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JEUDI 3 NOVEMBRE 2022 FINANCES NEWS HEBDO
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Musique
◆ N’en déplaise aux adultes, le rap est devenu la musique préférée des ados et le genre musical le plus écouté. Au lieu de le dénigrer, on peut tenter de le décrypter et d’en faire un espace de dialogue avec vos enfants. Le phénomène Rap (part I)
dépassent un peu. Il est vrai que ce phénomène se reflète peu dans les médias grand public, qui préfèrent évoquer le rap lorsqu'il suscite la polé- mique. Alors, forcément, le rap inquiète. Ces chanteurs qui alimentent la frénésie, voire le scandale, nos enfants les
ties, la jeunesse se reconnaît dans cette forme d’expression. Aujourd'hui, le rap touche un public plus large. Il est devenu plus commercial et musicale- ment plus ouvert. Le rap made in Morocco se caractérise par la richesse et la diversité de ses auteurs, issus pour la plupart des quartiers périphériques. Il se distingue également par l'originalité et la particularité de son langage, issu du vocabu- laire de la rue. Le rap, ce sont les Nass El Ghiwane d'hier et la pop d'au- jourd'hui. Certes, il souffre tou- jours de clichés, voire de préju- gés qui tendent à s'estomper. En fait, le rap ne peut pas être considéré comme un seul bloc. Il existe toutes sortes de cou- rants musicaux : du «gangsta rap» jouant avec les codes du cinéma violent au «traï [qui allie trap et raï]» qu’incarne Issam Harris. Une variété de styles, aussi différents que peuvent l’être, dans le domaine de la chanson rebelle, Lemchaheb et Jil Jilala. Genre musical le plus en vogue Chacun cherche ce qui va résonner en lui. Le rap de Stormy et Tagne ou ElGrande Toto plaît aux moins de 18 ans qui apprécient sa musicalité. Beaucoup d’ados, eux, sont friands de «trash» ou le «street» de Dollypran ou Moro. Tandis que leurs aînés versent dans le rap à texte, comme Mobydick ou Don Bigg. Soit, à la puberté
se joue le retour du pulsion- nel. Les jeunes cherchent des occasions d'apprivoiser cette violence intérieure. À travers le beat (rythme) du rap et un lan- gage cru, les ados expriment leurs angoisses, leur frustra- tion et leur colère. Depuis les années 1970, chaque génération d'adoles- cents a développé une musique pour se libérer et bousculer les adultes. Les adolescents ont besoin de se démarquer et de développer une culture auprès de leurs pairs avec un désir de transgression. Écouter du rap, c'est une manière de deman- der à ses parents : « M'aimeras- tu encore si je ne corresponds pas à ce que tu voulais que je sois ? ». Et de fait, nous invi- tons les adultes à «se rappeler leur propre jeunesse» et les chansons un peu salaces qu’ils écoutaient à l’époque. Agressif, le rap ? Certaines outrances du genre sont similaires à celles des films ( Casablanca by night, Casa Negra, Zero… ) que l'on va voir pour se divertir. Le point com- mun est leur effet exutoire et fantasmagorique. Ce genre musical n'est qu'un miroir de notre société, le reflet exacerbé de ses tra- vers en usant de codes plus ou moins ostensibles, qui ne tournent pas autour du pot. Les modèles ne sont pas figés, les postures évoluent. Les rap- peurs expriment davantage leurs émotions, dénoncent les stéréotypes. ◆
écoutent, échangent titres et vidéos, s'expri- ment comme eux, en adoptant leurs expres- sions peu amènes. Rébellion, violence, drogue, bling-bling, vulgarité, sexisme
Actuellement, parmi les artistes dont le réper- toire a été le plus écouté en streaming audio, le rap occupe 45 places de ce classement.
ou encore racisme… Les images diffusées par les médias se heurtent aux prin- cipes de l'éducation familiale. « Mon adolescent peut-il être influencé par le modèle que véhicule cette musique ?» , se demandent beaucoup de parents. Le rap, ce sont les Nass El Ghiwane d'hier Né aux États-Unis à la fin des années 1970, le rap est issu de la culture hip-hop, une nouvelle forme d'art exprimée dans la rue à travers la danse, le gra- phisme et la musique. Le rap, à la fois mouvement musical et mouvement de conscience sociale, donne la parole aux exclus, leur permettant de scander, de revendiquer, de communiquer de manière mini- male, de formuler leur peur et leur désespoir. Au Maroc, à la fin des nine-
B ranchés sur les pla- teformes de strea- ming, Spotify ou Deezer, casque sur la tête ou écouteurs enfoncés dans les oreilles, scotchés sur un écran, les ados et pré-ados écoutent du rap, regardent du rap, pensent rap… Et ce, parfois, depuis des années. « Depuis le Mgharba tal mout », confie calmement Ahmed, 20 ans. Les parents ne sont pas tou- jours conscients de cela. Parfois, ils ferment les yeux. Tant que leurs oreilles ne souffrent pas trop. Le suc- cès fulgurant des concerts, le nombre d'écoutes des mor- ceaux de rap, genre musical le plus en vogue au Maroc (pour ne pas dire au monde), les Par R. K. H.
Le rap, ce sont les Nass El Ghiwane d'hier et la
pop d'au- jourd'hui. Certes, il
souffre tou- jours de cli- chés, voire de préjugés qui tendent à s'estomper.
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