FNH N° 1198 FF

ECONOMIE

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FINANCES NEWS HEBDO VENDREDI 30 MAI 2025

domestique de véhicules a été dynamisée par le tourisme, notam- ment par la croissance de la loca- tion de voitures, soulignant l’inter- dépendance des filières écono- miques. Pour l'économiste, en revanche, les perspectives demeurent fragiles. Le triple choc de 2023 (réduction de l’investissement public, hausse des taux directeurs et repli des investissements directs étrangers) continue de peser sur la liquidité. Les taux d’intérêt devraient res- ter élevés à court terme, freinant le crédit et affectant la trésorerie des entreprises. En 2024, les fail- lites d’entreprises ont augmenté de 10%, et Allianz Trade anticipe une nouvelle hausse de 7% en 2025.

 Lluis Dalmau Taules a dressé un tableau lucide des tensions macroéconomiques actuelles, tout en identifiant les marges

de manœuvre possibles pour le Maroc.

Géopolitique mondiale Le Maroc à l’épreuve de la guerre commerciale F Dans un monde en recomposition accélérée, comment le Maroc peut-il se positionner de manière stratégique sans perdre son équilibre économique ? C’est à cette question que s’est attaché à répondre Lluis Dalmau Taules, économiste pour l’Afrique et le Moyen-Orient chez Allianz Trade, lors d’un point-presse organisé à Casablanca. Par Y. Seddik dshoring» , relocalisation partielle… Le découplage commercial entre Washington et Pékin alimente l’in- térêt pour de nouvelles plateformes régionales. L’Afrique du Nord, et particulièrement le Maroc, com- mence à émerger comme alterna- tive viable pour les flux détournés des axes traditionnels.

Port de Casablanca, Chine et relocalisations

Un des volets les plus prometteurs de l’analyse concerne le reposi- tionnement logistique du Maroc. La congestion du canal de Suez a favorisé une montée en puissance du port de Casablanca, désormais perçu comme un point d’ancrage stratégique pour les échanges transcontinentaux. Ce phénomène s’inscrit dans une tendance plus large : selon une étude interne d’Allianz Trade, le Maroc est classé en tête des «Next Generation Trade Hubs» , ces futurs centres névral- giques du commerce mondial. Par ailleurs, la Chine a récem- ment dépassé la France comme deuxième fournisseur du Maroc, illustrant un changement structurel dans la géographie des approvi- sionnements. Cette intensification des relations sino-marocaines ouvre la voie à un modèle d’as- semblage et de re-exportation vers l’Europe, dans une logique de valeur ajoutée locale. Lluis Dalmau résume la situation : «Ce ne sont pas des opportunités évidentes. Il faut être flexible, atten- tif, et prêt à bouger» . Le Maroc, souligne-t-il, a l'avantage de sa sta- bilité, de sa proximité avec l’Europe et de son positionnement logistique émergent. Mais pour transformer ces atouts en avantage compétitif, il faut accélérer l’adaptation des entreprises, soutenir la productivité locale et garantir un climat d’inves- tissement stable. ◆

ace à une géopolitique commerciale fragmentée, l’intervention de Lluis Dalmau Taules a mis en évidence les transformations en cours dans les flux commerciaux mondiaux et leurs implications concrètes pour les entreprises marocaines. Le diagnostic posé est que l’écono- mie mondiale est en proie à une incertitude structurelle aggravée par la montée en puissance des logiques protectionnistes, notam- ment de la part des États-Unis. Une enquête menée par Allianz Trade auprès de 4.500 entreprises dans neuf grandes économies indique que 60% d’entre elles anticipent un impact négatif de la guerre com- merciale sino-américaine, et 45% s’attendent à une baisse de leur chiffre d’affaires à l’export. Dans ce contexte, les entreprises reconfigurent leurs chaînes d’ap- provisionnement : diversification géographique, stratégies de «frien-

européenne pourrait, par effet de chaîne, affaiblir la compétitivité des exportations marocaines, notam- ment dans l’automobile et l’agroali- mentaire. À l’inverse, les plans d’in- vestissement européens, notam- ment dans les infrastructures et la défense, pourraient générer des effets d’entraînement favorables pour les industriels marocains inté- grés aux chaînes de valeur conti- nentales. Selon les projections d’Allianz Trade, le Maroc devrait enregistrer une croissance de 3,5% en 2025, puis de 3,6% en 2026. Ce rythme reste l’un des plus soutenus de la région Mena, porté par la reprise du secteur agricole, la vitalité des services et la montée en puissance de l’industrie manufacturière, en particulier automobile. Le secteur du tourisme, en forte reprise, agit également comme un levier transversal : la demande

Impact direct limité, exposition indirecte réelle Avec seulement 6% de ses expor- tations destinées aux États-Unis, le Maroc est relativement protégé des répercussions tarifaires directes. De surcroît, certains produits cru- ciaux pour l’économie marocaine, comme les engrais, échappent aux hausses de droits de douane. Mais le véritable point de vigilance réside dans l’exposition indirecte à l’Europe, premier partenaire com- mercial du Royaume. Toute mesure protectionniste visant l’Union

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