BOURSE & FINANCES
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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 20 NOVEMBRE 2025
Maroc Telecom Anatomie d’un changement d’ère Après quatre années plombées par un risque réglementaire sans précédent et une valeur du titre divisé par deux, Maroc Telecom semble changer de cycle. Contentieux apurés, alliance stratégique avec inwi, visibilité retrouvée, gouvernance remaniée, refinancement maîtrisé et retour en grâce auprès des analystes : l’opérateur historique veut tourner la page d’une période qui aura profondément modifié son rapport au marché. L’arrivée de Mohamed Benchaâboun à la tête du groupe symbolise ce basculement.
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Par Y. Seddik
endant près de deux décen- nies, Maroc Telecom a dominé la cote casablancaise comme rarement une valeur ne l’a fait. Première capitalisation du MASI pendant plus de 20 ans, l’opé- rateur cumulait leadership com- mercial, marges confortables et rente de situation sur un marché encore peu concurrentiel. Cette époque s’est brutalement refermée. À partir de 2020, la trajectoire boursière du titre a été rattrapée par la réalité régle- mentaire : amende de 3,3 mil- liards de dirhams infligée par l’ANRT pour abus de position dominante, suivie deux ans plus tard d’une astreinte de 2,45 mil- liards. À cela s’est ajouté le contentieux avec Wana (inwi), sanctionné en 2024 par une condamnation de plus de 6 mil- liards de dirhams. Sur la cote, la sanction a été immédiate. Entre 2020 et début 2023, l’action IAM a perdu près de la moitié de sa valeur, effa- çant des dizaines de milliards de dirhams de capitalisation. Pour la première fois de son histoire récente, l’opérateur his- torique devenait une «valeur à problème», entraînée dans un cycle où le risque judiciaire pre- nait le dessus sur les fonda- mentaux. Des fondamentaux solides, mais un marché qui doutait Car, paradoxalement, jamais les chiffres n’ont véritablement raconté une histoire de déclin.
En 2024, le groupe affiche encore 36,7 milliards de dirhams de chiffre d’affaires, en légère progression à taux de change constant. La marge EBITDA reste plantée au-dessus des 50%, à des niveaux que peu d’opérateurs africains peuvent revendiquer. Et le RNPG récur- rent tourne toujours autour de 6 milliards de dirhams. Les notes d’analystes récentes le confirment : IAM dispose d’un modèle opérationnel d’une rare résilience. Les marges restent élevées malgré une concur- rence plus agressive, avec un marché mobile désormais qua- siment à parts égales entre les trois opérateurs, et ce malgré un environnement réglemen- taire rarement favorable depuis cinq ans. Sur le terrain commercial, l’in- ternational joue plus que jamais son rôle de locomotive : les filiales Moov Africa continuent de tirer la croissance, portées par la data, l’Internet fixe hors Maroc et les services financiers sur mobile. Les bureaux de recherche soulignent un poten- tiel de progression régulier à moyen terme, avec une crois- sance annuelle moyenne atten- due de l’ordre de 4% sur les activités internationales. Dans ce climat encore tendu, le groupe a par ailleurs engagé des initiatives internes rarement observées auparavant, comme l’accord social conclu début juin 2025 avec le Syndicat natio-
nal des télécommunications. L’augmentation salariale de 5% (assortie d’un minimum de 500 dirhams) marque une volonté de stabiliser le climat social au moment où l’entreprise prépare un nouveau cycle d’investisse- ment et de transformation. Le paradoxe était donc évident : une entreprise toujours solide dans ses comptes, mais per- çue comme fragilisée dans son environnement et prisonnière d’un narratif négatif. 2024-2025 : apurer le passé, réécrire le narratif Le tournant s’opère fin 2024, puis de façon beaucoup plus nette en 2025. La première détonation vient du règle- ment du dossier Wana. Maroc Telecom règle la facture, purge ses comptes et referme un dos- sier qui paralysait la valorisation depuis cinq ans. La seconde, bien plus straté- gique, intervient en mars 2025 avec l’annonce d’un partenariat majeur entre IAM et inwi. Après des années de confrontation, les deux groupes choisissent la voie de la collaboration. Au programme : mutualisation des infrastructures, création d’une FiberCo et d’une TowerCo déte- nues à parts égales, déploie- ment accéléré de la fibre et des tours 5G, investissements esti- més à 4,4 milliards de dirhams sur la première phase, et renon- ciation aux recours dans le dos- sier du litige avec réduction du
montant de l’indemnisation à 4,38 milliards de DH. Ce repositionnement intervient au moment où le Maroc pré- parait l’arrivée imminente de la 5G (opérationnelle depuis le 6 novembre). Le 28 juillet 2025, l’ANRT attribue finalement les licences aux trois opéra- teurs Maroc Telecom, Wana et Orange, pour un montant de 2,1 milliards de dirhams. Cette étape acte la fin d’un long pro- cessus réglementaire et ouvre un nouveau cycle d’investisse- ment technologique. Les analystes ont souligné d’ailleurs l’entrée dans un cycle Capex plus soutenu. Certes, l’effort d’investissement va aug- menter, mais il est considéré comme «productif» et néces- saire pour repositionner IAM dans la course à la fibre et à la 5G. Les bureaux de recherche anticipent un ratio Capex/CA autour de 22% sur les pro- chaines années, un niveau élevé mais cohérent avec les ambi- tions du groupe et avec la mon- tée en puissance des besoins
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