalité du secteur privé africain, tout en soulignant les fragilités politiques et sécuritaires du continent. Amir Ben Yahmed, CEO de Jeune Afrique Media Group - organi- sateur du sommet -, a félicité le Maroc, présenté comme un modèle de stabilité, d’infrastruc- tures et de politiques publiques, avant de rappeler une idée forte : avec la puissance vient la respon- sabilité. Il appelle ainsi Rabat à donner l’impulsion, aux côtés de Johannesburg, Lagos, Abidjan ou Douala, pour co-investir et bâtir un capitalisme financier africain fondé sur des actionnaires croi- sés, des projets conjoints et des
Makhtar Diop, a dressé un tableau lucide et exigeant de la situa- tion économique mondiale. Il a souligné la simultanéité inédite des chocs géopolitiques, com- merciaux et technologiques, notamment liés à l’intelligence artificielle, qui fragilisent les équi- libres globaux. À cela s’ajoutent un endettement nettement supé- rieur à celui d’il y a dix ans et un reflux marqué de l’aide publique au développement, réduisant la
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complémentaire du crédit. Les chiffres présentés rap- pellent l’ampleur de l’enjeu. Les entreprises familiales représen- teraient plus de la moitié du PIB mondial et 60% de l’emploi, et jusqu’à 70% du secteur privé en Afrique. Pourtant, parmi les 100 premières capitalisations africaines en 2022, seulement 7% sont classées familiales, loin des ratios observés ailleurs. Or, les performances bour- sières plaident pour l’ouverture : sur dix ans, plusieurs études montrent une surperformance moyenne d’environ 400 points de base par an pour les valeurs familiales, portée par une pru- dence sur l’endettement, une vision de long terme et une forte discipline capitalistique. Pourquoi si peu de passages à l’acte ? Quatre freins reviennent partout, explique l'expert : la complexité du processus de cotation, la crainte de perdre le contrôle, l’exigence de trans- parence financière et le coût d’adaptation des systèmes de gouvernance. Mais en réalité, ces craintes sont à relativiser. Sur la dilution d’abord : la plu- part des marchés africains demandent un flottant de 10 à 20%. Difficile, dans ces condi- tions, de «perdre» l’entreprise. Des outils existent en outre pour sécuriser la trajectoire straté- gique (classes d’actions diffé- renciées, droits de vote amé- nagés, pactes, voire dispositifs défensifs encadrés). Beaucoup de familles créent par ailleurs des Family offices pour dis- socier clairement patrimoine, contrôle et gestion opération- nelle, ce qui fluidifie la relation avec le marché. L’exemple éthiopien présenté par Hana Tehelku, Directrice générale de l'Autorité éthio- pienne des marchés de capitaux, illustre le rôle décisif de l’archi- tecture financière. Longtemps sans place organisée, le pays a d’abord bâti l’Autorité des mar- chés, la Bourse, puis l’écosys- tème d’intermédiaires. Au-delà des textes boursiers, il a fallu aligner le droit des sociétés (classes d’actions, droits de
Les participants au panel «Bourses africaines : L’émergence de champions familiaux cotés est-il la clé du décollage» ?
Bourses africaines Pour l’émergence de champions familiaux cotés Les entreprises familiales pèsent lourd dans les économies africaines et restent pourtant sous-représentées en Bourse. À l’AFIS 2025, un panel d’experts a défendu l'idée d'une accélération de la croissance de ces entreprises, en ouvrant leur capital et en professionnalisant la gouvernance.
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Par A. Hlimi
our retenir davantage de valeur sur le continent, il faut ouvrir plus largement le marché coté aux « family-owned businesses» (FOBs). Le message est d’au- tant plus d’actualité que plu- sieurs introductions récentes (Boxer en Afrique du Sud - 471 M$ levés -, WeBuyCars - 441 M$ -, Shri Krishana Overseas à Nairobi, ou encore TGCC, Akdital et Vicenne à Casablanca) ont montré la voie. Les organismes internationaux anticipent une croissance afri- caine autour de 4%, insuffisante au regard du potentiel démogra- phique et des besoins d’inves-
tissement. Dans ce contexte, les Bourses locales restent en construction, mais elles ont déjà démontré leur capacité à finan- cer l’outil productif et à offrir des solutions de long terme que la dette bancaire, par nature plus courte et plus contraignante, ne peut pas toujours fournir. «L’entrée en Bourse impose certes une transformation du ‘modèle familial’ : passer d’une logique de contrôle omnipré- sent à une logique d’accompa- gnement, faire primer la com- pétence sur le statut, struc- turer la décision et formaliser les processus. C’est un chan-
gement culturel autant qu’un choix financier», explique Sidy Diakhoumpa, associé - respon- sable du Conseil services finan- ciers chez Forvis Mazars. «La dette fait tourner les entre- prises; les fonds propres les construisent» , indique-t-il. À un stade de croissance donné, la limite prudentielle du levier ban- caire est atteinte. Seul le capital - qu’il s’agisse d’IPO ou d’aug- mentations de capital - permet de financer des cycles d’inves- tissement longs, l’expansion régionale et la résilience aux chocs. Le marché coté devient alors un accélérateur naturel,
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vote, règles de gouvernance) pour donner aux familles la confiance nécessaire. En somme, pas de mar- ché coté performant sans cohérence réglementaire «autour» du marché. Vient ensuite la pédagogie. Les Bourses et régulateurs ont multi- plié les codes de gouvernance et compartiments adaptés aux PME, mais l’information demeure sou- vent parcellaire côté émetteurs. Or, selon le DG de la Bourse régio- nale des valeurs mobilières de l'UE- MOA, Felix Amenounve, la confiance des investisseurs se gagne sur des fondamentaux lisibles : dispositifs de contrôle interne, calendriers de reporting, comités indépendants, rémunération alignée sur la créa- tion de valeur. Former les dirigeants familiaux à ces standards réduit la «peur du marché» et accélère la bascule. Les incitations publiques peuvent compléter l’effort, via des avantages fiscaux ciblés et tempo- raires pour les premières émissions ou des mécanismes de cofinance- ment de la mise à niveau extra-finan- cière. L’intégration régionale constitue un autre pivot. La plateforme d’inter- connexion entre Bourses africaines existe déjà, mais l'opérationnalisa- tion tarde. Le règlement-livraison et la circulation des fonds entre juridic- tions en sont les principaux freins. Sans interopérabilité des systèmes de paiement, assouplissement des contrôles de change et recon- naissance mutuelle des visas des autorités de marché, l’investisseur panafricain restera bridé. La souve- raineté financière évoquée par les panélistes suppose donc, au-delà des discours, une «plomberie» com- mune : normes harmonisées, pas- serelles bancaires, et des fintechs capables de fluidifier l’expérience d’investissement transfrontière. Reste un sujet sensible, souvent décisif dans les familles : la succes- sion. Ici encore, la Bourse peut être un allié. La transparence, l’institu- tionnalisation de la gouvernance et la liquidité partielle offertes par le marché facilitent la transmission du capital sans confondre propriété et management. Les compétences ne s’opposent pas au caractère fami- lial; elles s’y adossent. La question à se poser n’est pas «qui dirige demain par filiation ?», mais «qu’est- ce qui reste en famille : le capital,
parcours de cotation plus lisibles, flexibles et proportionnés; de l’autre, pousser l’intégration des marchés pour offrir aux émetteurs une pro- fondeur régionale et aux investis- seurs un véritable univers africain. L’équation est exigeante, mais l’en- jeu est majeur : africaniser le capital, retenir les dividendes sur le conti- nent et doter nos économies d’in- vestisseurs naturels de long terme. Les familles ont tout à y gagner. Les marchés aussi. ◆
Seul le capital - qu’il s’agisse d’IPO ou d’augmentations de capital - permet de financer des cycles d’investissement longs.
la vision, les valeurs» ? Une fois cette dissociation actée, les déci- sions d’ouverture deviennent plus rationnelles. Au total, la voie est balisée. Les exemples de cotations réussies
démontrent qu’il existe une prime aux champions familiaux bien pré- parés. Les freins identifiés sont trai- tables par le droit, la technique et l’accompagnement. La priorité est double : d’un côté, construire des
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Khalid Safir «Pour mobiliser l’épargne africaine, il faut rassurer, massifier et professionnaliser»
tisseurs et renforcer la confiance. Enfin, il a rappelé que la mobilisa- tion de l’épargne ne peut réussir sans expertise technique. La for- mation des acteurs, la montée en compétence des gestionnaires et la capacité à structurer des pro- jets bancables restent des mail- lons essentiels pour transformer le capital disponible en investisse- ments concrets. L’Afrique dispose des ressources nécessaires, mais leur mise en mouvement suppose un cadre stable, des règles homogènes et des compétences solides. ◆ Les flux générés par les particuliers surpassent ceux des Institutionnels Les interventions des investisseurs sur le com- partiment des actions du marché central ont été principalement portées par les OPCVM au deu- xième trimestre, selon l'AMMC. Ces investisseurs concentrent 36,7% du volume total des transac- tions, suivis des personnes physiques marocaines avec une part de 27,9%, un niveau qui n’avait plus été atteint depuis le troi- sième trimestre 2017. En troisième position, les personnes morales maro- caines représentent 25,4%, suivies par les per- sonnes morales étrangères avec 6,3% et les investis- seurs opérant via le réseau bancaire, qui représentent 3,5% du volume.
Lors d'une intervention à l’Africa Financial Industry Summit (AFIS) 2025, le Directeur général de la CDG a livré une réflexion structurée sur les conditions nécessaires à une mobilisation plus efficace de l’épargne en Afrique. Par A. Hlimi
Khalid Safir : «les États et les régulateurs doivent mettre en place des mécanismes adaptés pour protéger les inves- tisseurs et renforcer la confiance».
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halid Safir a d’abord pointé un obstacle fondamental à la mobi- lisation de l'épargne en Afrique: le poids persistant du secteur informel, qui concentre une part importante des revenus, mais reste en marge du système finan- cier. Pour lui, mobiliser cette épargne “invisible” suppose avant tout de rassurer et de sécuriser ces acteurs. «Il faut intéresser ce secteur informel à l’épargne en le tranquillisant, en le rassurant, qu’il accepte de rentrer un peu dans le système», a-t-il expliqué. Cela passe, selon lui, par le déve- loppement de produits simples et protecteurs - assurances, couver- tures sociales, produits d’épargne sécurisés - capables d’attirer
ces populations vers la formali- sation. Cette inclusion financière progressive serait, selon Safir, le socle d’une base d’épargne élar- gie et stable, condition préalable à tout financement endogène du développement.
nale des réglementations et à la création de plateformes d’inves- tissement sectorielles communes, capables de mutualiser les risques et d’attirer des capitaux à l’échelle continentale. «Si on crée des pla- teformes qui couvrent plusieurs pays, sur les mêmes types d’in- vestissement, avec des risques opérationnels clairs et prévisibles, on fera un grand pas» , a-t-il insis- té, citant notamment le secteur de l’énergie (électricité, dessalement, etc.) comme exemple de champ d’action transfrontalier.
Massifier et canaliser l’épargne
Le second levier identifié par le DG de la CDG est la massification des encours collectés. Les res- sources africaines, encore disper- sées et peu structurées, doivent être canalisées vers des projets à long terme. Il plaide pour un cadre prudentiel rénové permettant aux investisseurs institutionnels -fonds de pension, assurances- de diversifier davantage leurs pla- cements vers des secteurs pro- ductifs. Mais la transformation ne peut s’arrêter aux frontières. Safir appelle à une harmonisation régio-
Couvrir les risques et renforcer l’expertise
Le troisième pilier évoqué est celui de la couverture des risques, en particulier ceux liés aux premières pertes sur les grands projets d’in- frastructure. Selon Khalid Safir, les États et les régulateurs doivent mettre en place des mécanismes adaptés pour protéger les inves-
Le poids persistant du secteur informel, qui concentre une part importante des revenus, mais reste en marge du système financier.
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