FNH N_ 1203

BOURSE & FINANCES

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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 10 JUILLET 2025

Usure et intérêts Un débat qui traverse les siècles Lors des Réunions annuelles 2025 du Conseil des services financiers islamiques, le ministre des Habous et des Affaires islamiques, Ahmed Toufiq, a rappelé que dans la vision islamique, l’argent est un moyen au service du bien commun et non une finalité. Il a précisé que l’interdiction du ribâ a pour objectif de préserver l’équité dans les transactions et d’éviter l’accumulation égoïste des richesses.

Encadrement et prudence dans le domaine financier Dans ce contexte, Ahmed Toufiq a rappelé que le Maroc, dans sa gouvernance, veille à protéger les cinq finalités de la charia : la religion, la vie, l’intellect, les biens et la descendance. À ce titre, le pays s’est engagé dans le développement de la finance participative, s’appuyant sur les conseils du Conseil supérieur des oulémas, qui a émis 194 avis juridiques sur les produits de la finance participative afin d’en assurer la conformité aux prin- cipes religieux. Par ailleurs, il a précisé que l’adoption de l’expression «finance participative» vise à res- ter dans un cadre technique et objectif, sans qualifier les autres formes de finance comme non conformes à l’islam, et pour évi- ter toute confusion dans l’esprit des citoyens. Dans son discours, le ministre a reconnu que le problème de l’usure et des intérêts ne peut être dépassé totalement, compte tenu des complexités pratiques. Toutefois, il a souligné l’impor- tance de prendre en considéra- tion les nécessités pragmatiques dans l’organisation des transac- tions financières, tout en respec- tant les principes religieux. Enfin, il a également relevé que certaines personnes considèrent que les intérêts des banques entrent dans le cadre de l’usure interdite, tandis que d’autres distinguent selon les contextes et les objectifs économiques. Le ministre a donc invité les experts et les acteurs du sec- teur à poursuivre leur réflexion sur les conditions de coexistence entre la finance participative et les autres formes de finance, en tenant compte des contextes, des nécessités et de l’intérêt général. Ainsi, entre l’exigence éthique de protection des plus vulnérables et la réalité d’un monde où le crédit structure le quotidien et l’investissement, la question de l’usure reste un fil rouge qui tra- verse les siècles sans jamais se rompre, et continue d’alimenter débats et réflexions au sein des sociétés contemporaines. ◆

Par Y. Seddik

 À travers l’histoire, le prêt à intérêt a suscité des règles, des débats et des ajustements selon les contextes religieux, économiques et sociaux.

D

epuis des siècles, l’usure et les intérêts divisent économistes, juristes et religieux. En effet, d’Aris- tote, qui dénonçait le prêt à intérêt comme contraire à la nature, aux textes coraniques interdisant le ribâ pour protéger les plus vul- nérables, le refus de l’usure s’est inscrit dans de nombreuses tradi- tions comme un garde-fou contre l’exploitation. Pourtant, dans un monde où le crédit est devenu un outil de consommation et de développement, la frontière entre intérêt légitime et usure oppres- sive suscite des débats vifs, par- ticulièrement dans les sociétés musulmanes. Ainsi, faut-il interdire tout intérêt ? Comment financer le développement sans tomber

dans l’endettement injuste ? Par ailleurs, la finance participative peut-elle réellement remplacer un système bancaire classique ? Ces questions divisent savants, experts et citoyens, entre ceux qui défendent une lecture stricte interdisant tout intérêt, et ceux qui plaident pour une approche équi- librée conciliant éthique et effica- cité économique. Dans son intervention lors des Réunions annuelles 2025 du Conseil des services financiers islamiques, le ministre des Habous et des Affaires islamiques, Ahmed Toufiq, a rappelé que la critique de l’usure remonte à l’antiquité. À cet égard, il a cité Aristote, qui s’opposait déjà à l’idée que «la monnaie se reproduise», consta- tant que les intérêts excessifs menaient à l’asservissement des débiteurs dans la société athé- nienne. De plus, il a relié cela à l’interdic-

tion coranique de l’usure sous toutes ses formes injustes, en soulignant que le but de cette interdiction est de lever l’injustice sur les personnes vulnérables, en particulier dans le domaine des prêts nécessaires à la vie quoti- dienne. Par ailleurs, le ministre a éga- lement rappelé que l’interdiction de l’usure ne peut être comprise isolément, car l’islam propose une vision globale où l’argent est un dépôt confié par Dieu, destiné à être investi dans le bien et la satis- faction des besoins de la société, non à l’accumulation égoïste ou à l’exploitation des faibles. En outre, il a souligné que le sys- tème islamique vise à protéger l’homme et la société, dans leurs aspects spirituels et matériels, en encadrant les transactions pour éviter l’injustice et l’excès, tout en maintenant l’équilibre et la circula- tion des richesses.

Le Conseil supérieur des oulémas a émis 194 avis juridiques sur les produits de la finance participative afin d’en assurer la conformité aux principes religieux.

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