FNH N° 1054

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SOCIÉTÉ

FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 10 FÉVRIER 2022

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fisant pour briser l’omerta par rapport à de telles problématiques, tout en arrêtant de stigmatiser les vic- times et de faire plutôt preuve de solidarité et de soutien à leur égard.

La peine est portée au double si l’auteur de l’in- fraction est un collègue de travail ou une per- sonne en charge du main- tien de l’ordre et de la sécurité dans les espaces publics ou autres.

Et enfin, il ne faut pas oublier que la symbolique de l’université, espace structuré où en principe on forge les générations de demain et on permet aux jeunes de prendre leur envol, et à la place, on peut tirer

profit d’une situation de précarité ou de faiblesse, a rendu ce phénomène dénoncé et décrié encore plus condamnable. Cela rappelle aussi que c'est aussi une question d'éducation. Maintenant, il faut éviter les déboires d’un excès ou l’instrumentalisa- tion des situations. F.N.H. : La loi 103-13 sur la violence faite aux femmes incrimine désor- mais certains actes considérés comme des formes de harcèlement, d'agression, d'exploitation sexuelle ou de mauvais traitements. Que prévoit cette nouvelle loi et a-t-elle évolué depuis sa promulgation ? N. R. : La loi n° 103-13 relative à la lutte contre les violences a eu pour mérite de définir des infractions qui échappaient aux sanctions, puisqu’elles n’étaient pas défi- nies comme l’exige le principe pénal de la légalité des délits et des peines en latin « Nullum crimen, nulla pœna sine lege ». Autrement dit, il n'y a aucun crime, aucune peine, sans loi». Aujourd’hui, la violence est abordée dans toutes ses manifestations, qu’elles soient corporelle, sexuelle, psychologique ou encore économique, de façon à condam- ner tout acte, abstention, négligence cor- respondant à une infraction définie par la loi. Il convient de rappeler que la loi 103-13 visait à prévenir, protéger, sanctionner et accompagner. Certains de ces objectifs doivent aujourd’hui être revus et actualisés à la lumière de l’évolution de la société et au regard des difficultés d’application, notamment par rapport à la question de la preuve pour permettre aux différents méca- nismes mis en place, comme les cellules de veille contre le harcèlement ou encore les cellules de protection des femmes victimes de violence, de jouer pleinement leur rôle, tel qu'il est prévu par la loi 103-13 et le décret n° 2.18.856 relatifs à la lutte contre la violence à l’égard des femmes. ◆

tique de la preuve est l’un des obstacles à franchir une fois le silence brisé. Dans ce cadre, il faut rappeler que par application des dispositions de l’article 286 du code de procédure pénale, «les infractions peuvent être établies par tout mode de preuves, hors le cas où la loi en dispose autrement, et le juge décide d’après son intime convic- tion». Il en ressort que la preuve est libre en la matière, dans le sens où la victime d’un harcèlement peut en apporter la preuve par tous les moyens (témoignages, enregistre- ments, aveux, etc.) de façon à permettre au parquet d’enclencher l’action publique en cas de plainte ou saisine d’office et au juge de former son intime conviction au- delà de tout doute raisonnable. C’est une façon aussi de préserver les garanties d’un procès juste et équitable et de garantir la présomption d’innocence. F.N.H. : D’autres lois sont-elles pré- vues dans le Royaume pour régir le harcèlement sexuel ? N. R. : Il ne faut pas oublier qu’avant la modification des dispositions du code pénal marocain par l'adoption de la loi n°103-13 relative à la lutte contre les vio- lences faites aux femmes, le législateur marocain sanctionnait déjà le harcèlement sexuel en milieu de travail, et ce depuis l’entrée en vigueur du code du travail maro- cain le 8 mai 2004. A cet effet, l’article 40 du Code du travail considère comme faute grave commise par

l'employeur à l’encontre du salarié et qu’il serait assimilé à un licenciement abusif, le fait pour le salarié de quitter son travail en raison d’un harcèlement sexuel, lorsqu'il est établi que l'employeur a commis une telle faute. Maintenant, il est temps, compte tenu des retours d’expérience, de la jurisprudence en la matière et des meilleures pratiques dans le domaine, de compléter et/ou peau- finer la rédaction de certains textes de loi afin de condamner ce phénomène dans toutes ses manifestations, et non seule- ment sexuelles. F.N.H. : Le scandale sexuel qui a secoué les bancs universitaires de Settat n’est que l’arbre qui cache la forêt. Ce phénomène existe longtemps. Pourtant, les premières dénonciations remontent à 2016 et 2020. Concrètement, qu’est-ce qui a permis l’éclatement de cette affaire au grand jour ? N. R. : Les derniers événements qui ont défrayé la chronique viennent à une époque où, d’abord, la parole est facilitée du fait de l’aisance d’accès à certaines tribunes de plus en plus agiles (réseaux sociaux) qui permettent de sensibiliser et d’engager l’opinion publique. Le contexte épidémio- logique et des restrictions sanitaires y contribuent aussi dans la mesure où on assiste aujourd'hui à des sit-in digitaux… Ensuite, la société marocaine est arrivée aujourd’hui à un niveau de «maturité» suf-

Le Maroc a procédé à la mise à niveau de la législa- tion nationale en modifiant le code pénal marocain par l'adoption de la loi n° 103- 13 relative à la lutte contre les violences faites aux femmes.

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