FNH N_ 1214

ECONOMIE

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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 6 NOVEMBRE 2025

F. N. H. : Les PDTI et le développement des CREM sont intrinsèquement liés à la consolidation des piliers de l'État social. Comment voyez-vous la dynamique de co-développement entre ces investissements territo- riaux et l'accélération des réformes sociales ? H. E. : Il est difficile, voire arti- ficiel, de dissocier l'économique du social. Pour être plus clair, ce n'est que l'individu socialement épanoui, satisfait et reconnu dans sa dignité, et qui ressent un véri- table lien d'appartenance affectif à son territoire, qui peut impul- ser une dynamique économique locale durable. C'est cette estime sociale, ce sentiment d'utilité et de participation à un projet collectif, qui transforme les investissements matériels en moteurs vivants de croissance et en richesse parta- gée. Ainsi, la réussite des PDTI et du programme CREM ne repose pas uniquement sur la qualité des infrastructures ou des dispositifs administratifs, mais sur la capa- cité à redonner sens et valeur à l'humain dans son espace de vie. Le développement territorial doit nourrir un cercle vertueux : un citoyen écouté et valorisé devient acteur du développement, et cette vitalité sociale rejaillit à son tour sur l'économie locale, sur l'emploi et sur la prospérité de la communau- té. En somme, la véritable durabi- lité du modèle dépend moins des budgets engagés que de la récon- ciliation entre la dignité humaine et la performance économique. C'est d'ailleurs tout le sens du nouveau chantier de l'État social que le Maroc a entrepris : géné- ralisation de la protection sociale, réforme de la santé, refonte du système éducatif et valorisation du capital humain. Ces transfor- mations, hormis leur faisabilité et efficacité qui restent discutables, voire critiquables, ne sont pas iso- lées des PDTI ou du programme des CREM. Elles en sont la condi- tion même de réussite. C'est cette symbiose entre développement territorial et progrès social qui peut, à terme, fonder un modèle marocain de croissance inclusive, équilibrée et durable. Enfin, on l'espère vivement ! ◆

 Le développement territorial doit nourrir un cercle vertueux, où un citoyen écouté et valorisé devient acteur du développement.

durabilité pour ancrer la dyna- mique des PDTI dans une logique de développement durable et inclusif. Tenant compte, encore une fois, et je dois le souligner, de cette phase transitoire entre deux mandats politiques, gou- vernement et collectivités terri- toriales, l'enjeu de durabilité est considérable. Enfin, la résilience économique et la réussite de cette forme de déconcentration administrative, mais également de décentralisa- tion avancée, dépendront de la mise en place de mécanismes d'incitation efficaces et mesu- rables, et de garanties de durabi- lité bien réfléchies. Cette nouvelle gouvernance territoriale, bien qu'elle doive être accompagnée de réformes institutionnelles, par- ticulièrement des trois lois orga- niques des CT, traduit la volonté du Royaume d'une transversa- lité réelle de l'action publique, où chaque Dirham investi contribue à construire une croissance locale et régionale inclusive, durable et équitable. F. N. H. : Comment pré- venir le risque que cet effort d’investissement ne se concentre pas que sur l'amélioration des infras- tructures, sans parvenir à générer une véritable diversification économique locale ? H. E. : J'ai personnellement le sentiment que nous revivons les mêmes décalages qui traversent depuis des années les politiques de développement au Maroc. Depuis le début des années

2000, l'effort public s'est concen- tré, avec un réel succès, sur la construction d'infrastructures et d'équipements physiques. Ces investissements sont visibles, concrets et souvent porteurs d'espoir. Mais trop souvent, ils ne s'accompagnent pas d'un inves- tissement équivalent dans la vie humaine, la dynamique sociale et les forces vives appelées à faire vivre ces infrastructures. Or, ce sont bien les personnes, les communautés et leurs ini- tiatives qui créent réellement la richesse, la vitalité économique et la cohésion sociale. Les res- sources matérielles, aussi indis- pensables soient-elles, ne sont finalement que des outils, des leviers moteurs et facilitateurs qui n'ont de sens que s'ils servent le développement humain, la créati- vité et la richesse collective. C'est effectivement tout l'enjeu : faire en sorte que les CREM, comme les PDTI, ne deviennent pas de simples vitrines d'amé- nagement, mais de véritables écosystèmes de vie et d'activité économique. Pour éviter que l'ef- fort d'investissement ne se limite aux infrastructures physiques, il est indispensable de replacer l'humain au cœur du projet. Cela passe par un accompagnement ciblé de l'entrepreneuriat rural, la valorisation des ressources et savoir-faire territoriaux spé- cifiques à ces zones (artisanat, agroalimentaire, tourisme vert, économie circulaire) et le sou- tien à l'économie sociale et soli- daire. Il faut même repenser un ou des modèles économiques de croissance et d'emploi ancrés

dans la culture locale de ces CREM. Autrement dit, chaque souk modernisé, chaque centre de services ou espace jeune doit devenir un lieu vivant de forma- tion, de création de valeur et de lien social, plutôt qu'un simple équipement figé. Par ailleurs, la réussite du pro- gramme dépendra de la capa- cité à articuler les CREM avec les stratégies d'emploi et de formation nationales et de leurs régions d'appartenance, notam- ment à travers la feuille de route nationale pour l'emploi et les dis- positifs d'insertion des jeunes. L'État et les CT doivent assurer un cadre incitatif, fiscal, foncier et partenarial, qui encourage les PME, les coopératives et les investisseurs locaux à s'implan- ter durablement dans ces zones, en complémentarité totale avec les villes, les CREM et les sys- tèmes de production voisins. En liant chaque investissement à des objectifs mesurables d'em- ploi, de création d'activités et de rétention des jeunes talents, les CREM pourront réellement devenir des catalyseurs de diver- sification économique, surtout durable, évolutive et résiliente, et non des infrastructures en attente de vie.

Cette nouvelle gouvernance territoriale traduit la volonté du Royaume d’une transversalité réelle de l'action publique, où chaque Dirham investi contribue à construire une croissance locale et régionale inclusive, durable et équitable.

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