ECONOMIE
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FINANCES NEWS HEBDO VENDREDI 30 MAI 2025
Malgré une baisse du taux de pauvreté annoncée par le HCP, Mohamed Amrani, professeur d’économie, appelle à la prudence. Il alerte sur la montée de la vulnérabilité, les effets pervers de certaines aides sociales, l’urgence de désenclaver le monde rural et la nécessité de réorienter les efforts vers la formation, la coopération et les infrastructures de base. Entretien. Pauvreté Une baisse en trompe-l'œil ?
situation de précarité a entraîné certains effets pervers, comme l’apparition de gens qui ne veulent plus travailler. Ce phénomène a été relevé par le chef du gouvernement. Car malgré la sécheresse, des fel- lahs n’ont pas trouvé assez de main-d’œuvre pour faire fonc- tionner leur exploitation. Il faut plutôt miser sur la formation et l’apprentissage pour que la population démunie dans le monde rural ne soit pas dépen- dante uniquement de l’agricul- ture. Il est question aussi de regrou- per les personnes cibles dans des coopératives ou des asso- ciations pour bien les encadrer et leur inculquer les meilleures pratiques en matière de pro- duction, de transformation et de commercialisation. La lutte contre la pauvreté est un travail d’ensemble qu’il faut mener à plusieurs niveaux. Il est indispensable de réduire les inégalités régionales et accor- der plus d’attention aux zones qui concentrent le plus de pau- vreté. Les efforts de désenclave- ment doivent se poursuivre en construisant de nouvelles routes et voies d’accès, sans oublier les autres infrastructures ayant un effet sur le développe- ment humain, comme les écoles et les centres de soin. La lutte contre l’analphabétisme est, elle aussi, un levier pour faire face à la pauvreté et la vulné- rabilité. F. N. H. : Et qu’en est-il des villes ? M. A. : La pauvreté existe aussi bien dans les villes que dans les campagnes. Au niveau urbain, l’avantage est qu’il existe une diversité d’activités écono- miques où l’insertion sociale est plus facile ainsi que la créa- tion de nouvelles sources de revenu. Ce qui n’est pas le cas dans le monde rural où l’agri- culture est prédominante. Il est donc essentiel de s’inspirer des expériences réussies menées par plusieurs pays dans ce domaine. ◆
Propos recueillis par C. Jaidani
Finances News Hebdo : Le haut-commissariat au Plan (HCP) a annoncé récem- ment une baisse du taux de pauvreté. Cette ten- dance peut-elle se pour- suivre ? Mohamed Amrani : La ten- dance baissière du taux de pau- vreté au Maroc se poursuit, et ce malgré l’existence de nom- breuses contraintes comme la vague de sécheresse qui a frappé de plein fouet le Maroc pendant six années succes- sives. Mais il faut prendre cette régression avec beaucoup de réserves. Les chiffres publiés récemment par le HCP montrent clairement que la pauvreté a baissé, mais
L’octroi mensuel de subventions par le gouvernement aux personnes en situation de précarité a entraîné certains effets pervers, comme l’apparition de gens qui ne veulent plus travailler.
que le niveau de la vulnérabilité a augmenté. En l’absence de mesures drastiques pour lutter contre ce phénomène, plusieurs personnes peuvent basculer facilement vers la pauvreté. Les habitants du monde rural, dont la quasi majorité tra- vaille dans l’agriculture, seront contraints de quitter leurs lieux de résidence vers les villes à la recherche d’emploi dans
d’autres activités. Le plus sou- vent, ils s’installent dans les zones périphériques, particuliè- rement dans des bidonvilles. Cela crée d’autres probléma- tiques au niveau de la sécurité, le raccordement aux réseaux d’eau, d’électricité et d’assai- nissement et autres infrastruc- tures ou équipements de base. La lutte contre la pauvreté au Maroc doit se concentrer sur le monde rural pour éviter l’exode vers les villes. F. N. H. : Outre la géné- ralisation de la protection sociale, existe-t-il d’autres moyens pour mieux lutter contre ce phénomène ? M. A. : La protection sociale est un grand chantier qui néces- site des moyens importants, notamment budgétaires. Elle permet de réduire les inégalités sociales et d’assurer un mini- mum de dignité pour la popula- tion cible. Mais nous ne devons pas créer une population basée sur l’assistanat. L’octroi men- suel de subventions par le gou- vernement aux personnes en
Selon le HCP, en dix ans, la part de la population touchée par la pauvreté multidimensionnelle est passée de 11,9% en 2014 à 6,8% en 2024.
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