ECONOMIE
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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 10 JUILLET 2025
un accompagnement ciblé des plus petites structures s’impose, afin de les aider à se conformer et à renforcer leur résilience face aux pratiques abusives. En somme, la loi n’a pas échoué, mais elle n’a pas encore atteint son objectif structurel d’instaurer durablement la confiance dans les échanges économiques et assai- nir les relations interentreprises à large échelle. Le socle est en place, mais sa consolidation reste un chantier à poursuivre. F. N. H. : Enfin, quelles sont, selon vous, les pers- pectives à moyen et long terme de cette réforme pour l’économie marocaine ? R. Ch. : À moyen terme, une meil- leure maîtrise des délais de paie- ment pourrait contribuer significa- tivement à la réduction du nombre de défaillances d’entreprises, dont la progression annuelle dépasse les 12% depuis 2020. En fluidifiant la trésorerie, elle renforcerait la compétitivité des PME et amé- liorerait leur accès au finance- ment, deux leviers essentiels pour consolider le tissu économique national. Sur le long terme, si le respect des délais de paiement s’impose comme une norme, il en résultera un environnement des affaires plus stable et prévisible, de nature à renforcer l’attracti- vité du Maroc auprès des inves- tisseurs internationaux. Toutefois, pour que cette réforme déploie pleinement ses effets, elle devra s’inscrire dans une approche plus large de moder- nisation du climat des affaires, incluant notamment la justice commerciale, la réforme fiscale et l’accélération de la digitalisation des échanges. À ce titre, l’entrée en vigueur pro- chaine de la facture électronique et la généralisation possible de la retenue à la source de la TVA, prévue dans la Loi de Finances 2024, pourraient compléter uti- lement le dispositif. En intégrant ces outils dans un cadre cohérent, l’État poserait les fondations d’un écosystème plus transparent, plus équitable et résolument orienté vers la confiance entre partenaires économiques. ◆
Malgré une baisse du délai moyen de paiement, les TPE et PME continuent de subir des retards qui fragilisent leur trésorerie.
pour sensibiliser les dirigeants à l’importance de la digitalisation des processus, tant au niveau des procédures internes que des outils numériques dédiés à la ges- tion de trésorerie. Enfin, un volet essentiel de l’accompagnement porte sur la mise en place d’un dispositif de gestion des risques structuré, capable d’anticiper les décalages de trésorerie et de prévenir les situations de non-conformité. Cette approche globale permet à l’entreprise non seulement de répondre aux obligations légales, mais aussi de renforcer sa rési- lience financière dans un environ- nement en mutation. F. N. H. : Que faudrait- il améliorer pour renforcer l’efficacité de ce dispositif législatif, particulièrement en termes d’ajustements réglementaires ? R. Ch. : Pour renforcer l’effica- cité du dispositif instauré par la loi 69-21, plusieurs ajustements réglementaires mériteraient d’être envisagés. Premièrement, il est essentiel de renforcer les méca- nismes de contrôle et de pré- ciser les modalités d’application afférentes. Une clarification des procédures permettrait de sécu- riser davantage les pratiques des entreprises et d’assurer une appli-
cation homogène de la loi. Deuxièmement, une certaine souplesse devrait être introduite pour les situations de litiges traitées dans le cadre de méca- nismes de médiation ou d’arbi- trage. Encourager le recours à ces modes alternatifs de règle- ment des différends, souvent plus rapides et moins coûteux, contri- buerait à apaiser les tensions commerciales tout en respectant l’esprit de la loi. Enfin, un point critique demeure, celui de l’absence de traitement réglementaire pour le stock de factures impayées antérieures à l’entrée en vigueur de la loi. Il serait opportun de prévoir une solution spécifique à cette pro- blématique, afin d’éviter qu’elle ne continue de fragiliser les tré- soreries des entreprises concer- nées, en particulier les plus petites d’entre elles. F. N. H. : Au regard de toute l’analyse que vous venez de faire et avec le recul, peut- on dire alors que la loi sur les délais de paiement a tenu ses promesses ? R. Ch. : La loi sur les délais de paiement a incontestablement initié une dynamique de chan- gement, mais il serait prématuré de considérer qu’elle a d’ores et déjà rempli l’ensemble de ses
promesses. Elle a permis d’ins- taurer un cadre juridique structu- rant et de sensibiliser les acteurs économiques à l’importance du respect des délais contractuels, en particulier dans un contexte marqué par des déséquilibres per- sistants entre donneurs d’ordre et sous-traitants. Des avancées sont perceptibles, notamment au sein de certaines grandes entre- prises qui ont revu leurs pratiques, et une amélioration relative des délais moyens a été constatée. Toutefois, l’impact sur les TPE et PME demeure limité. Faute de pouvoir de négociation, ces der- nières continuent souvent à subir des retards de paiement, mal- gré les nouvelles dispositions en vigueur. En réalité, la loi a posé les bases du changement, mais sa réussite dépend désormais de trois leviers déterminants. D’abord, l’exempla- rité du secteur public, appelé à jouer un rôle moteur dans l’appli- cation des délais réglementaires. Ensuite, l’activation effective et systématique du régime de sanc- tions, encore peu mobilisé. Enfin,
L’entrée en vigueur prochaine de la facture électronique et la généralisation possible de la retenue à la source de la TVA, prévue dans la Loi de Finances 2024, pourraient compléter utilement le dispositif.
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