ECONOMIE
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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 20 NOVEMBRE 2025
et en lait. Pour Srairi, l’essen- tiel est là : «à 75%, la situa- tion est liée au manque d’eau. Les fourrages ne suivent plus, les périmètres irrigués sont en difficulté, et cela impacte toute la chaîne» . Cette vulné- rabilité renvoie également à un déséquilibre plus ancien dans l’orientation des politiques agricoles. Le Plan Maroc Vert, puis Génération Green, se sont concentrés sur l’extension de l’irrigation au profit surtout des filières d’exportation. Les cultures nourricières et fourra- gères, pourtant essentielles au maintien du cheptel, ont béné- ficié d’un appui limité. Les résultats créent aujourd’hui un contraste marqué entre des cultures maraîchères qui continuent de performer à l’export et des filières fourra- gères incapables d’amortir les chocs hydriques. La pression sur l’offre locale a conduit à un recours accru aux importations de bétail vivant. En janvier 2025, le Maroc a importé 21.800 bovins et 124.000 ovins, des volumes inédits. Cette stratégie a même été ponctuellement subventionnée, notamment à l’occasion de l’Aïd Al-Adha 2024. Mais ses limites appa- raissent rapidement. Les coûts logistiques restent élevés, les prix internationaux volatils et les risques sanitaires réels, comme l’a montré la suspen- sion récente d’importations européennes en raison de la dermatose nodulaire bovine. «L’importation peut dépanner temporairement, mais elle ne peut pas compenser durable- ment un recul de la production nationale» , rappelle Srairi. Malaise social Au-delà de ces facteurs conjoncturels, la filière fait face à une érosion sociale qui fragilise sa capacité de renou- vellement. L’élevage repose sur un travail familial intensif, sans jour de repos et souvent sans rémunération directe pour les jeunes membres du foyer. Les nouvelles généra-
Les effectifs de bovins n’atteignent plus que 2,1 millions de têtes, alors que la moyenne historique évoluait entre 3 et 3,2 millions.
Élevage Comment stopper l’hémorragie ? L Les premières pluies abondantes tombées ces derniers jours sur plusieurs régions du Maroc ont apporté un soulagement visible dans les campagnes, après plus de cinq années de déficit hydrique. Ce retour de l’humidité redonne de l’espoir aux éleveurs, mais ces précipitations ne sauraient masquer l’ampleur des fragilités accumulées. Le cheptel marocain reste sous tension. Par R. Mouhsine
e recensement national du cheptel, mené entre juin et août 2025, a éclairci un pay- sage brouillé par des estima- tions divergentes. Les auto- rités ont ainsi recensé 32,8 millions de têtes, un niveau qui demeure globalement conforme aux volumes habi- tuels pour les ovins et caprins. Pour Mohamed Taher Srairi, professeur à l’Institut agro- nomique et vétérinaire (IAV) Hassan II, cette mise à jour était indispensable : « le recen- sement donne enfin une base officielle et fiable. Les chiffres antérieurs n’avaient pas la même solidité». Mais au-delà de cette clarification, les données confirment des
tendances préoccupantes, notamment pour les bovins dont les effectifs n’atteignent plus que 2,1 millions de têtes, alors que la moyenne histo- rique évoluait entre 3 et 3,2 millions. La contraction touche surtout les femelles repro- ductrices, élément clé pour la reconstitution des troupeaux. «Moins de femelles, c’est moins de renouvellement. La tension sur la viande tient en grande partie à cette baisse du troupeau reproducteur», observe-t-il. Des prix en hausse Cette tension se reflète direc- tement sur les marchés. La viande bovine, autrefois ven-
due autour de 70 à 80 dirhams le kilo, dépasse désormais 120 dirhams/kg dans de nom- breuses villes. Cette hausse, qui pèse lourdement sur le pouvoir d’achat, est l’une des manifestations les plus concrètes de la décapitalisa- tion du cheptel et de la diminu- tion de l’offre nationale. Les pluies récentes ne suffisent pas à effacer le déficit cumulé. Les cinq dernières campagnes ont été marquées par un manque d’eau qui a réduit les pâturages, freiné les cultures fourragères et mis en diffi- culté les périmètres irrigués, longtemps considérés comme des zones stratégiques pour l’approvisionnement en viande
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