FNH N° 1198 FF

BOURSE & FINANCES

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FINANCES NEWS HEBDO VENDREDI 30 MAI 2025

Gouvernance des EEP «Il s’agit d’un changement de paradigme et de mode de management centré sur l’efficacité»

des EEP et d’efficacité de gestion de la chose publique. Je cite, entre autres, quelques points critiques à traiter sur le court et moyen terme. D’abord, l’absence d’un véritable leadership et d’un sens de pilotage entre l’organe délibérant et la direc- tion. Ensuite, la nécessité de clarifier les obligations de service public. Il convient également d’améliorer la transparence des subventions, qu’elles soient directes ou indi- rectes, octroyées aux EEP. S’ajoutent à cela la multiplication des entités et les chevauchements de compétences entre entités publiques, ainsi que le faible impact des investissements réservés aux EEP sur la croissance et le tissu entrepreneurial marocain. F. N. H. : La ministre des Finances a appelé à «repen- ser les modèles» et à «éle- ver le niveau d’exigence». Quels changements culturels et structurels cette déclara- tion implique-t-elle pour les organes de gouvernance des EEP ? Et quelles ruptures concrètes cela suppose-t-il dans leur fonctionnement ? Y. G. F. : Le niveau d’exigence ne peut être relevé qu’en clarifiant les obligations de service public et en assurant une transparence totale sur les subventions, qu’elles soient directes ou indirectes, accordées aux EEP. Cette démarche doit s’ap- puyer sur des indicateurs clés de performance, permettant d’évaluer l’efficacité de l’action stratégique, notamment le retour sur investisse- ment public. En effet, plusieurs rapports d’audit et d’inspection, notamment de la Cour des comptes, pointent du doigt la gestion des EEP et dans divers volets tels que la couverture sociale, l'investissement public, la fiscalité et la facturation des

La nouvelle charte de gouvernance, dévoilée en mai 2025 par l’Agence nationale de gestion stratégique des participations de l’État (ANGSPE), marque une rupture avec les pratiques antérieures. Elle consacre un modèle axé sur l’efficacité, la durabilité et la transparence. Entretien avec Youssef Guerraoui Filali, président du Centre marocain pour la gouvernance et le management (CMGM).

Propos recueillis par Ibtissam Z.

Finances News Hebdo : Inspirée des standards de l’OCDE, la nouvelle charte de gouvernance publiée par l’ANGSPE marque un tour- nant pour le secteur public. Quels leviers concrets faut-il mobiliser pour assurer son application effective dans les établissements publics ? Youssef Guerraoui Filali : La nouvelle charte de gouvernance, rendue publique en mai 2025, est axée sur l’efficacité des organes de gouvernance. Elle vise à renforcer le contrôle interne et l’évaluation des risques au sein des EEP. L’objectif est de faire respecter les droits des actionnaires, tout en s’inscrivant dans la durabilité des projets. Cette charte succède au Code marocain de bonnes pratiques de gouver- nance d’entreprise, publié en 2008. Mais au-delà de ces instruments réglementaires, il s’agit d’un chan- gement de paradigme et de mode de management centré sur l’effi- cacité inspirée du secteur privé. C’est un levier incontournable pour

réussir la conduite du changement, favorisant la gestion axée sur les résultats servant à rentabiliser les investissements financiers et atteindre les objectifs économiques de l’Etat. Cependant, la rentabilité des pro- jets sectoriels, fondée sur une logique de récupération des capi- taux investis ainsi que l’amélioration du rendement financier des inves- tissements effectués, reste le défi majeur des EEP à l’horizon 2030. Je considère le pilotage de la per- formance comme un levier indis- pensable pour la mise en œuvre effective de ladite nouvelle charte. La mise en place d’une batterie d’indicateurs de suivi et d’impact permettra d’identifier les failles de mauvaise gouvernance, et par conséquent, de mener des actions correctives conduisant vers la réus- site et la pérennisation des projets socioéconomiques.

F. N. H. : En intégrant pleine- ment les enjeux de durabi- lité et les critères ESG, cette charte engage les EEP dans une nouvelle logique plus res- ponsable. En quoi ces dimen- sions peuvent-elles transfor- mer la performance des EEP à moyen et long terme ? Y. G. F. : La démarche RSE ne peut que renforcer la gouvernance des EEP. Elle s’inscrit dans un contexte national, et même mondial, marqué par les changements climatiques et la dégradation de l’environnement. La nécessité de mettre l’humain au cœur des équations économiques, à travers une bonne gouvernance qui préserve l’environnement, est deve- nue incontournable dans la dimen- sion du développement durable. Par conséquent, je considère qu’on est encore loin des critères ESG, vu qu’on doit d’abord rattraper le retard en matière de gouvernance

La mise en place d’une batterie d’indica- teurs de suivi et d’impact permettra d’identi- fier les failles de mauvaise gouvernance.

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