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suffisants de protection ou de montée en gamme.
F. N. H. : Quels sont les secteurs productifs maro- cains qui ont su tirer profit de ces accords pour renforcer leurs parts de marché, et ceux qui, au contraire, ont pâti d’une concurrence étrangère accrue ? T. S. M. : Les secteurs qui ont le mieux tiré parti des accords de libre-échange sont ceux ayant bénéficié d’investisse- ments structurants et d’écosystèmes bien organisés. L’automobile est devenu le premier secteur exportateur du Maroc, avec des ventes dépassant les 100 milliards de dirhams en 2022. Le contenu local des véhicules «made in Morocco» dépasse 65%, témoignant d’une intégration réussie dans les chaînes de valeur euro- péennes. Le Maroc a été classé 3 ème parmi les 50 économies les plus attractives pour les investisseurs étrangers par le Financial Times en 2023. Le dernier rapport de Ernst & Young sur l’attractivité afri- caine a placé le Maroc dans le trio de tête du continent avec près de 54 inves- tissements d’une valeur de 2,4 milliards de dollars. Les chiffres de 2022 des investissements directs étrangers affichent une hausse de 37% par rapport à 2019, année de référence, avec près d’un milliard de dollars dans le secteur manufacturier, soit une hausse de 50%. Ces indicateurs confirment l’intérêt des investisseurs pour la destination Maroc malgré un environnement international marqué par son instabilité. L’aéronautique, le textile à forte valeur ajoutée, l’agroalimentaire et les phos- phates ont également profité d’un accès préférentiel à des marchés clés. En revanche, certains secteurs manu- facturiers traditionnels, comme les industries du cuir, du meuble, ou cer- taines branches textiles à faible valeur ajoutée, ont souffert de la concurrence asiatique et turque. Plusieurs TPE et PME industrielles ont subi une forte érosion de leur compétitivité prix et qualité, faute de soutien suffisant à leur modernisation.
F. N. H. : Le Maroc est-il aujourd’hui trop dépen- dant de certains partenaires commerciaux stratégiques ? Cette concentration des échanges représente-t-elle un risque pour la résilience de l’économie nationale ? T. S. M. : Effectivement, le commerce extérieur du Maroc demeure fortement concentré. En 2023, l’Union euro- péenne est restée le premier partenaire du Maroc, avec 56 milliards d’euros d’échanges de marchandises, incluant 23 milliards d’euros d’exportations marocaines vers l’UE. Cette dernière est à la fois le premier fournisseur du Maroc et aussi son premier client, et représente plus de 60% des exporta- tions marocaines. Cette dépendance, bien qu’historique- ment et géographiquement compré- hensible, constitue un risque straté- gique, notamment en cas de ralentis- sement économique de l’Europe ou de décisions unilatérales de nos parte- naires. Une résilience accrue de l’éco- nomie nationale passe donc par une diversification géographique des par- tenaires commerciaux, une meilleure valorisation des produits exportés et un soutien aux exportateurs vers les mar- chés émergents, notamment dans le cadre de la mise en valeur des relations Sud - Sud. F. N. H. : La récente décision des États-Unis d’imposer des droits de douane de 10% sur cer- tains produits marocains remet-elle en cause les bénéfices attendus de l’accord de libre-échange Maroc-USA ? T. S. M. : D’abord, il faut souligner que c’est une décision souveraine. Mais elle constitue un signal préoccupant, car
elle semble remettre en cause l’esprit même d’un accord de libre-échange censé garantir un accès préférentiel réciproque. Il est important de noter que l’ALE Maroc-USA, bien que por- teur d’opportunités, n’a pas permis au Maroc de dégager un excédent com- mercial durable avec les États-Unis (en 2023, le déficit commercial du Maroc avec les États-Unis a atteint 1,8 mil- liard de dollars). Les droits de douane récemment imposés concernent des produits spécifiques, mais leur impact réel dépendra de la liste définitive et du volume des échanges concernés. Cela dit, cette mesure met en lumière la nécessité pour le Maroc de mieux défendre ses intérêts dans les clauses de sauvegarde, de renforcer notre capacité de négociation et d’anticiper les tournants protectionnistes dans le commerce mondial. F. N. H. : Face aux tensions et mutations du commerce mondial, le Maroc a-t-il suffisamment diversifié ses débouchés à l’export, notamment vers l’Asie, l’Amérique latine ou encore l’Afrique subsaharienne ? T. S. M. : Des efforts ont été entrepris, mais la diversification reste insuffi- sante. En Afrique subsaharienne, des avancées notables ont été enregistrées, grâce à une stratégie de diplomatie éco- nomique initiée par notre Souverain. Cette diversification est constatée aussi bien dans les services financiers, le BTP, les télécommunications…. Néanmoins, le volume des échanges entre le Maroc et l’Afrique a régressé de 18,14% entre 2022 et 2023, passant de 64,43 milliards de dirhams à 52,74 mil-
Le déficit commercial se creuse, mais sans ces accords, notre compétitivité et notre attractivité seraient bien moindres.
FINANCES NEWS HEBDO / HORS-SÉRIE N°49 60
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