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JEUDI 19 SEPTEMBRE 2024 / FINANCES NEWS HEBDO
SOCIÉTÉ
Violences numériques à l’égard des femmes
«Les victimes sont souvent stigmatisées, ce qui les dissuade de se manifester»
Dans cet entretien, Ghizlane Mamouni, présidente de l’Association «Kif Mama Kif baba», met en lumière l'ampleur des violences numériques à caractère sexiste au Maroc. Elle souligne l'absence de législation adéquate pour protéger les victimes et appelle à une réforme juridique urgente. Propos recueillis par M. Boukhari
Un exemple de Revenge porn est celui où un ex-partenaire partage des photos intimes pour humilier publiquement sa vic- time. Par exemple, une jeune femme marocaine a vu ses photos intimes publiées par un ancien partenaire sur plusieurs groupes Facebook après leur séparation, entraînant son iso- lement social et une détresse psychologique considérable. La sextorsion consiste égale- ment à recourir à la technolo- gie pour exploiter les victimes, souvent jeunes, en menaçant de publier des images intimes à moins que des demandes financières ou sexuelles ne soient satisfaites. Par exemple, une étudiante marocaine, trompée par un faux profil sur Instagram, a envoyé des photos intimes à son agresseur. Celui-ci a ensuite menacé de les publier à moins qu’elle ne lui envoie de l’argent, plongeant la victime dans une spirale de peur et de honte. F.N.H. : Quelles sont les difficultés rencontrées par les femmes maro- caines pour signaler ou dénoncer la violence numérique ? Gh. M. : Les femmes maro- caines rencontrent de nombreux
Finances News Hebdo : Comment l’Association Kif Mama Kif Baba définit- elle la violence numérique à caractère sexiste dans le contexte marocain ? Ghizlane Mamouni : Au Maroc, les violences basées sur le genre facilitées par la technolo- gie (VBGFT) se manifestent par des formes variées et inquié- tantes. Parmi les plus courantes, on retrouve le Revenge porn et la sextorsion, où des individus menacent de diffuser des photos ou vidéos intimes pour manipu- ler ou extorquer leurs victimes. Le partage non consensuel de photos intimes et le doxxing, qui consiste à révéler des infor- mations personnelles en ligne, sont également fréquents. Les cyberharcèlements et intimida- tions de nature sexuelle ou liée au genre sont d’autres formes répandues de VBGFT. Ces violences sont souvent perpétrées sur des plateformes populaires telles que Facebook, Instagram et WhatsApp, ainsi que sur d’autres services de messagerie instantanée et forums en ligne. Ces techno- logies offrent aux agresseurs l’anonymat et une large portée pour cibler leurs victimes plus facilement que par des moyens traditionnels.
obstacles lorsqu’elles tentent de signaler ou de dénoncer la violence numérique. Un des principaux défis est l’absence de législation spécifique pour traiter les violences en ligne, ce qui laisse souvent les vic- times sans protection juridique adéquate. La sensibilisation et l’éducation sur les VBGFT sont insuffisantes, tant au sein de la population que parmi les auto- rités. Les victimes sont souvent stigmatisées et craignent des représailles, ce qui les dissuade
de se manifester. Par exemple, une jeune femme marocaine dont les photos intimes sont utilisées comme moyen de chantage peut hésiter à porter plainte, car elle risque d’être incriminée sous l’article 490 du code pénal, car la pho- tographie peut servir de preuve d’une relation hors mariage, la mettant ainsi en danger de pour- suites judiciaires. Dans notre société contempo- raine, la violence numérique est tout aussi destructrice que les violences physiques ou psy- chologiques traditionnelles. Le continuum de violence en ligne/hors ligne cause un préju- dice considérable aux femmes, et par extension, à toute la société. Cette réalité impose de
Les nouvelles technologies offrent aux agresseurs l’anonymat et une large portée pour cibler leurs victimes plus facilement que par des moyens traditionnels.
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