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ECONOMIE

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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 6 NOVEMBRE 2025

gration des profils qualifiés. Selon Jadri, «un jeune ingénieur stable peut recevoir une offre qui double son salaire à l’étranger. Il faut être un prophète pour refuser». Les contraintes matérielles contri- buent également aux difficultés de compétitivité. L’accès à l’eau s’impose comme un enjeu critique. «Personne ne va investir 10 mil- lions ou 10 milliards si la question de l’eau n’est pas réglée» , aver- tit notre interlocuteur, qui appelle à accélérer les projets de dessa- lement, la réutilisation des eaux usées et la construction de bar- rages. Même constat pour l’éner- gie, dont le coût et la disponibilité continuent de peser sur les marges industrielles. Le pays doit accé- lérer sa transition vers l’éolien, le solaire ou l’hydrogène. Ce virage est d’autant plus urgent que l’Union européenne, principal débouché de l’automobile marocaine, bascule vers l’électrique. «Notre production reste majoritairement thermique. Alors que l’Europe absorbe de plus en plus d’électriques, nous risquons de perdre des parts de marché», fait savoir Jadri. S’attaquer à la rente Au-delà des contraintes physiques, les obstacles administratifs et ins- titutionnels sont régulièrement dénoncés. Jadri appelle à s’atta- quer d’abord à la rente : «Il faut en finir avec les agréments et licences. Il suffit de répondre à un cahier des charges ». Le climat des affaires souffre de procédures lourdes, de délais administratifs et de difficultés judiciaires. «Nous attirons des inves- tisseurs, mais nous avons du mal à les fidéliser », regrette-t-il. Le système bancaire est également pointé du doigt. Selon lui, les éta- blissements privilégient les grands groupes au détriment des startups et des petites entreprises pro- ductives. «Une startup ou un petit entrepreneur ne sera pas financé. Les banques financent les grands groupes et les multinationales», affirme-t-il. Or, ce sont ces petites entreprises productives qui sont susceptibles de tirer la productivité nationale vers le haut. Pour l’économiste, la montée en compétitivité passe par une action coordonnée sur plusieurs fronts : intégration locale, capital humain,

Le diagnostic est posé. Les leviers sont identifiés. Reste désormais à transformer l’essai. À l’heure où l’industrie marocaine s’inscrit dans des chaînes de valeur mondiales exigeantes, la compétitivité devient non seulement un impératif écono- mique, mais aussi une condition de souveraineté. L’ambition du Maroc passera par une révision en profon- deur de son modèle productif, afin de convertir la croissance indus- trielle en valeur durable. ◆

Le manque de productivité génère plusieurs effets collatéraux. Il limite l’augmentation de la valeur ajoutée et pèse sur la création d’emplois qualifiés.

transition énergétique, simplification administrative, concurrence équi- table, financement et montée en gamme technologique. «Si l’on règle la question de l’eau, de l’énergie, de la rente, de la corruption et des

lourdeurs administratives, et si les banques jouent enfin leur rôle, sans oublier la formation et l’amélioration du capital humain, alors oui : on peut améliorer notre productivité dans les années à venir» , conclut-il.

L'ESSENTIEL

Made with Africa

Le Maroc, moteur d’une industrialisation partagée

L e Maroc incarne aujourd’hui le modèle d’un «Made with Africa» réussi, a affirmé le ministre de l’Industrie et du Commerce, Ryad Mezzour, dans un message vidéo diffusé à l’ouverture de la 6 ème édition du Choiseul Africa Business Forum à Rabat. En deux décennies, le Royaume s’est imposé comme un écosystème industriel intégré, compétitif et orienté vers l’exportation. «Nous sommes désormais les premiers pro- ducteurs de voitures de tourisme en Afrique, avec une capacité installée d’un million de véhicules par an et un taux d’intégration locale de 69%» , a rappelé le ministre. Le Maroc est également devenu assembleur de moteurs d’avions, symbole d’une montée en gamme technologique, notamment grâce au complexe intégré du groupe Safran à Nouaceur. Le pays s’affirme, en parallèle, comme leader continental dans les secteurs des batteries, des engrais et des énergies renouvelables, consolidant son statut de hub industriel et énergétique africain. Pour Mezzour, cette réussite illustre la possibilité pour l’Afrique de devenir «l’atelier du monde de demain» en misant sur la formation, les infrastructures et la confiance. Il a souligné que «l’Afrique n’est plus seulement un espace

d’avenir, mais bien l’avenir lui-même», appelant à unir les forces, les ressources et les intelligences pour bâtir une Afrique confiante, compétitive et souveraine, fidèle à la vision du Roi Mohammed VI. Le concept de «Made with Africa», a-t-il ajouté, repose sur la co-industrialisation, la co-innovation et la co-expor- tation, en valorisant les ressources et savoir-faire du continent dans un esprit de complémentarité et d’ambition partagée. ◆

Plateformes numériques

Réguler sans freiner l’innovation L es plateformes électroniques constituent à la fois une formidable opportunité de développement et une source de défis complexes pour les économies modernes, a affirmé le président du Conseil de la concur- rence, Ahmed Rahhou, lors de l’ouverture de la conférence internationale intitulée «Plateformes numériques : évolution des métiers et défis concurrentiels» , organisée à Marrakech. Selon Rahhou, ces plateformes contribuent significativement à la création d’emplois dans des secteurs tels que le trans- port ou la livraison, tout en offrant aux pays en développe- ment la possibilité de «fabriquer des champions» nationaux, régionaux ou mondiaux. Toutefois, il a averti que ces mêmes acteurs peuvent parfois devenir concurrents des prestataires qu’ils desservent et «accaparer» une part importante de la richesse produite, soulevant ainsi des questions d’équité et de durabilité éco- nomique. Face à ces mutations, les autorités de la concurrence se retrouvent souvent démunies, leurs outils d’analyse étant mal adaptés aux modèles économiques fondés sur la gratui- té apparente et la puissance des données. Le président du Conseil a souligné que son institution cherche un équilibre entre innovation et régulation, afin d’éviter une intervention trop précoce qui pourrait freiner l’initiative, ou trop tardive qui laisserait s’installer des positions dominantes difficiles à démanteler.

«La mission du Conseil est d’être proactif : intervenir suffi- samment tôt pour prévenir les situations irréversibles, sans pour autant tuer les entreprises» , a-t-il expliqué, insistant sur la nécessité de protéger la liberté d’entreprendre tout en veillant à ce que les géants mondiaux du numérique ne nuisent pas aux initiatives locales. Rahhou a également alerté sur les risques de précarisation sociale liés à ces nouveaux modèles et sur la nécessité d’un accompagnement équilibré. Il a enfin mis en garde contre un «excès de protection» des données susceptible de freiner l’innovation, plaidant pour une réflexion collective impliquant régulateurs, responsables politiques, universitaires et cher- cheurs. ◆

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