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HIGH-TECH

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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 6 NOVEMBRE 2025

en œuvre de cette résilience numérique : 1- Pénurie de compé- tences spécialisées Le Maroc compte moins de 3.000 experts cyber pour un besoin supérieur à 10.000 pro- fils, ce qui limite la capacité des entreprises à internaliser la cybersécurité. 2- Contraintes budgétaires en décorrélation avec la perception du risque • 73% des entreprises placent le risque cyber en tête de leurs priorités. Les entreprises peinent cependant à dispo- ser d’un budget cyber ration- nel et cohérent au regard du niveau de risque observé dans le pays (contexte d’incident renforcé). Les budgets alloués à la cybersécurité sont encore insuffisants, surtout dans les secteurs non réglementés. 3- Maturité cyber hétérogène • Seules 2% des entreprises ont mis en œuvre l’ensemble des actions nécessaires pour une cyber-résilience complète. Les entreprises de tailles inter- médiaires restent particulière- ment vulnérables, avec des dispositifs de sécurité souvent inexistants ou rudimentaires. • Le marché marocain requiert encore une montée en matu- rité importante de la qualité des prestataires de cybersé- curité. La mise en place de schémas de qualification par la DGSSI contribuera à poser un cadre d’exécution des ser- vices cyber, mais les acteurs de ce marché devront conti- nuer à être challengés par leurs clients afin d’augmenter le niveau d’exigence face à des attaquants qui gagnent en professionnalisme et en sophistication. 4- Partage d’informations à renforcer Malgré l’existence des dis- positifs mis en place par la DGSSI et le MA-CERT, le mar- ché marocain nécessite de renforcer le partage d’informa- tions ainsi que ses pratiques de réponses coordonnées aux attaques cyber. L’ensemble de ces freins

 Le marché mondial de la cybersécurité atteignait 193,73 milliards de dollars en 2024, avec une

croissance projetée à 562,77 milliards d’ici 2032.

nécessite un travail de fond conséquent qui ne peut se résorber en 1 jour et nécessite une accélération des investis- sements. F. N. H. : L’intelligence artificielle change la nature des risques. Comment percevez-vous l’évolution de la cyber- défense à l’ère de l’IA générative et des outils automatisés ? J. B. : ’intelligence artificielle (IA) transforme profondément le paysage de la cybersécurité en créant une double dyna- mique. Premièrement, elle amplifie les menaces en augmentant la rapidité et la sophistication des attaques. Nous observons notamment : • un phishing hyper-personna- lisé, avec des e-mails fraudu- leux crédibles, multilingues et produits à grande échelle; • des deepfakes et des usur- pations d’identité utilisant des voix ou des visages synthé- tiques capables de tromper aussi bien les individus que les systèmes; • des prompt injections et des backdoors, qui consistent à manipuler les modèles de lan- gage (LLM) pour contourner les filtres et introduire des vul- nérabilités; • et enfin, une industrialisa-

tion des attaques, rendue pos- sible par l’automatisation des étapes d’une cyberattaque, ce qui les rend plus rapides et plus difficiles à contrer. Deuxièmement, cette même IA élargit la surface d’attaque. En effet, les nouveaux sys- tèmes qu’elle crée deviennent à leur tour des cibles poten- tielles. Les modèles d’IA eux- mêmes peuvent être compro- mis, via le vol de modèles, la contamination des données d’entraînement ou encore des biais algorithmiques et des hallucinations suscep- tibles d’engendrer des erreurs graves. Au-delà des risques, l’IA constitue également un allié puissant de la cyberdé- fense. PwC identifie plusieurs cas d’usage concrets qui ren- forcent les capacités de pro- tection : • Détection proactive et ana- lyse avancée : l’IA permet d’identifier des anomalies et des indicateurs de compro- mission invisibles pour les systèmes traditionnels, et de corréler de grands volumes de données pour accélérer la compréhension des incidents.

• des réponses: elle génère des rap- ports clairs pour les équipes non techniques, suggère des plans de remédiation éprou- vés et peut exécuter automati- quement certaines actions de réponse en cas d’attaque. Automatisation • Simulation et cyber-entraî- nement : l’IA facilite la création de scénarios de test réalistes pour éprouver la robustesse des systèmes et former les équipes dans des environne- ments simulés. Ces différents exemples illustrent concrètement la contribution de l’intelligence artificielle à l’amélioration des capacités de cyberdéfense et à la construction d’une rési- lience numérique durable. F. N. H. : Au-delà des technologies, la cyber- sécurité repose avant tout sur la confiance. Comment créer au Maroc une culture de la sécu- rité numérique partagée entre citoyens, entre- prises et institutions ? J. B. : La culture cyber au Maroc doit être inclusive, continue et collaborative, arti- culée autour de trois piliers : sensibilisation, gouvernance et formation. La technologie est un outil, mais la confiance repose sur l’humain et la coo- pération. ◆

Le Maroc se digitalise, c’est indéniable. Il reste cependant beaucoup à faire, telle que l’accélération de la transformation cloud et l’adoption de l’intelligence artificielle.

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