Finances News Hebdo numéro 983

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ECONOMIE

FINANCES NEWS HEBDO

DU 21 AU 27 MAI 2020

www.fnh.ma

agricole et des difficultés d’approvisionnement par les transports maritimes ont déjà fait appa- raître certaines fragilités dans les pays fortement dépendants des importations de céréales et du riz. Des pénuries alimentaires et de fortes aug- mentations des prix risquent d’affecter les zones les plus fragiles. Déjà avant la crise Covid-19, en Éthiopie, au Kenya et en Somalie, près de 12 mil- lions de personnes étaient fragilisées suite à de graves sécheresses et à une série de mauvaises récoltes. F.N.H. : Quels sont les chocs externes auxquels il faudra s’attendre ? L. S. : Depuis début 2020, les chocs externes aux économies africaines se traduisent par la baisse de la demande des principaux partenaires commerciaux et la perturbation des chaînes d’approvisionnement. La chute du prix de pétrole et d’autres matières premières diminue sensi- blement les recettes en devises des gouverne- ments. Sur le plan financier, le rapatriement des flux de capitaux et le tarissement des transferts

Les mesures sanitaires ont mis pra-

tiquement à l’arrêt le

secteur des services, qui est un sec- teur clé de l’économie marocaine. Il représente 45% des actifs occu- pés, soit 5 millions de personnes.

avec un confinement de la population (couvre- feu généralisé, mesure de distanciation sociale dans les lieux publics, interruption des transports publics…) qui a eu lieu très tôt dans le temps. Ceci représente, nous le savons maintenant, un facteur décisif dans la limitation de la contagion du virus. Or, ces mesures sanitaires ont mis prati- quement à l’arrêt le secteur des services, qui est un secteur clé de l’économie représentant 45% des actifs occupés, soit 5 millions de personnes. De plus, les perturbations des chaînes de produc- tion et d’approvisionnement en intrants ont entra- vé la production, en particulier dans le secteur agroalimentaire et manufacturier. Finalement, la baisse des revenus du tourisme (secteur à l’arrêt représentant 8% de l’emploi total) et des trans- ferts des émigrants (-14% en mars, -4,7% au T1 2020) ont naturellement freiné les entrées de devises. Pour faire face à ces chocs extérieurs, Bank Al-Maghrib a déjà fait appel au FMI le 7 avril 2020 pour une ligne de précaution et de liqui- dité (LPL) de 3 milliards de dollars, ce qui va permettre de financer la balance des paiements sans réduire trop drastiquement le montant des réserves étrangères. F.N.H. : Quelles sont les orientations que pourrait envisager le Maroc afin de réduire l’impact de la crise ? L. S. : Pour réduire l’impact économique, il est essentiel d’apporter du soutien immédiat aux secteurs les plus affectés par la crise pour per- mettre à l’économie de redémarrer rapidement une fois que la tempête sera passée. Au niveau mondial, il faut souligner l’ampleur, la rapidité et la diversité des mécanismes de soutien mis en place par les autorités de politique économique et monétaire. Face à la crise de la Covid-19, les stimulus budgétaires ont été généralement de

grande taille (bien plus qu’en 2009) avec bien souvent des garanties de crédit qui visent à pré- server le tissu industriel. Les mesures adoptées par les autorités maro- caines étaient bien en ligne avec ces orientations internationales. La réaction des autorités a été rapide et les mécanismes de soutien visaient à limiter le nombre de défaillance d’entreprises et à préserver au maximum le tissu économique et social. Les autorités sont également venues à l’aide aux plus démunis et aux travailleurs infor- mels. F.N.H. : Selon vous, quels sont les méca- nismes de relance que le Maroc pourrait adopter prenant en compte le taux élevé de l’informel ? L. S. : Malgré tous ces mécanismes d’assistance mis en place avec succès, le choc sur l’économie va être sévère. Nous attendons une contraction de la croissance de l’ordre de -3,9% en 2020, qui sera suivie par un rebond à 5% en 2021. Dans ce cadre-là, nous attendons une hausse de l’ordre de 17% du nombre de défaillances d’entreprises en 2020. Comme partout ailleurs dans le monde, nous attendons une augmentation significative du chômage au Maroc en 2020. En mars, le taux de chômage était déjà au-dessus de 10%, tou- chant particulièrement les jeunes (27,5%). A cela s’ajoutent les 810.000 employés déclarés à la CNSS en arrêt de travail pour faire passer tempo- rellement le taux de chômage à 16%. La plupart des emplois perdus sont dans le secteur informel, dans l’agriculture, la construction et les services). Pour assurer une reprise rapide de l’économie, sur le plan intérieur, il est important de poursuivre les mécanismes de soutien de la demande. Afin de préserver le tissu économique et la cohésion sociale, soutenir financièrement les travailleurs informels et les populations fragiles est crucial.

des émigrants fragilisent les équilibres extérieurs de plusieurs économies africaines (Sénégal, Maroc, Ethiopie).

Pour assurer une reprise rapide de l’économie sur le

Désormais, plusieurs économies sont confron- tées à l’augmentation drastique de leur coût d’emprunt (spread) et à la dépréciation de leur taux de change (Angola, Ghana, Afrique du Sud). Par ailleurs, les interven- tions des Banques cen- trales pour stabiliser le taux change érode dangereusement les réserves internationales, comme en Afrique du Sud. plan intérieur, il est important de pour- suivre les méca- nismes de soutien de la demande. F.N.H. : Le Maroc est-il concerné par ces chocs-là ? L. S. : Le Maroc est touché par la crise Covid- 19 en particulier par le canal du commerce international. Les effets de la diminution de la demande mondiale s’étaient fait sentir au Maroc bien avant la déclaration de l’urgence sanitaire le 20 mars. L’Union européenne est un partenaire majeur pour le Maroc : elle représente plus de 58% des exportations marocaines, 59% du stock d’IDE, 70% des recettes touristiques et 69% des transferts des Marocains résidant à l’étranger. Au vu de ces éléments, le ralentissement de la croissance en Europe (-9,3% en 2020) affectera profondément l’économie marocaine. Il est important de souligner le sérieux avec lequel la crise sanitaire a été gérée au Maroc,

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