P OLITIQUE
tations, commençons par les viandes rouges. Nous avons démontré que seules quelques entreprises impor- tatrices ont réellement bénéficié des mesures mises en place; elles en ont lar- gement profité sans répercussion tan- gible sur les prix à la consommation. En réponse à notre demande, nous avons obtenu en octobre dernier un docu- ment du ministère des Finances. Celui- ci révèle que cette opération a coûté environ 13 milliards de dirhams à l’Etat, sous forme de taxes non perçues ou de subventions accordées aux impor- tateurs, sans pour autant empêcher les prix du mouton de s’envoler à 6.000, 7.000, voire 8.000 dirhams par tête. Des niveaux inaccessibles pour la majori- té des ménages, y compris ceux de la classe moyenne. Cette politique montre que quelques acteurs, étroitement liés à un parti précis de la coalition gouverne- mentale, ont été avantagés. Il convient de souligner un point : ce gouverne- ment, et plus particulièrement le RNI, conteste nos chiffres en prétendant que nous les inventons. Or, nous n’avons rien inventé : nos données proviennent d’un docu- ment officiel du ministère des Finances, auquel l’exécutif a répon- du par une autre note du ministère de l’Agriculture. J’aimerais leur dire : réglez d’abord vos contradictions ! Le ministre chargé du Budget est venu confirmer, devant le Parlement, l’exac- titude de nos chiffres. De plus, l’un des secrétaires généraux des partis de la majorité a tenu le même pro-
pos que nous. Le PAM, pour sa part, a publié un communiqué de son bureau politique en plein mois de Ramadan, appelant à l’arrêt de cette politique de subventions, estimant qu’elle ne pro- fitait qu’à quelques privilégiés du sec- teur des viandes rouges. Dans d’autres domaines également, plusieurs sociétés ont été «premières arrivées, premières servies», grâce à leur proximité avec les cercles gouvernementaux. L’exemple le plus flagrant de ce conflit d’intérêts est l’usine de dessalement de Casablanca: un appel d’offres lancé par le gouvernement, remporté… par l’entreprise dirigée par le chef du gou- vernement lui-même. Nous faisons donc face à une opacité totale dans la gestion publique. Or, l’une des pre- mières conditions de toute réforme économique prônée par le Nouveau modèle de développement est la lutte contre la rente, la corruption, les conflits d’intérêts et toute forme de pré- varication, tant sur le plan économique que dans la gestion de l’intérêt général. Avec l’équipe actuelle, nous en sommes encore très loin. Nous avons maintes fois dénoncé ces pratiques, sans résul- tat jusqu’à présent. F. N. H. : Le gouvernement se targue d’un taux de croissance positif malgré un contexte mondial tendu. Pensez-vous que cette performance macro- économique masque une fracture sociale plus grave ? N. B. : Rappelons-le : ce gouvernement avait brandi dix engagements majeurs. Devant le Parlement, Aziz Akhannouch
promettait notamment une croissance de 4%. Or, cet objectif reste hors de por- tée : au mieux, elle plafonne à 3%, sou- vent moins, et certaines années depuis 2021 ont affiché des niveaux plus faibles encore. Pas de motif, donc, à se féli- citer d’une simple croissance positive. Depuis vingt-cinq ans, tous les exécutifs successifs y sont parvenus. Autre promesse phare : créer un million d’emplois grâce à un sursaut d’activité et à la relance toujours attendue de l’investissement national et étranger. La réalité est tout autre : le pays a, en vérité, perdu quelque 435.000 postes. Conséquence directe : le chômage oscille entre 13% et 13,7%, un sommet inédit depuis un quart de siècle, révé- lateur de l’échec de la politique écono- mique actuelle. Le gouvernement assurait aussi vouloir élargir la classe moyenne. Or, d’après le HCP, 3,2 millions de personnes vivent désormais sous le seuil de pauvreté. Concernant l’engagement de porter le taux d’activité des femmes de 19 à 30%, nous constatons plutôt un recul d’un point pour s’établir à 18%. En somme, les chiffres contredisent clai- rement les ambitions affichées. F. N. H. : Pourtant, ce gouvernement bénéficie d’une majorité très confortable pour réaliser sa politique et faire passer toutes ses réformes…? N. B. : Ce gouvernement dispose certes d’une majorité confortable, mais mène une politique largement désavouée par la population. Le RNI, chef de file de la coalition, a investi des moyens finan- ciers sans précédent pour s’imposer lors des dernières élections. Depuis, ses res-
Les subventions accordées pour réduire les prix des viandes rouges n’ont pas donné les effets escomptés.
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