FNH N_ 1203

DEVELOPPEMENT DURABLE 28

FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 10 JUILLET 2025

contrat de différence (CfD) pour le projet Xlinks a mis fin à l’un des plus grands rêves d’expor- tation énergétique marocaine. Pour Rabat, ce retrait dépasse le simple échec commercial. Elle remet en cause tout un pan de la stratégie énergétique nationale, centrée sur la valorisation des ressources renouvelables dans le cadre de la vision 2030-2050. «Ce projet devait positionner le Maroc comme leader africain de la transition énergétique, capable de vendre son excédent à l’Europe» , précise Boiti. Comme cause de ce retrait, Londres évoque des vulnérabili- tés sécuritaires, notamment des risques de sabotage du câble et l’instabilité de la région traver- sée. De plus, le secrétaire d'État à la Sécurité énergétique et à la Neutralité carbone, Ed Miliband, a justifié le rejet par la priorité accordée au développement des capacités renouvelables domes- tiques, privilégiant une approche «homegrown» de la production énergétique. En toile de fond, se dessine aussi la pression des lobbies domestiques britan- niques, en faveur du nucléaire et de l’éolien offshore. Selon l’expert Mohamed Boiti, le projet devait générer des reve- nus d'exportation substantiels pour le Maroc, contribuant à l'équilibre de sa balance com- merciale. «Ces revenus per- dus représentent un manque à gagner significatif pour le finan- cement de la transition énergé- tique nationale», explique-t-il. De plus, il alerte sur un effet domino sur les investissements, pouvant entraîner une remise en ques- tion de la part des investisseurs internationaux sur la viabilité économique des grands projets d'exportation énergétique maro- cains. L’échec du projet engendre aussi un manque à gagner immédiat pour l’économie marocaine. Non seulement les recettes d’expor- tation espérées s’évaporent, mais l’écosystème industriel national subit un coup d’arrêt. «Les entreprises marocaines qui

 Ce projet devait acheminer 3,6 GW d’électricité verte depuis la région de Guelmim-Oued Noun jusqu’au sud de l’Angleterre.

Projet Xlinks

Rupture de courant entre Rabat et Londres Par Désy M. L Près de 4.000 kilomètres de câbles HDVC reliant les énergies vertes du Maroc aux foyers britanniques. Un rêve d’interconnexion de portée mondiale qui vacille à l’annonce du retrait de Londres du Projet Xlinks. Quelles retombées et quelle reconfiguration envisagées pour le Maroc ? Détails.

e retrait définitif du gouverne- ment britannique dans le pro- jet d'interconnexion électrique Maroc-Royaume-Uni de Xlinks en juin 2025 marque un tournant significatif dans l'histoire de la coopération énergétique euro- marocaine. Présenté comme l’un des projets les plus ambitieux au monde en matière d’intercon- nexion énergétique, mêlant 3.800 km de câbles sous- marins HVDC (High Voltage Direct Current), ce projet titanesque, estimé à 25 milliards de livres sterling, devait acheminer 3,6 GW d’élec- tricité verte depuis la région de Guelmim-Oued Noun jusqu’au sud de l’Angleterre. Ce projet aux multiples avan- tages pour les deux pays repré- sentait une prouesse technique

inégalée dans le domaine des interconnexions électriques. Il s'appuyait sur une installation de 11,5 GW comprenant des parcs solaires et éoliens sur une superficie de 1.500 km². «Cette infrastructure devait fonctionner 19 heures par jour en moyenne, exploitant l'avantage géogra- phique exceptionnel du Maroc avec ses 10 heures d'ensoleille- ment quotidien même en hiver» , souligne Mohamed Boiti, expert en énergie. Et d’ajouter que «cette approche innovante pro- mettait une production d'électri- cité zéro carbone avec un rende- ment énergétique trois fois supé- rieur à celui du Royaume-Uni». En effet, cela aurait été une révo- lution dans l'approvisionnement énergétique britannique. Avec

une capacité de fournir 8% des besoins électriques nationaux et d'alimenter plus de 7 millions de foyers, il promettait une réduc- tion de 10% des émissions de carbone du pays. Et du côté marocain, Xlinks s'inscrivait par- faitement dans la stratégie éner- gétique nationale 2030-2050, visant à porter la part des éner- gies renouvelables à 52% du mix énergétique national. Ce projet devait consolider la position du Maroc comme hub énergétique régional, valorisant son potentiel solaire et éolien exceptionnel, tout en générant des revenus d'exportation substantiels. Quel impact pour le Maroc ? Cependant, la décision de Londres de ne pas accorder de

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