FNH N_ 1203

ECONOMIE

22

FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 10 JUILLET 2025

Délais de paiement Une réforme à l’épreuve du terrain

la loi a contribué à instaurer une dynamique de confiance entre clients et fournisseurs, favorisant un climat des affaires plus sain et plus prévisible au Maroc. Que pouvez- vous nous dire sur le taux de conformité à la loi reste selon les secteurs ? Quels sont les principaux freins à son application efficace, notamment chez les PME ? F. N. H. : R. Ch. : Le taux de conformité à la loi varie sensiblement selon les secteurs d’activité. Les domaines encadrés par des acteurs struc- turés ou régulés, tels que les banques, les assurances, les télé- communications ou encore les grandes industries, affichent des niveaux de conformité nettement plus élevés. Ces entreprises dis- posent généralement de l’orga- nisation, des ressources et de la culture de gestion nécessaires pour intégrer rapidement les exi- gences du nouveau cadre légal. À l’inverse, les secteurs moins formalisés, composés majoritaire- ment de très petites et moyennes entreprises, rencontrent encore d’importantes difficultés d’adap- tation. Ces obstacles tiennent à plusieurs facteurs, à la fois internes et externes. D’une part, beaucoup de PME ne disposent pas encore des proces- sus organisationnels et juridiques adaptés pour répondre aux obli- gations introduites par la loi. D’autre part, leur situation de tré- sorerie reste fragile, alourdie par un stock important de créances impayées antérieures à l’entrée en vigueur de la loi, que celle-ci ne couvre pas. Enfin, les séquelles économiques de la crise liée à la COVID-19 continuent de peser sur cette catégorie d’entreprises, limitant leur capacité à se conformer plei- nement aux nouvelles règles. Ces

En instaurant un cadre légal contraignant, la loi sur les délais de paiement a marqué un tournant pour les relations interentreprises au Maroc. Si la dynamique enclenchée est saluée, les disparités sectorielles, les freins structurels des PME et l’ineffectivité de certaines sanctions freinent encore l’impact de cette réforme ambitieuse. Deux ans après son entrée en vigueur, Rochdi Chmali, fondateur du cabinet CLA Expact, livre une analyse lucide de ses effets sur le tissu économique marocain. Entretien.

Propos recueillis par D. W.

Finances News Hebdo : Deux ans après l’entrée en vigueur de la loi sur les délais de paiement, quel regard por- tez-vous sur les objectifs ini- tiaux de ce texte et sur le contexte économique dans lequel il a été adopté ? Rochdi Chmali: La loi n°69-21 sur les délais de paiement, entrée en vigueur en juillet 2023, répondait à un enjeu structurel de l’économie nationale que sont les retards de paiement récurrents, particulière- ment préjudiciables aux PME. Son objectif principal était de renfor- cer la discipline financière entre entreprises, de réduire le nombre de défaillances (plus de 13.000 faillites ont été recensées en 2022, selon Inforisk), et d’améliorer la circulation de la trésorerie dans un contexte post-COVID déjà fra- gilisé par l’inflation et le durcisse- ment de l’accès au crédit. Ce texte visait également à instau- rer une culture de transparence dans les relations interentreprises, à travers l’encadrement légal des délais de paiement, l’obligation

de déclaration, et la mise en place de sanctions en cas de manque- ments. Deux ans après son entrée en vigueur, et au regard des ana- lyses disponibles (Observatoire des délais de paiement, Bank Al-Maghrib), la loi a permis de faire émerger une véritable prise de conscience sur l’importance du respect des délais, en particulier pour les TPME. Étant donné la nature structurelle de la probléma- tique, le déploiement progressif de la loi selon les seuils de chiffre d’affaires a favorisé une mise en œuvre à la fois progressive et efficace, contribuant à ancrer les bonnes pratiques dans le tissu économique. F. N. H. : Quels sont, selon vous, les principaux effets observés dans les rela- tions commerciales et les comportements des entre- prises depuis juillet 2023 ? Disposez-vous de données ou d’exemples concrets ? R. Ch. : Depuis l’entrée en vigueur de la loi en juillet 2023, le principal

changement observé tient à une prise de conscience plus mar- quée des enjeux liés à la maîtrise des délais de paiement. Plusieurs grandes entreprises ont entrepris des démarches internes de mise en conformité, traduisant leur volonté d’aligner leurs pratiques sur les exigences réglementaires. Cette dynamique a eu un impact mesurable. Selon Bank Al-Maghrib, le délai moyen de paiement est passé de 112 jours en 2022 à environ 96 jours à la fin de l’année 2023. Ce recul consti- tue un indicateur encourageant d’un début d’assainissement des pratiques. Cela dit, les effets de la loi restent contrastés selon les profils d’en- treprise. Tandis que les multina- tionales et les grandes structures ont, dans l’ensemble, renforcé leur conformité, les PME et TPE continuent d’apprivoiser ce nou- veau cadre. Leur adaptation reste progressive, notamment en rai- son des contraintes organisation- nelles et de trésorerie qu’elles ren- contrent. D’une manière générale,

www.fnh.ma

Made with FlippingBook flipbook maker