SOCIÉTÉ
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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 10 JUILLET 2025
Les obstacles que la femme rencontre tiennent à l’accès aux facteurs de produc- tion : au foncier, à l’eau et au crédit, ce qui la cantonne dans un rapport hiérarchisé par rapport à l’homme : «la division du travail selon le genre est un système social où les deux sexes jouent chacun une série de rôles qui découlent du genre. Cette répartition n'est pas basée sur les aptitudes, mais sur le genre». L’exclusion de la femme de l'accès à la terre entraine son exclusion systématique de la sphère économique et financière et impacte ses capacités quant à la prise de décision. Quand bien même elle participerait aux res- ponsabilités de la petite agriculture (travaux aux champs, collecte de l’eau, choix de cer- taines cultures et leur entretien…), parfois en l’absence même de l’homme, le travail agri- cole non rémunéré qui fait occuper la femme et les filles des heures pendant la journée en tant qu’aides familiales, auquel s’ajoutent les tâches domestiques au foyer, ne valo- rise pas son statut social déjà impacté par des représentations culturelles fortement ancrées dans la communauté. La femme oasienne, par ses contributions artisanales agricoles et de transformation des produits de terroir afin de faire diversifier les revenus du foyer, véhicule un savoir-faire ancestral et révèle une sensibilité qui touche également la gestion rationnelle des res- sources en eau dont elle a la charge. L’accès à l’eau est un autre volet de la vulné- rabilité de la femme, au même titre que ses filles qui doivent assurer la corvée de l’eau pour les besoins du foyer et pour l’irriga- tion de certaines cultures vivrières dans un contexte de rareté de la ressource. Les inégalités touchent également les droits traditionnels de l’eau dont le partage est réglé entre les ayants droit masculins : «les femmes sans droits d’eau et sans puits se retrouvent dans les plus grandes difficultés pour irriguer leurs parcelles et subvenir à leurs besoins» dans un écosystème où la survie de la communauté est fortement tributaire de la disponibilité des ressources en eau. L’accès de la femme à la terre et à l’eau constitue inévitablement des leviers qui lui permettent de confirmer son statut social et d’être présente aux organes de la prise de décision. Cependant, les conditions réelles de la femme oasienne révèlent une quasi- absence de celle-ci au sein des instances de concertation relatives à la gestion et à l’utilisation des ressources en eau, notam- ment au sein des associations des usagers de l’eau. L’autonomisation économique des femmes rurales est loin d’être inscrite sur le terrain des réalités.
Le monde tarde encore à reconnaître les femmes oasiennes comme actrices à part entière du développement rural.
Maroc Vert (Pilier II) ont impulsé, par des mesures d’accompagnement et d’encadre- ment, la création de coopératives agricoles, en vue de mutualiser les ressources des adhérents dans la mise en œuvre d’une agri- culture solidaire (en matière de gestion des eaux d’irrigation et des travaux agricoles…) et de soutenir l’économie des zones fragiles. La dynamique territoriale des coopératives agricoles familiales et non familiales s’est considérablement renforcée dans l’espace oasien, impulsée par plusieurs organismes publics nationaux et des ONG internatio- nales, permettant la valorisation de leurs actions pour la durabilité et la préservation de l’espace oasien. Compte tenu de ce diagnostic, force est de constater que les stratégies qui ambitionnent de faire du tissu coopératif et associatif un levier de développement des capacités des femmes oasiennes se sont heurtées à des contraintes managériales, organisation- nelles, d’accès au financement, et surtout socioculturelles qui ont impacté leur action, où la prise de décision demeure l’apanage de l’homme, notamment pour les coopéra- tives familiales, le plus souvent présidées par le mari ou le fils ainé, reproduisant ainsi le modèle de leadership patriarcal. • In fine, hormis de rares exceptions, l’action publique visant l’essor d’une société plus inclusive intégrant la femme et les popula- tions marginalisées n’a pas induit l’émer- gence d’une identité plus valorisante de la femme rurale, en général, et de la femme oasienne, en particulier. ◆
L’autonomisation économique de la femme oasienne
C’est dans le domaine associatif et coo- pératif que les femmes oasiennes essaient de retrouver une relative émancipation par leur insertion dans le tissu économique afin de se prémunir contre la vulnérabilité et «d’accroître leur pouvoir décisionnel et leur autonomie autant dans la famille que dans la collectivité». L’essor de cette dynamique est tributaire de la responsabilisation des femmes à s’auto- développer par leurs propres moyens, car il est significatif de constater que certaines femmes oasiennes «participantes à ces actions, le font par la volonté de leur mari pour profiter indirectement des aides de l’État et des bailleurs de fonds, et non pas d’une reconnaissance sociale de la part de la société de leur droit à une relative auto- nomie financière qui pourrait améliorer leur situation». La dynamique des coopératives et des asso- ciations féminines est une prérogative de la société civile qui se singularise au Maroc par une vitalité remarquable et par une légitimité acquise auprès des pouvoirs publics et des citoyens. C’est dans ce contexte que les programmes gouvernementaux tels l’INDH et le Plan
L’autonomisation économique des femmes rurales est loin d’être inscrite sur le terrain des réalités.
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