FNH N° 1165-1

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JEUDI 19 SEPTEMBRE 2024 / FINANCES NEWS HEBDO

ECONOMIE

politique fort. D’une façon générale, pour relever ces défis, nous avons développé des solutions adap- tées en collaboration avec les bénéficiaires et les maçons locaux. Cela inclut un plan architectural qui prend en compte la résilience sismique, la lumière naturelle, la ventila- tion, la flexibilité et la facilité de construction pour une repro- ductibilité aisée, ainsi que l’op- timisation économique de la structure. De plus, nous valori- sons les savoir-faire locaux en utilisant des éléments archi- tectoniques familiers (ouver- tures, corniches, casquettes solaires, etc.) et des matériaux locaux pour les finitions moins coûteuses et intégrées au pay- sage, car nous utilisons les terres locales qui sont traitées contre la pluie. F.N.H. : Après cette expé- rience de terrain et votre vécu sur place, quelles sont les leçons et ensei- gnements à tirer pour l’avenir afin de mieux gérer les catastrophes naturelles ? Pr J. B. : La gestion des catas- trophes naturelles au Maroc, amplifiée par l’impact des changements climatiques sur les établissements humains, est cruciale pour l'avenir. Tirer des leçons du passé, améliorer les réponses et anticiper les crises à venir sont des priori- tés. L’expérience d’Al Haouz a démontré que le Maroc réagit de façon efficace et autonome car il dispose de ressources techniques et humaines suffi- santes. Cependant, des défis persistent, notamment l’inté- gration de spécialistes logis- ticiens qui accompagnent les équipes de maîtrise d’œuvre. Valoriser l'architecture tra- ditionnelle à travers la pro- motion d’un habitat durable et renforcer la collaboration entre différents acteurs sont essentiels pour renforcer la

 Former des architectes spécialisés dans les situations d'urgence, capables d'intervenir rapidement pour le relogement «du jour d’après», est primordial.

toconstruction pose des défis majeurs, notamment dans des milieux isolés et montagneux, nécessitant une organisation complexe, lourde et coûteuse. 2. Ensuite, la disponibilité et l'acheminement des matériaux de construction s'avèrent pro- blématiques, surtout dans les zones éloignées et inacces- sibles avec une chaîne logis- tique non structurée. 3. La main-d'œuvre locale spécialisée est indispensable, mais parfois difficile à trouver. 4. Des contraintes écono- miques telles que l'infla- tion, la sécheresse, l’impact du contexte international entravent le processus de construction, malgré un bud- get initial de 1.600 DH/m 2 (80.000 DH pour un logement de surface entre 50 et 60 m 2 avec 2 chambres, un salon, une cuisine et une salle de bains) en moyenne pour les reconstructions partielles. 5 . Enfin, le rejet des maté- riaux locaux par la population. Cette résistance culturelle est ancrée dans l'idée que ces matériaux, comme la terre ou

la pierre, sont responsables des effondrements. Pour surmonter cet aspect, une approche multidiscipli- naire devrait être élaborée en agissant sur certains leviers stratégiques : • La sensibilisation : Il est nécessaire de mener des actions pédagogiques pour informer la population sur les avantages des matériaux locaux (disponibilité, facilité de mise en œuvre, qualités ther- miques et acoustiques, esthé- tique adaptée). Les médias apporteraient leur appui afin de diffuser la culture des matériaux biosourcés. Il s'agit de modifier les perceptions et les comportements en valori- sant les vertus des matériaux locaux. • La démonstration pratique à travers des réalisations

de modèles techniquement valides : Il s'agit de modifier les perceptions et les comporte- ments en valorisant les vertus des matériaux locaux, ce qui faciliterait la reconstruction et préserverait l'identité locale. La puissance du modèle à travers les leaders d’opinion et l’élite locale serait un atout. Il existe dans la région des entreprises spécialisées dans la construc- tion écologique. L’implication de toute la chaîne de valeur du bâtiment dans ces filières alter- natives serait un gage d’une économie d’échelle rentable. A ce titre, l’Etat devrait encou- rager la construction d’équi- pements (écoles, centre de santé, logements de fonction, équipements techniques etc.) en matériaux locaux conformes au règlement thermique de construction au Maroc (RTCM) et au règlement de construc- tion parasismique (RPS 2000) dans les centres ruraux. Auquel cas, un marché s’ouvrirait aux acteurs économiques locaux. Et une garantie d’une véritable offre locale structurée et adap- tée, fruit d’un volontarisme

Valoriser l'architecture traditionnelle à travers la promotion d’un habitat durable et renforcer la collaboration entre différents acteurs sont essentiels pour renforcer la résilience.

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