Découvrez le numéro 981 de Finances News Hebdo, premier hebdomadaire de l'information financière au Maroc
Sonasid : Le sidérurgiste renforce sa présence mondiale Cartier Saada : Un modèle d’exportation agroalimentaire Made in Morocco Mutandis : Une présence internationale stratégiquement renforcée Dari Couspate : Ambassadeur des saveurs marocaines sur cinq continents
CONJONCTURE Les voyants économiques au vert 6 EXPORT
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FINANCES NEWS HEBDO [ HORS-SÉRIE N°49 ]
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Commerce extérieur : Le Maroc redé fi nit ses routes commerciales Commerce extérieur : Où se cache vraiment le potentiel de croissance ? Entretien avec Omar Hejira : Feuille de route, «Le monde attend ce que le Maroc a de meilleur à offrir» Balance commerciale : Où en est-on ? Echanges commerciaux : Cap vers l’Afrique Débouchés à l’international : Le Maroc à l’assaut des marchés américains et asiatiques Entretien avec Dr Mohamed Benchekroun : Commerce extérieur, «Un secteur fortement in fl uencé par des variables économiques externes» Digitalisation : Comment le numérique ouvre les portes du monde Tamwilcom : Un dispositif musclé pour les exportateurs Financement : Tour d’horizon des solutions bancaires Assurance-crédit : Le fi let stratégique de l’export marocain Entretien avec Stéphane Rutili : Assurance-crédit, Comment Allianz Trade sécurise les ambitions marocaines à l’international Taux de change, matières premières et politiques monétaires : Pressions croisées sur les exportations marocaines Coûts logistiques : La clé d’une compétitivité durable pour le Maroc Entreposage : Maillon décisif de la compétitivité logistique Exportations vertes : Pas le choix que de verdir Accords de libre-échange : Une équation à rééquilibrer Entretien avec Tahiri Said Mohammed : Accords de libre- échange, «Le bilan est contrasté pour le Maroc» Aéronautique : À pleine altitude malgré les vents contraires Entretien avec Adil Jalali : Exportations – Innovation – Digitalisation, Les priorités du Gimas pour l’aéronautique marocaine Phosphates : Le Maroc muscle sa stratégie industrielle Industrie automobile : Le secteur ambitionne de doubler ses exportations en 5 ans Agroalimentaire : Moteur de croissance et levier d’exportation Champions marocains : Ces industriels qui conquièrent les marchés mondiaux OCP : Locomotive des exportations marocaines et partenaire clé du codéveloppement africain Cosumar : Champion exportateur de sucre à la conquête des marchés mondiaux
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COOPÉRATION
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Entretien avec Patricia Llombart Cussac : Maroc – UE, «Nous avons choisi de faire de notre relation un partenariat de référence» 86 PAIEMENT MULTICANAL Entretien avec Rachid Saihi : Fatourati, La plateforme marocaine qui transforme les encaissements des factures 90 TÉLÉCOMS Infrastructures : Vers un modèle plus mutualisé, digital et inclusif 94 OFFSHORING Externalisation de sevices : Changer d’échelle sans perdre le cap 96 AUTOMOBILE Volkswagen Touareg R-Line : L’allié haut de gamme des chefs d’entreprise 98 INFRASTRUCTURES DE BASE Casablanca-Settat : La SRM mobilise de gros investissements pour accompagner le développement de la Région 100
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POLITIQUE
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Entretien avec Nabil Benabdellah : Gouvernement, «L’Etat social est un slogan trompeur»
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E DITORIAL
Export
Changement de paradigme
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xporter autrement. Deux mots simples, mais une petite révolution pour un Etat qui, pendant long- temps, s’est contenté
connectée. Ajoutez à cela un guichet unique digital, des bureaux dans les 12 régions, une assurance publique pour couvrir les marchés à risques… On passe donc à une autre échelle. Mais ce serait une erreur de croire que l’affaire est purement logistique. Ce qui est visé, c’est également la montée en gamme. Car le Maroc exporte, oui, mais il exporte encore trop de produits à faible valeur ajoutée. Il lui faut désormais bâtir des filières complètes, compé- titives et capables de répondre à la demande mondiale. Cela suppose de repenser les chaînes de valeur et d’encourager l’innovation afin de faire des produits marocains des réfé- rences, et non des alternatives low cost. Le chantier est vaste. Ce changement de para- digme appelle aussi à relire nos accords de libre-échange avec un œil plus lucide. Il faudra en revoir certains, trop généreux pour être honnêtes. L’ouverture a eu ses vertus, mais elle a aussi creusé des déséquilibres. L’exemple de l’accord avec les Etats-Unis est parlant : plus d’1,8 milliard de dollars de déficit commercial. Il faudra aussi repenser la présence marocaine en Afrique, encore timide malgré le discours politique. Et investir sérieusement dans la logistique, la formation et la diplomatie écono- mique. Mais l’essentiel est là : le Maroc ne veut plus être ce pays qui envoie des tomates en vrac à Paris et à Rotterdam. Il veut devenir celui qui sait vendre du savoir-faire et des produits à haute valeur ajoutée. Reste donc à espérer que cette stratégie ne res- tera pas une belle vitrine de plus.
d’exporter plus à travers une sorte de pilotage automatique du commerce extérieur, avec ses destinations européennes toutes tracées et ses zones d’ombre volontairement ignorées. Mais voilà, le Maroc a décidé de revoir radica- lement sa trajectoire. Non pas pour tout jeter, mais pour faire mieux. Avec sa feuille de route 2025-2027, le Royaume tourne la page de l’ex- portation de masse mal répartie, pour écrire celle d’une diplomatie économique plus agile et plus inclusive. Le plan est ambitieux. 84 milliards de dirhams d’exportations additionnelles, 76.000 emplois et une base de 400 nouveaux exportateurs à faire émerger chaque année. Mais au-delà des chiffres, c’est une vision qui se dessine. Une vision où l’export n’est plus réservé à quelques mastodontes industriels installés entre Tanger et El Jadida, mais devient un levier de croissance pour les territoires enclavés, les artisans et les PME. Pour y parvenir, il fallait des outils concrets, mais surtout utiles. C’est sous cet angle qu’il faut apprécier la création de TijarIA. Une pla- teforme intelligente, pensée pour guider les entreprises dans le maquis réglementaire, les orienter vers les bons marchés, leur offrir des données, des contacts et des réponses. Avec cette plateforme, on promet aux entrepreneurs marocains de transformer le parcours du combattant à l’export en simple «promenade»
Fatima OURIAGHLI
Avec sa feuille de route 2025-2027, le Royaume tourne la page de l’exportation de masse mal répartie, pour écrire celle d’une diplomatie économique plus agile et plus inclusive.
D ÉPARTEMENT COMMERCIAL Rania BENCHAIB - Samira LAKBIRI
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A DRESSE 83, Bd El Massira El Khadra, Casablanca Tél (0522) 98.41.64/66. Fax : (0522) 98.40.22 Site web : www.fnh.ma S.A.R.L. au capital de 5 000 000,00 DH C.N.S.S. 600 50 62 - I.F. 1022303 R.C. 94079 - Patente : 35770001 ICE : 001526693000021
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D ISTRIBUTION SOCHEPRESS
M ISE EN PAGE Zakaria BELADAL
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C ONJONCTURE
Les voyants économiques au vert
Si elle n’échappe pas aux tensions géopolitiques et aux incertitudes commerciales internationales, l’économie marocaine semble néanmoins s’inscrire dans une dynamique positive. C’est ce que laisse entrevoir la dernière réunion du Conseil de Bank Al-Maghrib, tenue le 24 juin 2025, qui confirme une tendance de fond : la reprise se consolide, l’inflation reflue et les principaux moteurs internes reprennent de la vigueur.
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de bonnes performances écono- miques dans plusieurs domaines clés. Il parvient à se détacher par- tiellement de l’inertie globale, grâce à des fondamentaux plus solides, une politique budgétaire proactive, une stratégie d’inves- tissement ciblée et à un retour de confiance des acteurs écono- miques. Croissance, inflation, finances publiques : des moteurs qui repartent La première bonne nouvelle concerne la croissance. Après une année 2024 mieux orientée qu’es- comptée avec 3,8% de progression du PIB, selon le haut-commissa- riat au Plan, la croissance écono- mique devrait nettement accélérer en 2025 pour atteindre 4,6%, avant de se stabiliser autour de 4,4% en 2026. Cette dynamique s’explique par la reprise simultanée des deux grands moteurs de l’économie marocaine : l’agriculture et les activités non agricoles. Du côté agricole, la récolte céréa- lière, estimée à 44 millions de quintaux pour 2025, permettrait à
e contexte international reste, il est vrai, particuliè- rement instable. La crois- sance mondiale ralentit,
la valeur ajoutée du secteur de pro- gresser de 5%. Une performance modeste mais salutaire, après plu- sieurs années marquées par les effets prolongés de la sécheresse. En 2026, sous l’hypothèse d’une production céréalière moyenne (50 millions de quintaux), l’activité agricole devrait croître de 3,2%. Ce redressement, bien que fragile, offre une bouffée d’oxygène au monde rural. Mais c’est surtout dans les secteurs non agricoles que l’élan est per- ceptible. Bank Al-Maghrib table sur une croissance de 4,5% en 2025 comme en 2026 pour ces activités, portée par un sursaut d’investisse- ment dans les infrastructures. Le Maroc, qui se prépare à accueillir la Coupe d’Afrique des Nations en 2025 et co-organisera la Coupe du monde de football en 2030, a enclenché une série de grands chantiers : routes, lignes ferro- viaires, installations sportives, équipements urbains… L’effet
sous l’effet des tensions commer- ciales relancées par l’administra- tion américaine, des conflits pro- longés en Ukraine et au Moyen- Orient et de la guerre ouverte entre Israël et l’Iran. Ces incertitudes pèsent sur les chaînes d’approvi- sionnement, les prix de l’énergie et les prévisions d’investissement. Dans ce contexte, la Banque cen- trale prévoit un recul de la crois- sance mondiale à 2,8% en 2025, après 3,2% en 2024, puis une nou- velle baisse à 2,6% en 2026. Les grandes économies avancées, notamment les Etats-Unis et la zone Euro, ne font pas exception à cette tendance. Mais le Maroc, sans faire abstrac- tion de ce climat pesant, affiche
La croissance économique devrait nettement accélérer en 2025 pour atteindre 4,6%, avant de se stabiliser autour de 4,4% en 2026. La cro nette tteind
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pectives restent entourées de fortes incertitudes liées notamment, au plan externe, aux politiques com- merciales et aux implications des conflits et des tensions géopolitiques et, au niveau interne, à l’évolution de l’offre des produits agricoles». Les anticipations d’inflation du secteur financier sont elles aussi modérées : 2,3% en moyenne à l’horizon de 8 trimestres, 2,5% à 12 trimestres. Ce contexte permet à la Banque centrale de garder son cap sans brusquer les marchés, d’où la décision de maintenir le taux directeur inchangé à 2,25%. Un choix dicté par l’équilibre délicat entre soutien à l’activité et maîtrise de la stabilité des prix. Depuis le début du cycle d’assouplissement engagé en juin 2024, les taux débi- du ngagé en da uin 2024
d’entraînement sur les BTP, les services, le commerce et l’industrie est déjà visible. A cela s’ajoutent les efforts structurels liés à la tran- sition climatique, la digitalisation et la montée en gamme de l’éco- nomie, qui commencent à porter leurs fruits. L’autre élément clé du tableau est l’inflation. Après des pics atteints en 2022 et 2023, la hausse des prix est désormais contenue. De 2% en moyenne au premier trimestre 2025, l’inflation est tombée à 0,7% en avril, puis à 0,4% en mai, selon BAM, qui attribue ce reflux princi- palement à la baisse des prix ali- mentaires, en particulier ceux des viandes fraîches. Pour l’ensemble de l’année, l’in- flation devrait s’établir autour d’une moyenne de 1%, avant un léger rebond à 1,8% en 2026. Le fait que l’inflation sous-jacente suive la même trajectoire témoigne d’une tendance de fond. BAM précise cependant que «ces pers-
teurs appliqués aux crédits ont diminué de 45 points de base, ce qui commence à stimuler le finan- cement, notamment au profit des TPME. La Banque centrale reste cependant vigilante et fondera ses décisions futures, réunion par réunion, sur les données les plus récentes. Par ailleurs, les comptes exté- rieurs confirment, eux aussi, cette embellie relative. Les exportations devraient progresser de 5,1% en 2025 et de 9% en 2026, avec une forte contribution des phosphates et de leurs dérivés, qui attein- draient 106,7 milliards de dirhams à l’horizon 2026. Les ventes du secteur automobile devraient stagner cette année, pénalisées par un marché euro- péen en repli, mais reprendraient de la vigueur dès l’an prochain pour s’établir à 188 Mds de DH. En parallèle, les importations aug- menteraient au même rythme
La récolte céréalière, estimée à 44 millions de quintaux pour 2025, permettrait à la valeur ajoutée du secteur de progresser de 5%.
Pour l’ensemble de l’année, l’inflation devrait s’établir autour d’une moyenne de 1%, avant un léger rebond à 1,8% en 2026. P dev de our l’en vrait s’ét %, ava
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lioration du recouvrement fiscal et de l’activité économique. Les dépenses globales ont, elles aussi, progressé de 23,6%, mais cette hausse est liée à l’accélération aussi bien des dépenses ordinaires que celles au titre de l’investisse- ment. En cela, le déficit budgé- taire, hors produit de cession des participations de l’Etat, devrait, selon les projections de Bank Al-Maghrib, se maintenir à 3,9% du PIB en 2025, avant de s’alléger à 3,4% en 2026. Au vu de l’ensemble des indi- cateurs, l’économie marocaine entre clairement dans une phase de redressement. Cette reprise ne repose pas sur des effets conjonc- turels passagers, mais sur une dynamique structurelle fondée sur l’investissement, la modéra- tion des prix, le soutien au crédit et la modernisation de l’appareil productif... Elle traduit également les efforts consentis par les pou- voirs publics pour anticiper les mutations mondiales et préparer l’économie à de nouveaux défis : changement climatique, transition énergétique, digitalisation, com- pétitivité industrielle et sécurité alimentaire.
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secteur non financier connaît une nette reprise : +6% attendus en 2025 et en 2026 contre seulement 2,7% en moyenne les deux années précédentes. Les finances publiques accom- pagnent ce mouvement. Les recettes ordinaires, en hausse de 17% sur les quatre premiers mois de l’année, traduisent une amé-
(5,1% cette année et 7% en 2026), portées par la demande en biens d’équipement et matériaux néces- saires aux grands chantiers. La facture énergétique, quant à elle, poursuivrait son allègement pour s’établir à 96 Mds de DH en 2026. De son côté, le secteur touristique poursuit sa remontée spectacu- laire, avec des recettes voyages qui devraient culminer à 128,4 milliards de dirhams en 2026. Les transferts des Marocains résidant à l’étranger, en revanche, montrent un repli temporaire, mais devraient retrouver une pente ascendante à partir de l’an prochain (121 mil- liards de dirhams prévus en 2026). Résultat : un déficit courant maîtri- sé, autour de 2% du PIB en 2025 et 2026, des investissements directs étrangers en hausse (3,5% du PIB en 2026) et des réserves internatio- nales renforcées (407 Mds de DH à fin 2025, puis 423,7 Mds de DH fin 2026) avoisinant l’équivalent de 5,5 mois d’importations de biens et services. Concernant les conditions moné- taires, elles restent sous tension, avec un déficit de liquidité ban- caire qui devrait s’alléger à 122,5 milliards de dirhams fin 2025, avant de se creuser de nouveau en 2026 (140 milliards de DH). Toutefois, le crédit bancaire au
Les investissements massifs dans les infrastructures devraient doper les secteurs non agricoles, avec une croissance attendue de 4,5% en 2025 et en 2026.
Chômage : L’ombre au tableau économique
Malgré une reprise vigoureuse attendue en 2025, le marché de l’emploi reste atone. Le chômage, notamment chez les jeunes, reste un défi majeur pour l’économie nationale. Entre le premier trimestre 2024 et celui de 2025, le taux de chômage est passé de 13,7 à 13,3%. Un recul symbolique, insuffisant pour masquer la réalité du terrain : plus de 1,6 million de Marocains sont toujours à la recherche d’un emploi. Et chez les jeunes de 15 à 24 ans, la situation est carrément pré- occupante : près de 4 sur 10 sont sans activité professionnelle. Le taux de chômage dans cette tranche d’âge atteint en effet 37,7%, un niveau parmi les plus élevés du continent. Cette situation s’explique en partie par un décalage structurel entre les dynamiques de croissance et le marché de l’emploi. En 2025, l’économie marocaine devrait progresser de 4,6% au lieu des 3,9% initialement prévus, portée par une reprise du secteur agricole et un regain d’activité dans les secteurs non agricoles, stimulés notamment par les investissements liés à la LGV, à la CAN 2025 et à la Coupe du monde 2030. Pour autant, cette croissance peine à se traduire par une amélioration significative de l’emploi. En cause : la faible capacité du tissu productif à absorber les nouveaux arrivants sur le marché du travail. Parallèlement, le sous-emploi gagne du terrain, passant de 10,3 à 11,8% en un an. Conscient de l’urgence, le gouvernement a présenté récemment une nouvelle feuille de route pour l’emploi, censée apporter des réponses plus structurées à la problématique endémique du chômage. L’approche, désormais articulée autour de l’équilibre entre l’offre de formation et la demande des entreprises, vise à mieux adapter les compétences aux besoins réels du marché. Pour cela, 15 milliards de dirhams seront mobilisés afin de soutenir les PME, encourager l’auto-emploi et renforcer les passe- relles entre formation et insertion professionnelle. L’ANAPEC, qui joue un rôle central dans ce dispositif, est appelée à se moderniser pour devenir un véritable levier d’insertion professionnelle.
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E XPORT
e Maroc a élaboré une stratégie du com- merce extérieur très ambitieuse, couvrant L Le Royaume ne veut plus seulement exporter plus, mais exporter autrement. Des marchés diversifiés, plus de valeur ajoutée, une logistique repensée et un soutien numérique aux PME : la stratégie du commerce extérieur 2025-2027 marque un véritable tournant pour le pays, bien décidé à faire de l’export le moteur de sa transformation économique. Le Maroc redé fi nit ses routes commerciales Commerce extérieur
couples produit/marché, associée à une vaste concertation nationale ayant impliqué toutes les régions du Royaume et l’ensemble des parties prenantes (fédérations, associations, entreprises…) », explique Omar Hejira, secrétaire d’Etat chargé du Commerce extérieur. En somme, le Maroc ne veut plus seulement exporter plus. Il veut exporter autrement. «La nouvelle feuille de route du commerce exté- rieur 2025-2027 marque un véritable tournant stratégique pour le Maroc. Elaborée à l’issue d’un vaste proces- sus de concertation avec les acteurs économiques, elle repose sur une approche intégrée, participative et pragmatique pour relever trois défis majeurs : diversifier les marchés, élargir la base exportatrice et créer des emplois», analyse Mohamed Benchekroun, professeur et écono- miste. Pour y parvenir, le plan ne manque pas de leviers : ciblage de 22 pays à fort potentiel, 200 produits à valeur ajoutée, création d’un guichet digi- tal «One Stop Store Export» , généra- lisation des offices régionaux de sou- tien à l’export, assurance publique à l’export pour les marchés risqués et plateformes numériques comme TijarIA et Trade.ma. Le projet TijarIA, présenté comme
le premier guichet unique digital du commerce extérieur marocain, promet d’être un véritable GPS pour les PME souvent perdues dans la jungle réglementaire. Consultation des droits de douane, réponses personnalisées, fiches marché… Tout est centralisé. C’était néces- saire. Car pendant que les grandes entreprises surfent sur la vague, les petites rament encore, faute d’infor- mations claires, d’accès au finance- ment ou de partenaires logistiques fiables. Mais naviguer ne suffit pas. Encore faut-il maîtriser les courants. Le Maroc est aujourd’hui trop dépen- dant de l’Europe, qui absorbe près de 70% de ses exportations. D’où la volonté affichée de s’ouvrir vers l’Afrique, le Moyen-Orient, l’Amé- rique latine, voire des contrées plus exotiques comme l’Asie du Sud-Est. Un vrai virage. Le défi de la valeur ajoutée Le défi est connu. Le Maroc exporte beaucoup, mais souvent des pro- duits à faible valeur ajoutée. Il a encore du mal à bâtir des filières complètes, résilientes et compéti- tives. «L’enjeu n’est pas seulement d’exporter plus, mais d’exporter mieux, d’exporter plus intelligem- ment, avec des produits porteurs,
la période 2025-2027, avec trois mots d’ordre : diversifier, moderni- ser et exporter. Les objectifs affichés sont clairs : 84 milliards de dirhams d’exporta- tions additionnelles, 76.000 emplois à créer et 400 nouveaux exporta- teurs chaque année. Mais au-delà des chiffres, c’est une véritable phi- losophie de l’export que l’Etat veut infuser dans le tissu économique. Fini les exportations concentrées entre Tanger et El Jadida, dominées par six secteurs et dépendantes de l’Europe. L’heure est à la reconfi- guration géographique, à la montée en gamme et à une vraie inclusion territoriale et sectorielle. «La stratégie repose sur une approche basée sur un diagnostic approfondi et actualisé. En effet, une étude ana- lytique fine a été menée sur plus de 170 marchés internationaux et 1.200
L’heure est à la reconfiguration géographique, à la montée en gamme et à une vraie inclusion territoriale et sectorielle.
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créateurs de valeur et adaptés à la demande mondiale. L’enjeu est aussi de proposer des produits et services avec une réelle valeur ajoutée, répon- dant aux besoins réels des 22 pays visés, notamment en Afrique, en Europe ou en Asie» , précise l’écono- miste Tahiri Said Mohammed. Cette approche invite aussi à réé- valuer les outils traditionnels. Les accords de libre-échange (ALE) ont permis d’ouvrir des marchés, d’attirer des IDE et de muscler cer- taines filières (automobile, aéro- nautique, phosphates…). Mais ils ont aussi creusé le déficit commer- cial. L’exemple de l’accord avec les Etats-Unis est édifiant : le déficit avec Washington atteint 1,8 milliard de dollars en 2023. Alors, que faire ? Renégocier ? Durcir les clauses de sauvegarde ? Miser sur la montée en gamme pour éviter la concurrence frontale ? La question reste ouverte, mais l’idée générale est claire : il devient indispensable pour le Maroc de reconsidérer ses enga- gements commerciaux à l’aune de la solidité de l’appareil productif. Omar Hejira ne dit pas autre chose. Selon lui, «dans un contexte mondial mar- qué par des mutations économiques, sanitaires et géopolitiques profondes, il est de notre responsabilité, en tant que gouvernement, de réévaluer l’état
d’avancement de ces accords et de promouvoir une nouvelle génération d’accords plus équilibrés, au service de l’économie nationale» . Et d’ajou- ter que «c’est dans cette optique que le Royaume a entamé, avec certains partenaires, un processus de rééva- luation. C’est notamment le cas de l’Accord de libre-échange avec la Turquie». Dans le même esprit, la question africaine s’impose avec acuité. Dans les discours officiels, l’Afrique est partout. Dans les statistiques, elle est encore trop peu visible : moins de 10% des exportations marocaines. Pourtant, le potentiel est réel. Encore faut-il surmonter les obstacles logis- tiques, les barrières réglementaires et, surtout, les incertitudes poli- tiques. La ligne maritime Agadir- Dakar, l’extension des hubs comme Tanger Med et la ZLECAf sont autant de pistes à explorer. Mais ce sera un marathon, pas un sprint. Et cela passera par la mise en œuvre de réformes structurelles solides.
En effet, le Maroc a beaucoup investi dans ses ports, aéroports et zones franches… Mais il reste pénalisé par une pénurie chro- nique de compétences techniques dans les régions les moins indus- trialisées, une dépendance aux armateurs étrangers, une flotte maritime nationale atrophiée et des coûts logistiques élevés. C’est pourquoi d’ailleurs l’Etat a identi- fié, grâce à la Stratégie nationale de développement de la compétitivité logistique, le besoin de développer un réseau national intégré de zones logistiques à travers les 12 régions du Royaume sur une superficie glo- bale d’environ 3.300 ha à l’hori- zon 2030. En définitive, le commerce exté- rieur est appelé à devenir le cœur battant de la stratégie économique du Royaume. Car l’export ne peut réussir sans une politique indus- trielle cohérente, un soutien ban- caire adapté, un environnement réglementaire stable et une diplo- matie économique proactive. Autrement dit : il ne suffit pas de lever l’ancre. Encore faut-il savoir où l’on va. Raison pour laquelle il ne faut pas laisser le gouvernail à ceux qui pensent que l’export, c’est simplement envoyer des tomates en Europe et des jellabas à Dakar.
Le Maroc se fixe un nouveau cap pour faire de l’exporta- tion un véritable levier de croissance inclusive et durable.
TijarIA, présenté comme le premier guichet unique digital du commerce extérieur marocain, promet d’être un véritable GPS pour les PME souvent perdues dans la jungle réglementaire.
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Commerce extérieur
Où se cache vraiment le potentiel de croissance ?
cules, ce n’est pas forcément exporter de la richesse si 60 à 70% des composants sont importés» , avertit Tahiri. «Le défi, c’est de localiser davantage les chaînes d’approvisionnement, y compris sur les pièces critiques ou stratégiques» , explique-t-il. Même constat pour l’aéronautique où le Maroc s’est positionné comme sous- traitant qualifié, avec un taux d’inté- gration locale de 43%, mais sans maî- trise technologique sur les produits de plus forte valeur. Des gisements encore peu exploités Dans sa feuille de route, le gouverne- ment évoque la mobilisation de «200 produits à fort potentiel», sans en divul- guer la liste complète. Mais certaines filières commencent d’ores et déjà à émerger comme des candidates cré- dibles à la croissance exportatrice. C’est le cas, notamment, de l’agro-industrie transformée. Le Maroc exporte depuis longtemps des produits bruts (fruits, légumes, huile d’olive), mais peine à franchir le cap de la transformation industrielle, là où réside pourtant la vraie valeur ajoutée. Pour notre expert, le développement de gammes certi- fiées bio, halal ou prêtes à consommer représente un axe stratégique, en par- ticulier pour répondre à la demande croissante des diasporas africaines et européennes, de plus en plus sensibles à la qualité et à la traçabilité. La chimie, et plus largement la para- chimie, offre un autre levier encore sous-exploité. Si les phosphates conti- nuent de dominer les exportations, la diversification vers des produits spécia- lisés comme les engrais techniques ou les molécules pharmaceutiques reste embryonnaire. Ici, le Maroc dispose d’un avantage en matière première, mais l’appareil industriel peine à suivre sur les segments à forte valeur scienti-
Les exportations marocaines ont doublé en dix ans, mais tournent toujours autour des mêmes pôles, des mêmes marchés et des mêmes produits. À l’heure d’une nouvelle feuille de route, le pays cherche à élargir sa gamme de potentiel exportable. À quoi correspond ce potentiel ? Quels secteurs et quels produits peuvent véritablement porter la croissance future des exportations marocaines ?
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l’exportation complexe» , nous explique Hafid Tahiri, économiste et consultant en commerce international. À ce jour, six filières captent 92% des exportations marocaines, notamment l’automobile, les phosphates, l’aéro- nautique, le textile, l’agriculture et l’électronique. Cette concentration traduit la structuration progressive de pôles industriels, mais elle représente aussi une vulnérabilité en cas de choc sectoriel. L’automobile, premier poste d’export du pays, a connu une crois- sance soutenue grâce aux implanta- tions de Renault et Stellantis. Mais la part de la valeur ajoutée locale reste encore trop faible. «Exporter des véhi-
e Maroc exporte plus que jamais. En 2024, les ventes à l’international ont franchi la barre des 455 milliards
de dirhams, contre 185 milliards en 2012. Pourtant, selon les estimations du ministère du Commerce extérieur, environ 120 milliards de dirhams de potentiel exportable restent encore inexploités. Une marge considérable, qui alimente l’ambition de la feuille de route 2025-2027 pour le commerce extérieur. «Le Maroc a terminé la phase de rattra- page industriel. Ce qui reste à aller cher- cher relève d’une transformation plus fine, plus qualitative. On entre dans
Avec sa nouvelle feuille de route, le Maroc entend élargir sa gamme exportable et activer de nouveaux relais de croissance.
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FINANCES NEWS HEBDO / HORS-SÉRIE N°49 12
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biens de spécialité, les niches B2B qui échappent à l’export grand public», explique-t-il. Pour lui, une politique de soutien à l’exportation réellement tournée vers la création de valeur ne peut faire l’économie d’un repérage fin de ces niches, ni d’une réflexion straté- gique sur les secteurs porteurs hors des sentiers battus.
à l’image du label Made in Morocco». La diversification souhaitée par le gou- vernement semble osciller entre deux logiques : d’un côté, l’élargissement de la base exportatrice à plus d’entre- prises; de l’autre, la montée en gamme sur les filières existantes. Or, ces deux ambitions ne requièrent pas les mêmes outils. «C’est là où le flou persiste : veut- on exporter davantage de produits clas- siques avec plus d’acteurs, ou veut-on pousser certains secteurs vers l’innova- tion et la spécialisation ? Les deux sont légitimes, mais il faut des choix cohé- rents» , estime-t-il. D’autant que les débouchés eux- mêmes évoluent. L’Europe reste le premier client, mais les normes y deviennent de plus en plus strictes. Les marchés africains offrent des volumes croissants, mais demandent des produits adaptés, avec moins de contraintes techniques mais davantage de flexibilité logistique et commerciale. Le Maroc a encore des cartes à jouer sur le terrain exportateur, à condition d’assumer une stratégie de transfor- mation de son offre. L’identification des produits à fort potentiel ne suffira pas si elle ne s’accompagne pas d’un investissement soutenu dans la capaci- té productive locale, la certification, la logistique, et surtout dans la formation du capital humain. Le potentiel existe donc. Il est sectoriel, mais aussi structurel. La feuille de route peut réussir à le révéler, à condition de comprendre que la croissance n’est plus une affaire de flux. Elle est deve- nue une affaire de contenu.
Le Maroc vise une nouvelle étape dans sa politique d’exportation : sortir de la dépendance de quelques filières dominantes et explorer de nouveaux secteurs à fort potentiel.
fique ou technologique. Le secteur du textile, quant à lui, tente une reconversion vers le haut de gamme. Le repositionnement vers des vêtements techniques ou des tissus recyclés, à plus forte intensité environ- nementale ou technologique, pourrait offrir un refuge face à la concurrence asiatique, qui domine le segment des produits à bas prix. Mais cette muta- tion reste encore marginale, portée par quelques industriels pionniers. Dans l’électronique, la production de composants et de capteurs, notam- ment pour l’industrie automobile ou les dispositifs de gestion de l’énergie, commence à émerger. Néanmoins, les capacités de production locales restent fragmentées et ne permettent pas encore de répondre à une demande internationale de masse. Le défi réside autant dans la consolidation de la filière que dans l’industrialisation à l’échelle. Enfin, les cosmétiques naturels à base d’argan, de figue de barbarie ou de plantes médicinales bénéficient d’une forte notoriété à l’international. Mais cette image ne s’est pas encore traduite en volumes exportés conséquents. Les chaînes de production sont encore majoritairement artisanales, peu nor- malisées, et rarement capables de fran- chir les exigences d’exportation vers les marchés à forte réglementation. «On a souvent tendance à chercher des relais de croissance là où l’on produit déjà» , constate Tahiri. « Or, le vrai gise- ment est parfois dans ce qu’on ne voit pas : les produits intermédiaires, les
Entre contrainte productive et arbitrage stratégique
Mais le potentiel ne dépend pas que des produits : il dépend surtout de la capacité du pays à les produire de façon compétitive, aux normes interna- tionales, et en quantités suffisantes. Or, c’est là où le bât blesse. De nombreuses PME n’ont pas les certifications néces- saires, ni les capacités d’investissement pour adapter leurs lignes de production aux exigences étrangères. L’écosystème industriel reste fragmenté, et les passe- relles entre R&D, production et logis- tique sont encore faibles. «Le Maroc a du potentiel, mais il lui faut des filières, pas seulement des usines» , résume notre interlocuteur, ajoutant que «ce qu’on attend d’un pays expor- tateur aujourd’hui, c’est une cohérence sectorielle. C’est-à-dire une offre lisible, stable, soutenue par une marque pays
Le vrai gisement est parfois dans ce qu’on ne voit pas, notamment les produits intermédiaires, les biens de spécialité, les niches B2B qui échappent à l’export grand public.
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produit/marché, associée à une vaste concertation nationale ayant impliqué toutes les régions du Royaume et l’en- semble des parties prenantes (fédéra- tions, associations, entreprises…). Dans cette feuille de route, nous nous sommes fixés des objectifs chif- frés clairs et ambitieux. Il s’agit tout d’abord de porter les exportations de 455 milliards de dirhams (2024) à plus de 540 milliards de dirhams à l’horizon 2027; recruter 400 nouveaux exportateurs, principalement des PME, pour élargir la base des exporta- teurs (actuellement ~6 000) et générer 76.000 emplois directs Au-delà de ces objectifs chiffrés, des instruments opérationnels et inno- vants seront mis en œuvre à travers, premièrement, un accompagnement sur mesure via la plateforme digi- tale «One Shop Store Export», per- mettant à chaque entreprise d’accé- der à un accompagnement adapté à ses besoins spécifiques. Aussi, des bureaux régionaux seront déployés pour assurer une proximité effective des services d’appui à l’export dans les 12 régions, favorisant ainsi la justice spatiale et la prise en compte des spé- cificités territoriales. En outre, la stra- tégie met l’accent sur la diversification des marchés et la résilience à travers la mise en place d’un dispositif public d’assurance à l’export pour couvrir des marchés émergents et à plus forte croissance (notamment en Afrique, Moyen-Orient, Amérique latine), là où le secteur privé n’intervenait pas en raison de l’absence d’assurance. Par ailleurs, la digitalisation et la sim- plification des procédures sont l’un des objectif phares de cette nouvelle stratégie. Les plateformes digitales interactives (Tijar-IA, Trade.ma) sont mises en place pour faciliter l’accès à l’information, la prospection B2B et la visibilité internationale de l’offre marocaine. Dans le même sillage, il sera procédé à la mise en place d’un guichet unique digital pour centraliser toutes les démarches liées à l’export. Enfin, et pour la première fois, des programmes spécifiques sont ou seront mis en place afin de permettre l’émergence de nouvelles filières exportatrices (produits numériques, industries culturelles, énergies renou- velables…).
Feuille de route
«Le monde attend ce que le Maroc a de meilleur à offrir» Le Maroc entend passer à la vitesse supérieure en matière de commerce extérieur. Fort d’une dynamique exportatrice soutenue ces dernières années, le Royaume se dote d’une nouvelle feuille de route ambitieuse pour la période 2025–2027. Objectifs : élargir la base des exportateurs, diversifier les marchés et hisser l’offre nationale au rang de référence à l’international. Dans cet entretien exclusif, Omar Hejira, secrétaire d’Etat chargé du Commerce extérieur, détaille les contours de cette stratégie, ses leviers d’action et l’ambition d’un Maroc résolument tourné vers l’international.
Finances News Hebdo : La feuille de route 2025– 2027 se veut ambitieuse. Qu’est-ce qui distingue cette stratégie des précédentes tentatives de développement du commerce extérieur ? Omar Hejira : Il est important de rappeler que le Maroc s’inscrit dans une dyna- mique positive, avec une augmenta- tion significative de ses exportations ces dix dernières années (+63% entre
2012 et 2018 et +49% entre 2018 et 2024). Néanmoins, des défis persistent, et c’est à cela que la feuille de route 2025-2027 s’attèle. La stratégie repose une approche basée sur un diagnostic approfondi et actua- lisé. En effet, une étude analytique fine a été menée sur plus de 170 mar- chés internationaux et 1.200 couples
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tunités, les exigences réglementaires et les réseaux de distribution. Quant à Trade.ma, elle est destinée à la promo- tion des produits. L’appui et l’accompagnement des exportateurs passent également par la mise en place d’un dispositif public d’assurance-crédit à l’export, couvrant les risques commerciaux et politiques, notamment vers les marchés non couverts par les sociétés d’assurance à l’export. De même, les entreprises exportatrices seront orientées vers les offres de financement dédiées à l’export, en lien avec l’AMDIE, les banques et les organismes partenaires. L’appui à la certification, à l’innovation et à la montée en gamme n’est pas en reste. Les entreprises bénéficieront de programmes d’aide pour l’obtention de certifications internationales, la confor- mité aux normes et l’adaptation des pro- duits aux marchés cibles. Elles auront en outre accès à des formations spécia- lisées et à des accompagnements pour l’innovation, le packaging, la logistique export et le marketing digital. Un autre volet de ce dispositif consiste
en la mutualisation et la structuration de l’offre export, à travers la création de Sociétés d’agrégation à l’export (SAE) qui permettent de mutualiser les res- sources, de structurer l’offre de PME et de faciliter leur accès collectif aux mar- chés difficiles d’accès individuellement. Il sera également question de favoriser la constitution de groupements expor- tateurs (clusters régionaux ou sectoriels) pour accéder à des chaînes de valeur internationales. F. N. H. : En quoi le dispositif d’assurance publique complémentaire à l’export est-il structurant pour l’ouverture de nouveaux marchés à risque ? O. H. : Le dispositif d’assurance publique complémentaire à l’export constitue une innovation majeure dans la stra- tégie de développement du commerce extérieur marocain. Il répond à un besoin concret : permettre aux entre- prises marocaines, notamment les PME, de s’aventurer sur de nouveaux mar- chés non couverts et présentant poten- tiellement plus de risques (notamment en Afrique, Moyen-Orient, Amérique latine), là où les assureurs privés sont peu présents ou proposent des couver- tures limitées et coûteuses. En quoi ce dispositif est-il structu- rant pour notre commerce ? D’abord parce qu’il lève un frein majeur à l’internationalisation. Sur les marchés
F. N. H. : L’objectif de créer 400 nouveaux exporta- teurs par an paraît ambitieux. Quels mécanismes d’accompagnement sont mis en place pour garantir la durabilité de ces nouvelles entreprises à l’inter- national ? O. H. : L’ambition d’intégrer 400 nouveaux exportateurs s’appuie sur un dispositif complet et novateur d’accompagne- ment, pensé pour sécuriser non seule- ment leur accès aux marchés extérieurs, mais aussi la pérennité de leur activité à l’export sur le long terme. Ce dispositif comprend un accompagne- ment personnalisé et territorial. Chaque entreprise bénéficie d’un parcours d’ac- compagnement sur-mesure, adapté à son secteur, sa taille, sa maturité export et sa localisation. Sur le plan territorial, des bureaux régionaux de commerce extérieur seront déployés dans les 12 régions du Royaume. Il s’agit de gui- chets de proximité permettant un suivi régulier, un diagnostic terrain et une réponse adaptée aux besoins locaux. Comme souligné plus haut, la digitali- sation et l’accès simplifié aux services est une priorité. Les exportateurs auront accès à la plateforme digitale One Shop Store Export qui est un guichet unique pour consulter, candidater, suivre et activer l’ensemble des programmes de soutien (études de marché, missions de prospection…). La plateforme Tijar-IA orientera les entreprises vers les oppor-
Le Maroc mise sur le renforcement de ses lignes maritimes pour fluidifier les exportations et mieux connecter
ses produits aux marchés mondiaux.
La plateforme Tijar-IA orientera les entreprises vers les opportunités, les exigences réglementaires et les réseaux de distribution.
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émergents ou à fort potentiel, les entre- prises marocaines hésitent souvent à exporter faute de solutions de couver- ture contre les risques commerciaux (non-paiement, insolvabilité) ou poli- tiques (blocage des transferts, instabi- lité…). Ce nouveau mécanisme offre une sécurité financière et psychologique qui encouragera les entreprises à ten- ter l’aventure de l’exportation dans ces zones. Ce dispositif permet aussi de mutualiser les risques et d’élargir la base exporta- trice. L’assurance publique intervient là où le privé ne va pas, partageant le risque avec l’entreprise et lui permettant de proposer des conditions de paiement attractives à ses clients étrangers, tout en se protégeant. Cela bénéficie particu- lièrement aux PME, qui n’ont ni la taille, ni l’historique, ni la solidité financière pour supporter seules de gros impayés ou aléas. En outre, le dispositif d’assurance publique complémentaire à l’export a un effet de levier sur les volumes expor- tés. Selon les analyses actuarielles, chaque Dirham mobilisé pour l’assu- rance-crédit à l’export peut générer jusqu’à 75 dirhams de chiffre d’affaires export supplémentaire : l’État a injecté 100 millions de dirhams pour permettre de couvrir potentiellement 7,5 mil- liards de dirhams de nouveaux contrats export. Ce levier financier est particulièrement structurant pour la montée en puis- sance de l’offre exportable nationale. Enfin, ce dispositif favorise la profes- sionnalisation et la montée en compé- tence des entreprises. En accédant à ce dispositif, les entreprises sont incitées à structurer leur approche commerciale (analyse du risque client, contractuali- sation, suivi, etc.), ce qui contribue à la diffusion d’une culture de gestion des risques à l’international. F. N. H. : La répartition géographique des exporta- teurs est très déséquilibrée. Comment comptez- vous renforcer l’ancrage régional du commerce extérieur, notamment dans les zones enclavées ? O. H. : Le déséquilibre régional dans la répartition des exportateurs marocains a longtemps constitué un frein à une croissance inclusive et à une valorisa- tion optimale du potentiel national. La feuille de route 2025-2027 fait de la terri- torialisation de la politique d’export une priorité structurante, avec des mesures
concrètes pour renforcer l’ancrage régional du commerce extérieur, y com- pris dans les zones moins industrialisées ou enclavées. Les bureaux dédiés dans les 12 régions du Royaume sont de véritables guichets de proximité offrant accompagnement, information, coaching et mise en réseau avec l’écosystème local. Avec comme objectif de détecter les porteurs de pro- jets exportateurs, leur proposer un par- cours personnalisé et assurer le suivi sur le terrain. De même, chaque région bénéficie d’un diagnostic de potentiel exportateur, permettant d’identifier les secteurs et filières à développer localement. Les dispositifs d’accompagnement (mis- sions de prospection, appui financier, aide à la certification, etc.) sont adaptés aux réalités et besoins de chaque terri- toire. L’ancrage régional du commerce exté- rieur passera également par la mise en
œuvre de programmes spécifiques à l’artisanat et à l’économie sociale qui facilitent l’accès à l’export pour des terri- toires à faible base industrielle et la mise en place d’accords et de conventions pour simplifier les démarches d’export des produits du terroir, de l’artisanat ou de l’économie sociale et solidaire. En outre, la promotion des Sociétés d’agrégation à l’export (SAE) permettra à plusieurs acteurs locaux de mutua- liser ressources, logistique et réseaux commerciaux, et accéder ainsi à des marchés internationaux jusque-là inac- cessibles individuellement. Enfin, la généralisation des plateformes digitales («One Shop Export», «Trade. ma», «Tijar-IA») permettra à tout expor- tateur, où qu’il soit situé, d’accéder à l’information, à l’accompagnement et à la mise en relation commerciale sans barrière géographique. Il en est de même pour la simplification des démarches administratives pour réduire la fracture territoriale. F. N. H. : La ZLECAf est présentée comme un levier majeur pour l’Afrique. Comment le Maroc s’y posi- tionne-t- il concrètement aujourd’hui ? O. H. : Comme vous le savez, la Zone de libre-échange continentale afri-
La feuille de route 2025-2027 fait de la territorialisation de la politique d’export une priorité structurante.
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