E XPORT
Accords de libre-échange
Une équation à rééquilibrer A l’heure où le Maroc s’apprête à déployer une nouvelle feuille de route pour son commerce extérieur, la pertinence de ses accords de libre-échange revient au centre du débat. Loués pour leur potentiel à ouvrir des marchés et attirer les investisseurs, ces accords ont aussi révélé les limites d’un appareil productif encore perfectible. Comment préserver la souveraineté économique du Royaume tout en restant ouvert au monde ?
«En 2024, les exportations marocaines vers l’UE ont couvert 79% des importa- tions venant de l’UE, un taux de cou- verture qui reflète l’intégration euro- marocaine des chaînes de valeur. Ce sont ces chiffres qui nous permettent de parler d’un partenariat, plutôt que d’un simple accord commercial» , affirme l’ambassadrice. Et d’ajouter que «notre commerce bila- téral a quintuplé en 25 ans pour devenir une véritable source de croissance éco- nomique, d’emplois et de stabilité des deux côtés de la Méditerranée». S’agissant de l’ALE avec les USA, entré en vigueur en 2006, la valeur des expor- tations marocaines vers le marché américain est passée de 2,5 milliards de dirhams à 18,9 milliards à fin 2024. Pourtant, si ces accords ont permis d’élargir les débouchés et d’attirer les investisseurs, ils n’ont pas suffi à cor- riger le déficit commercial. La récente décision des États-Unis d’imposer des droits de douane de 10% sur certains produits marocains illustre les limites des ALE dans un contexte où le pro- tectionnisme refait surface. «C’est un signal préoccupant qui montre que ces accords peuvent être remis en cause du jour au lendemain par des décisions unilatérales », prévient Tahiri. De leur côté, malgré une hausse notable des échanges, les accords avec la Turquie et l’Égypte ont aussi contri- bué à creuser le déficit commercial marocain avec ces partenaires. En effet, les importations en provenance de Turquie et d’Égypte ont augmenté plus rapidement que les exportations maro- caines, notamment dans des secteurs comme le textile, l’électroménager ou les produits agroalimentaires. Concernant l’Afrique, ce marché constitue un terrain propice pour le Royaume, grâce à sa proximité géogra- phique, culturelle et historique. Dans ce sens, Tahiri souligne que le Maroc bénéficie d’une balance commerciale excédentaire avec l’Afrique subsaha- rienne, une situation unique comparée
es ALE sont entrés en vigueur progressivement, avec pour objectif de dynamiser les échanges commerciaux, atti- rer les investissements et renforcer l’intégration industrielle. Alors que le Maroc s’apprête à écrire une nouvelle page de son histoire com- merciale avec sa feuille de route 2025- 2027, la question de l’impact réel des accords de libre-échange ressurgit avec acuité. L Ces accords ont été conclus avec des groupements économiques tels que l’Union européenne, l’Association de libre-échange (ALECA), la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). D’autres accords multilaté- raux, comme celui d’Agadir, et bilaté- raux avec les Émirats Arabes Unis, la Turquie, la Jordanie et les États-Unis ont également été signés afin d’élargir l’accès préférentiel aux marchés étran- gers. Cependant, ces ALE ont-ils réelle- ment dopé les exportations marocaines ou, au contraire, creusé davantage le déficit commercial ? Pour Mohamed Benchekroun, éco- nomiste et professeur universitaire, le bilan des ALE reste contrasté. « Ces accords ont effectivement facilité l’accès à des marchés stratégiques et renforcé l’attractivité du Maroc auprès des inves- tisseurs étrangers, notamment dans l’automobile, l’aéronautique et l’agroa- ti
limentaire. Mais ils ont aussi révélé les faiblesses de notre appareil productif, insuffisamment préparé à une ouver- ture aussi rapide» , souligne-t-il. Même constat pour l’économiste Said Mohammed Tahiri, qui confirme cette réalité : « L’ouverture du Maroc a certes permis d’élargir les débouchés commer- ciaux et de mieux s’insérer dans les chaînes de valeur mondiales. Toutefois, le déficit commercial s’est creusé avec plusieurs partenaires, en particulier la Turquie et les États-Unis. Les importa- tions ont explosé sans que nos exporta- tions ne suivent au même rythme. En 2022, les importations en provenance de l’UE représentaient, à elles seules, près de 67% des flux commerciaux du Royaume sous ALE. Beaucoup de filières industrielles n’ont pas su s’adapter à une concurrence internationale parfois très agressive, notamment en l’absence de dispositifs suffisants de protection ou de montée en gamme», prévient-il. Accords avec l’UE : En première ligne Entré en vigueur en 2000, l’accord avec l’Union européenne a été renforcé par un «statut avancé» en 2008. L’UE est un partenaire de premier choix pour le Maroc, aussi bien sur le plan économique que stratégique. Patricia Llombart Cussac, Ambassadrice de l’UE au Maroc, rappelle que le parte- nariat entre les deux parties a atteint un nouveau palier, avec des échanges commerciaux qui ont dépassé 650 mil- liards de dirhams en 2024, notamment grâce à une coopération renforcée dans les secteurs de l’énergie verte, du digi- tal ou encore de l’agroalimentaire.
Tous les ALE ne se valent pas. Le Maroc doit les renégocier ou les adapter en fonction de ses priorités industrielles et stratégiques.
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FINANCES NEWS HEBDO / HORS-SÉRIE N°49 54
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