01-2017 F

Nouer des liens, dénouer la peur

Après avoir passé 18 ans auCameroun,Vreni Kohli a dû être évacuée à cause du danger croissant de Boko Haram. Elle a trouvé un nouveau travail en Suisse parmi les réfugiés. Son expérience de l'Afrique lui est toujours utile. C'est mercredi et je suis en route pour me rendre au club d'enfants près du Pont Vert avec deux collabo- rateurs, des hommes grands et forts. Au poste de police, dont le nombre s’est désormais multiplié, on nous arrête: «Où allez-vous?» – «Au club d'enfants pour raconter des histoires de Jésus!» – «C'est très bien; priez pour nous!» Et ils nous font signe de pas- ser. Je demande à mes compagnons: «pourquoi la police nous a-t-elle arrêtés?» «Parce que tu roulais un peu vite», me dit l'un d'eux avec un clin d'oeil, et il ajoute: «si nous avions voulu t'enlever, tu aurais eu alors l'occasion de parler!» – «Et si vous m’aviez forcée de passer tout droit?» – «Ils auraient alors immédia- tement alarmé la ville toute entière!» Les choses en étaient dont maintenant arrivées là! «Je prends soin de toi!» - Aussi en Suisse! A l'époque, les enlèvements d'Européens étaient de- venus plus fréquents et géographiquement plus pro- ches. L'enlèvement de dix ingénieurs civils chinois a fait déborder le vase; le gouvernement du Cameroun a déclaré la guerre à Boko Haram et le DFAE a pous- sé SAM global à évacuer tous les collaborateurs. J'ai été très heureuse de cette décision, après la tension croissante et les nuits agitées. Mais c'était doulou- reux d'abandonner le Nord-Cameroun et mes amis dans toutes ces difficultés. Durant ma dernière semaine au Cameroun, j'ai reçu un courriel d'un ancien collaborateur de VIA: «Si tu cherches un travail en Suisse, pense à MEOS!» Pour moi, c'était comme si Dieu me tendait la main en di- sant: «Je prends soin de toi!» Cette impression était si forte que je n'ai pas eu besoin de réfléchir long- temps, d'autant plus que SAM global approuvait cet engagement et que MEOS m’accueillait très cordiale- ment dans «sa famille».

Les expériences faites au Cameroun me sont une aide Dès le début, je n’ai eu aucune crainte dans mon tra- vail parmi les réfugiés, qu’ils soient chrétiens ou musul- mans, parce que j'avais été moi-même une étrangère pendant 18 ans au Cameroun! Je n'avais pas oublié comment on se sent au début: Tout est différent, même les oiseaux chantent autrement, et l’on nage en pleine insécurité. Combien cela fait du bien de se voir adresser un sourire bienveillant! Il y a quand-même eu des cho- ses qui m’ont donné du fil retordre. Face à des étran- gers qui me semblaient arrogants, j'ai parfois perçu en moi des sentiments de rejet. J’ai aussi dû m’habituer au voile strict des femmes musulmanes, qui l’étaient souvent bien plus qu’au Cameroun. J’ai bien vite dé- couvert «parmi elles» des femmes chaleureuses, dont bon nombre ont suivi la méditation biblique qui sui- vait la leçon d’allemand. Et dans tous mes contacts, j’ai constaté ceci: lorsque l’on construit une relation avec quelqu’un, que l’on s’intéresse à lui, les préjugés et les craintes s’estompent bien vite. Cela est vrai partout, aussi bien au Cameroun qu'en Suisse – et je ne peux que le recommander à tout le monde! Ne pas renoncer à son identité Etre prêts à s’engager avec les étrangers nous enrichit. Mais je suis persuadée qu'en agissant ainsi, nous ne de- vons pas renoncer à notre propre identité. J’ai pu en faire l’expérience à l’occasion du 1er août 2016, lorsque nous avons célébré notre fête nationale avec des chré- tiens et des musulmans de quatre pays différents. Ils se sont réjouis avec nous de cette journée et ils étaient tous recueillis lorsque nous avons chanté l'hymne na- tional et remercié Dieu au nom de Jésus pour la Suisse, la liberté et la paix!

Vreni KOHLI, ancienne collaboratrice au Cameroun

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