majeur du commerce vert mondial à condition de capitaliser sur ses avan- tages comparatifs et d’investir dans une chaîne de valeur verte intégrée» , souligne Mohamed Boiti. Certaines entreprises pionnières montrent déjà la voie. L’Office ché- rifien des phosphates (OCP) s’est engagé à atteindre la neutralité car- bone d’ici 2040, en s’appuyant sur les énergies renouvelables, l’intelligence artificielle et l’hydrogène vert. De son côté, LafargeHolcim Maroc adhère à l’initiative Science Based Targets pour réduire ses émissions de CO2 de plus de 20% d’ici 2030. Tanger Med vise également la neutralité carbone à l’horizon 2030 grâce à des cen- trales photovoltaïques et éoliennes dédiées. Mais ces initiatives restent isolées. Le tissu industriel marocain est dominé par des structures peu préparées. Le manque d’accès au financement vert, l’absence de certifications ESG et l’insuffisance des infrastructures logistiques durables constituent autant de freins à une transition glo- bale. À cela s’ajoute une dépendance persistante aux énergies fossiles, qui alourdit encore l’empreinte carbone des exportations. Mohamed Boiti plaide pour une stra- tégie nationale coordonnée. Il évoque l’urgence de moderniser les procé- dés industriels, d’ouvrir l’accès aux financements verts, de diversifier les débouchés vers des marchés moins contraignants, et surtout, de négocier activement avec les partenaires euro- péens pour répartir équitablement le coût du MACF. Il appelle également à solliciter l’Union européenne pour un transfert de technologies, une assistance technique et un accompa- gnement de la transition écologique des entreprises marocaines. Mais le professeur prévient : le Maroc n’a pas le luxe du temps. «Le Royaume se trouve à un tournant historique. Soit il saisit l’opportunité de devenir un acteur du commerce durable à l’échelle mondiale, soit il subira une marginalisation progressive sur ses marchés traditionnels», avertit-il. Dans un monde où l’empreinte car- bone devient un critère déterminant de compétitivité, verdir le commerce extérieur n’est plus une option. C’est désormais la condition sine qua non pour continuer d’exister dans le jeu des échanges internationaux.
Maroc fait partie d’un groupe res- treint de partenaires qui participent activement à la mise en œuvre du CBAM. Cela lui permet non seulement d’avoir accès à l’information en temps réel, mais aussi de faire remonter les impacts potentiels sur ses industries. L’objectif, c’est de construire ensemble une économie plus verte, plus rési- liente et plus équitable» . Dans ce contexte, la question des PME devient cruciale. Étant donné ce contexte réglementaire en décalage par rapport aux enjeux de l’ouverture commerciale, les entreprises maro- caines se retrouvent effectivement peu préparées aux nouvelles exi- gences du commerce international et leur compétitivité sur nos marchés européens traditionnels est mise à rude épreuve. D’après un récent rap- port de la Banque africaine de déve- loppement (2024), seulement 12% des PME exportatrices marocaines peuvent aujourd’hui présenter un bilan carbone certifié. Une situation préoccupante à la veille de l’application généralisée du MACF européen. Face à cette nou- velle « barrière non tarifaire» mise en place par nos partenaires commer- ciaux d’outre-mer, la quasi-absence d’un soutien étatique, technique et financier au profit de nos PME dans
leur décarbonation pourrait aboutir à leur exclusion pure et simple de ces marchés. Ce qui se traduira par une aggravation du déficit commer- cial et une compression des avoirs extérieurs nets. Le corollaire serait une pression encore plus grande sur la masse monétaire et une compro- mission du financement bancaire de l’économie nationale. Des atouts pour y faire face Pourtant, le Maroc ne manque pas d’atouts pour répondre à ce nouveau contexte. Il dispose d’un fort potentiel en énergies renouvelables, avec un ensoleillement exceptionnel et des ressources éoliennes considérables. Le lancement du Green Hydrogen Cluster en 2021 place le Royaume parmi les pays les plus avancés dans le développement de l’hydrogène vert. Le pays ambitionne même de produire 4% de l’hydrogène mondial d’ici 2030. «Le Maroc peut devenir un acteur
Sous pression européenne, les exportateurs marocains doivent verdir leurs chaînes de produc- tion pour éviter la taxe carbone et préserver leur accès aux marchés internationaux.
Dans un monde où l’empreinte carbone devient un visa commercial, verdir nos exportations n’est plus une option, mais une question de survie économique.
53 HORS-SÉRIE N°49 / FINANCES NEWS HEBDO
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