FNH 1217

Découvrez le numéro 981 de Finances News Hebdo, premier hebdomadaire de l'information financière au Maroc

Du 28 novembre 2025 - 8 DH - N° 1217

PREMIER HEBDOMADAIRE DE L'INFORMATION FINANCIÈRE AU MAROC

Directeur de la publication : Fatima Ouriaghli

Nucléaire Le Maroc peut-il se permettre de rester à l’écart ?

Salon de l’épargne 2025 Intérêt croissant des particuliers pour la gestion patrimoniale

P. 19 à 23

P. 13

● Porté par une cadence de levées nettement accélérée, le Trésor dépasse ses besoins annoncés et imprime de nouvelles tensions sur les maturités courtes, malgré une tendance de fond qui reste orientée à la détente.

P. 6/7

Financements alternatifs

Consommation

Lancement de la 5G

Le défi de réussir l’impact économique

Le temps du pain à 1,20 DH touche-t-il à sa fin ?

 Entretien avec Me Abdelhakim El Kadiri Boutchich, juge de résolution des différends Le système de Zakat à l'épreuve de la confiance

P.28/29

P.16 à 18

P. 26/27

Dépôt légal : 157/98 ISSN : 1114-047 - Dossier de presse : 24/98 - Adresse : 83, Bd El Massira El Khadra, Casablanca - Tél. : (0522) 98.41.64/66 - Fax : (0522) 98.40.22 - Adresse web : www.fnh.ma

SOMMAIRE

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FINANCES NEWS HEBDO VENDREDI 28 NOVEMBRE 2025

4 ACTUALITÉ

33 POLITIQUE

Editorial

Interpol à Marrakech : Le Maroc, carrefour de la sécurité mondiale

Voyons voir : Palestine : Gare à l’épuisement de l’espoir !

Point Bourse Hebdo : Fin du cycle haussier sur les actions ? Marché obligataire : La suractivité du Trésor ravive les tensions sur le court terme IPO : Le marché casablancais change d’échelle Salon de l’épargne 2025 : Intérêt croissant des par- ticuliers pour la gestion patrimoniale 5 6 8 13 BOURSE & FINANCES

Fatima Ouriaghli Directeur général, Responsable de la publication

34 L'UNIVERS DES TPME

Entretien avec Ali Daia : Gestion immobilière, GRD Services redessine les standards du secteur

A L’épargne prend la parole

nfa Park, les stands sont dressés. Sous un beau chapiteau, cohabitent pour quatre jours banques, compagnies d’assurances, institutions financières, sociétés de gestion, sociétés cotées à la Bourse de Casablanca et autres spécialistes de la gestion de patrimoine. Tous, réunis dans le cadre du Salon de l’Epargne organisé par Finances News Hebdo, ont un même objectif : séduire l’épargnant marocain. Lui, de son côté, observe, réfléchit et surtout, attend qu’on vienne lui parler autrement. Et il n’est pas déçu. Car ce rendez-vous annuel, qui en est à sa troisième édition, n’est plus une curiosité dans le paysage financier marocain. Il est devenu une agora et un espace de réflexion et de transmission, où tout un écosystème vient à la rencontre de son véritable partenaire stratégique : le citoyen-épargnant. Pas celui qui cache son argent dans les bas de laine, mais celui qu’on cherche à éclairer pour qu’il comprenne, compare, choisisse et participe à l’économie nationale. Ce Salon, disons-le modestement, n’est pas un Salon comme les autres. Il n’a pas été conçu pour vendre, mais pour expliquer. Pour casser les barrières du jargon, faire tomber la peur des marchés financiers et donner au grand public (étudiants, ménages, jeunes actifs, investisseurs…) une clé d’entrée vers un univers perçu comme technique, parfois intimidant, mais souvent méconnu. Ici, on ne parle pas de capitalisation boursière ou de placement financier comme dans une salle des marchés, on en parle comme on parlerait de patrimoine, d’avenir, de sécurité et de projet de vie. Et c’est précisément cette approche pédagogique qui justifie la présence des institutions financières, mais aussi l’organisation d’un tel événement par Finances News. Un hebdomadaire qui, modestement, s’est imposé comme un médiateur indispensable dans cette aventure. Car l’épargne, avant d’être un acte, est une idée. Et cette idée, il faut la construire, la diffuser et la rendre accessible. Bref, il faut la rendre familière. Depuis vingt cinq ans, Finances News Hebdo s’efforce de décoder l’éco- nomie et les marchés financiers, non pas pour les spécialistes, mais pour les citoyens. Nous avons expliqué les introductions en Bourse quand elles semblaient réservées à une élite, l’OPCVM quand il n’était qu’un sigle obscur ou encore les fintechs quand elles n’étaient encore qu’un concept importé. Nous avons suivi la naissance de l’éducation financière au Maroc, la montée de la bancarisation ainsi que les efforts de Bank Al-Maghrib et de l’AMMC pour réguler le système bancaire et le marché des capitaux. Et, surtout, nous avons posé les mêmes questions que se posent de nombreux citoyens : Que faire de mon épargne ? Où la placer ? Comment comprendre ce que me propose ma banque ? Le Salon de l’Epargne est né de cette conviction : l’information ne suffit pas. Il faut aussi un lieu, un format et un dialogue direct. Il fallait un espace où l’on pose des questions simples et sans gêne. Un lieu où l’on découvre que l’épargne n’est pas un sacrifice, mais une stratégie. Et c’est cela le fil de cet événement : il réconcilie les citoyens avec le concept d’épargne, crée un pont entre les institutions et les individus et rappelle que sans épargne, il n’y a pas de financement long. u

ECONOMIE

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AIF 2025 : Comment mobiliser le capital privé de l’Afrique ? 5G : Le Maroc a réussi le lancement, reste à réussir l’impact économique Entretien avec Khalid Ziani : Internet, «La 5G ne produira son impact que si le Maroc corrige ses failles structurelles» Nucléaire : Le Maroc peut-il se permettre de rester à l’écart ? Entretien avec Anwar Ouazzani-Chahdi : «Sans nucléaire, le Maroc ne pourra ni décarboner son électricité ni garantir sa souveraineté énergé- tique» Entretien avec Khalid Kabbadj : Attractivité com- merciale, «La diplomatie économique projette le Maroc comme plateforme d’intégration africaine» Consommation : Le temps du pain à 1,20 DH touche- t-il à sa fin ? Entretien avec Me Abdelhakim El Kadiri Boutchich : Financements alternatifs, «Sans la confiance, aucun système de Zakat ne peut fonctionner» Entretien avec Dalila Ennaciri : Copropriété, Un défi de gouvernance majeur Nador West Med : Un nouvel atout géoéconomique

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Innovation : À Dakhla, le Maroc marie IA et éner- gie verte 36 DEVELOPPEMENT DURABLE

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HIGH-TECH

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Pannes mondiales : Un Internet hypercentralisé qui montre ses limites Entretien avec Hakam Boubker : Gaming, «Un sec- teur qui avance, mais à pas de velours»

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• Directeur des rédactions & Développement : David William • Journalistes : Charaf Jaidani, Leïla Ouriaghli, Adil Hlimi, Youssef Seddik, Khalid Aourmi, Ibtissam Zerrouk, Désy Mbakou • Révision : M. Labdaouat • Directeur technique & maquettiste : Abdelillah Chamseddine • Mise en page : Zakaria Beladal

• Assistantes de direction : Amina Khchai • Département commercial : Samira Lakbiri, Rania Benchaib • Administratif : Fatiha Aït Allah • Édition : JMA CONSEIL • Impression : Maroc Soir • Distribution : Sochpress • Tirage 5.000 exemplaires • Dépôt légal : 157/98 • ISSN : 1114-047 • Dossier de presse : 24/98 • N° Commission paritaire : H.F/02-05 • S.A.R.L. au capital de 5.000.000,00 DH - C.N.S.S. 600 50 62 I.F. 1022303 - Patente 35770001 - ICE N° : 001526693000021

• Directeur Général responsable de la Publication : Fatima OURIAGHLI Contact : redactionfnh@gmail.com

VOYONS VOIR

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Palestine

Gare à l’épuisement de l’espoir !

rappelé que la question palestinienne dépasse les cycles de violence et de négociation. «C’est aussi le moment pour nous de vous assurer à nouveau de l’engagement ferme et constant du Royaume du Maroc en faveur de la ques- tion palestinienne, en contribuant de manière constructive et efficace aux efforts de recherche d’une solution juste à cette question, considérée comme la clé de voûte pour instaurer la paix et la stabilité au Moyen-Orient», souligne le Souverain. Cette phrase n’est pas un simple rappel diplo- matique. Elle est une orientation stratégique. Elle traduit la conviction que toute paix régionale et toute stabilisation durable passe nécessaire- ment par une Palestine libre, unie et administrée par ses institutions légitimes, avec Al-Qods Oriental pour capitale, dans le cadre de la solu- tion à deux Etats. Sauf que malgré les appels répétés de la diplomatie internationale pour un Etat palestinien, Israël entrave toute démarche dans ce sens. En effet, si Gaza entrevoit un début d’apai- sement, la Cisjordanie continue de vivre une réalité sombre, avec notamment l’expansion des colonies, les agressions quotidiennes et les menaces d’annexion. «Ces agissements, s’ils persistent, menacent de nous entraîner dans la spirale d’un affrontement religieux qui pourrait,

qu’à Dieu ne plaise, embraser la région toute entière», a averti le Roi. Des propos clairs pour qui sait lire. A mesure que le monde redécouvre la centralité de la cause palestinienne, une vérité s’impose : il n’existe pas de paix sans justice, pas de sta- bilité sans dignité. Le Souverain l’a affirmé avec force dans son message. «La solution à deux Etats est donc devenue une exigence immé- diate dictée par le réalisme politique. Dans le même temps, elle revêt une portée humanitaire et morale en vertu de laquelle justice doit être rendue à un peuple privé depuis des décen- nies de ses droits politiques légitimes et de sa dignité que garantissent pourtant toutes les lois divines et séculières», a-t-il déclaré. Cette déclaration, profondément humaine, replace la Palestine au centre de la conscience internationale, non pas comme un dossier en suspens, mais comme la quête d’un peuple pour son droit à la vie et à la liberté. Alors, aujourd’hui plus que jamais, la commu- nauté internationale doit passer du discours à l’action. En ce sens qu’il faut soutenir l'Autorité palestinienne, protéger la ville sainte d’Al-Qods et engager un processus politique défini dans le temps et non livré à l’usure des promesses. Car rien n’est plus dangereux que l’épuisement de l’espoir. ◆ oui , je souhaite m’abonner à cette offre spéciale pour 1 an BULLETIN D’ABONNEMENT Mon abonnement comprend : ❑ 48 numéros Finances News hebdo & 2 numéros du Hors-série. Voici mes coordonnées : ❑ M ❑ Mme ❑ Mlle Nom/Prénom : ................................................................................... Adresse : ............................................................................................ Ville : ............................. Code Postal : ............................................ Tél : ........................................ Fax : ................................................. E-mail : ............................................................................................. Mon règlement ci-joint par : ❑ Chèque bancaire ou virement bancaire à l’ordre de JMA Conseil : Banque Populaire, Agence Abdelmoumen, Compte N° 21211 580 5678 0006-Casablanca - (Maroc)

L a question palestinienne n’est pas seulement une cause humanitaire ou politique. Elle est le miroir de notre conscience collective. C’est sous cet angle qu’il faut apprécier le message de l’ONU à l’occasion de la Journée internationale de solidarité avec le peuple pales- tinien, célébrée cette année le 25 novembre. Les Nations unies ont en effet rappelé que le droit des Palestiniens à disposer de leur Etat «n’est pas un privilège à gagner, mais un droit à défendre» , selon les mots d’Annalena Baerbock, présidente de l’Assemblée générale. António Guterres, lui, a averti qu’il fallait désor- mais progresser de manière «irréversible» vers une solution à deux Etats. L’accord de cessez- le-feu constitue, selon le secrétaire général, une «lueur d’espoir» , mais encore faut-il la transfor- mer en paix durable. Par D. William

C’est précisément dans ce moment charnière que s’élève la voix du Maroc. Non pas seulement comme observateur concerné, mais comme acteur engagé. Dans son message adressé au Président du Comité des Nations Unies pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, Coly Seck, le Roi Mohammed VI a

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Point Bourse Hebdo Fin du cycle haussier sur les actions ?

A Le Masi enchaîne les replis et voit sa dynamique s’essouffler, entre prises de bénéfices, tensions sur la liquidité et absence de catalyseurs. Le cycle haussier reste intact, mais pour combien de temps encore ? et qui aspire une partie de la liqui- dité, et des valorisations tendues sur certains dossiers qui appellent un rééquilibrage. Toutefois, les pro- fessionnels relativisent les récentes secousses du marché boursier casablancais. Selon Idriss Berrada, Directeur général d’Attijari Finances, la correction observée ces dernières semaines n’est qu’une phase de prises de bénéfices, et «ne remet en rien en cause la dynamique de fond du marché». Par Y . Seddik

Evolution de l'indice Masi depuis début novembre 2024

une semaine de la fin du mois, les acheteurs n’ont toujours pas réussi à reprendre la main. Le Masi aligne une troisième semaine de baisse avec un recul de 2,36%, et la légère respira- tion de vendredi n’a pas suffi à chan- ger le ton. La performance annuelle, qui flirtait avec les 37% en plein été, se retrouve ramenée autour de 23%. À ce rythme, et si les vendeurs gardent le tempo, novembre pour- rait devenir le mois le plus baissier depuis mars 2020, avec pour l’heure un repli mensuel de 7,34%. La volatilité s’est nettement ten- due. Les séances sont devenues plus nerveuses, plus irrégulières, et cette agitation risque de durer avec l’arrivée du flot de publications trimestrielles. L’absence de cata- lyseurs, elle, pèse clairement. Pas de nouvelles macro, pas de signaux sectoriels puissants, pas encore d’annonces capables d’inverser la dynamique. Plusieurs facteurs expliquent en effet le mouvement actuel : prises de bénéfices logiques après une année exceptionnellement géné- reuse, flux vendeurs de certains OPCVM, un effet d’éviction lié aux levées en OPCI publics qui dure

TOP Performances

FLOP Performances

Maroc Leasing Vicenne Involys

-10,22%

+5,97% +5,97%

Dari Couspate Balima Salafin

-7,41%

-7,37%

+4,28%

Les volumes, eux, reflètent un mar- ché plus sélectif. Seuls 1,08 milliard de dirhams ont changé de mains, un niveau plus faible que ces dernières semaines, mais concentré sur les blocs lourds de la cote, à savoir ban- caires, BTP, télécoms et d’autres grosses cylindrées. Attijariwafa bank domine les échanges avec 188 MDH (17,35%), suivie de TGCC (142,7 MDH) et Maroc Telecom (61 MDH). Par ailleurs, on verra si les deux introductions en Bourse program- mées d’ici mi-décembre, Cash Plus, déjà bien suivie par les investisseurs, et surtout SGTM, la plus grosse IPO depuis celle de Maroc Telecom en 2024, pousseront une partie des opérateurs à revenir dans le mar-

ché. Le contexte n’aide pas, mais la profondeur des opérations pourrait suffire à réactiver une partie de la demande et apporter le surplus de carburant que les haussiers peinent à trouver. Autre élément à relever : la der- nière semaine du mois coïncide avec la date limite des publications T3. Une trentaine d’émetteurs n’ont pas encore publié. Ce flux va certaine- ment accroître la volatilité, avec des réactions parfois disproportionnées au vu du climat actuel. Techniquement, et on y reviendra plus bas, le marché s’est posé sur un support majeur autour de 18.200 points, une zone testée à plusieurs

reprises ces derniers mois et qui joue à nouveau son rôle. La tendance de fond n’est pas rompue, mais le Masi évolue désormais dans un environ- nement où l’inertie haussière ne suffit plus. Il lui faudra des arguments plus solides pour repartir. En résumé, le marché traverse un mois délicat avec moins d’enthou- siasme, plus de prudence, des flux plus erratiques et une liquidité qui se fragmente. Ce mois de novembre pourrait n’être qu’une pause dans un cycle haussier toujours valide. Mais s’il devait se refermer sur une nou- velle jambe de baisse, la question deviendra légitime : la série haus- sière touche-t-elle à sa fin ? ◆

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«de faire le plein» , pesant méca- niquement sur les taux du court et du moyen terme. Les inves- tisseurs, eux, demeurent pré- sents (souvent en excès) mais orientent davantage leurs stra- tégies vers les durations inter- médiaires, considérées comme le meilleur point d’équilibre entre portage et risque directionnel. À l’échelle de la fin d’année 2025, les projections restent gérables. Le besoin de finance- ment brut est estimé à 32,2 Mds de DH, qui inclut 5,4 Mds de DH pour la couverture du déficit et des arriérés et 26,8 Mds de DH de tombées, majoritairement domestiques. «Malgré le repli récent de la liquidité institutionnelle, nous considérons que les fondamen- taux plaident toujours pour une détente graduelle des taux. La trajectoire désinflationniste reste solide et les tombées du Trésor reviennent vers des niveaux plus normatifs, ce qui réduit la pres- sion sur le CT lors des pro- chaines adjudications» , précise notre interlocuteur. Selon la Loi de Finances 2025, 17,2 Mds de DH seront mobili- sés à l’international, laissant 15 Mds de DH à lever sur le mar- ché intérieur d’ici fin décembre. Rapporté au profil de finance- ment mensuel, ce niveau soit environ 5 Mds de DH par mois, demeure «très modéré» et n’est pas, en soi, de nature à générer des tensions durables sur les rendements. La pression récente semble donc davantage conjoncturelle que structurelle.

 Malgré un niveau faible de tombées attendues en décembre, le Trésor continue «de faire le plein», pesant mécaniquement sur les taux du court et du moyen terme.

Marché obligataire La suractivité du Trésor ravive les tensions sur le court terme

D Porté par une cadence de levées nettement accélérée, le Trésor dépasse ses besoins annoncés et imprime de nouvelles tensions sur les maturités courtes, malgré une tendance de fond qui reste orientée à la détente. Par Y. Seddik

epuis plusieurs semaines, le Trésor adopte un tempo de financement nettement plus soutenu sur le marché domes- tique, multipliant les levées entre 4 et 7 milliards de dirhams par séance d’adjudication. Une cadence inhabituelle qui, séance après séance, finit par remodeler l’équilibre entre offre publique et appétit des investisseurs, et par imprimer de nouvelles pressions sur la courbe des taux, en parti- culier sur les segments courts et intermédiaires. La dernière adjudication du mois donne la mesure du mouvement. Face à une demande solide de 8 Mds de DH, concentrée à 80% sur le 2 ans, le Trésor retient 4,3 Mds de DH, soit un taux de satisfaction de 54%. Mais c’est surtout la dynamique cumulative qui interpelle, puisque la levée du mois atteint 15,9 Mds de DH,

soit 55% au-dessus du besoin prévisionnel de 10,3 Mds de DH. Le marché n’avait plus vu un tel niveau de demande (38,2 Mds de DH) depuis juillet 2024. Cette suractivité s’est immédiatement reflétée sur les taux : +16 pb sur le 2 ans en primaire, et jusqu’à +17 pb sur le secondaire. Le segment court, traditionnelle- ment amortisseur, a cette fois absorbé l’essentiel du choc. Les données compilées par BKGR confirment une pres- sion diffuse mais tangible sur l’ensemble de la courbe : la maturité 26 semaines enregistre ainsi la plus forte hausse, autour de +17 pb, tandis que le 52 semaines progresse de près de +8 pb. Le mouvement est encore plus marqué sur le 2 ans, qui s’apprécie d’environ +16,6 pb, quand le 10 ans suit avec une avancée plus contenue, de

l’ordre de +6,5 pb. «Le mouvement haussier obser- vé ces dernières semaines reste, selon nous, avant tout d’ordre conjoncturel. Le rythme de financement autour de 10 à 15 milliards de dirhams par mois demeure largement absorbable par le marché et n’a pas, en soi, la capacité de créer des tensions persistantes sur la courbe. La hausse des rende- ments actuelle reflète unique- ment un effet temporaire de liquidité. Une fois l’accélération des levées du Trésor digérée et les flux vers la dette privée stabilisés, nous anticipons une normalisation progressive des niveaux de rendement, à l’image du début d’année» , nous précise un gérant taux. Ainsi, malgré un niveau faible de tombées attendues en décembre, le Trésor continue

Effet de ciseaux sur la liquidité

Depuis octobre, plusieurs fac- teurs contribuent à un reflux de la liquidité institutionnelle. D’un côté, l’accélération tardive des levées du Trésor pour rattraper un taux de réalisation très faible à fin septembre (seulement 11%, soit 3,8 Mds de DH sur une cible annuelle de 35 Mds de DH). Et de l’autre, le retour en force des émissions actions et dette privée, qui captent une partie des ressources disponibles. Cet

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affaiblissement relatif du réservoir obligataire a mécaniquement poussé certains taux à la hausse. Les ana- lystes s’accordent toutefois pour y voir un ajustement technique, cir- conscrit dans le temps. Par ailleurs, plusieurs éléments continuent de soutenir l’idée d’une normalisation, voire d’un reflux pro- gressif de la courbe. La désinfla- tion, d’abord, se consolide mois après mois, permettant au marché d’anticiper une politique moné- taire qui devrait s’installer dans un régime plus stable à moyen terme. Parallèlement, le profil des tombées du Trésor s’oriente vers des niveaux plus normatifs après le pic d’octobre, réduisant mécaniquement la pres- sion sur les adjudications à venir. L’ensemble forme un socle suffi- samment robuste pour que les mai- sons de recherche maintiennent, à

À l’inverse, le long terme pourrait conserver un léger biais haussier, alimenté par des besoins de finan- cement encore conséquents et une visibilité budgétaire moins confor- table. Dans cette configuration, les inves- tisseurs semblent conserver leur cap en favorisant les maturités inter- médiaires, qui offrent aujourd’hui le meilleur compromis entre rende- ment, sensibilité et visibilité. ◆

La levée du mois de novembre atteint 15,9 Mds de DH, soit 55% au-dessus du besoin prévisionnel de 10,3 Mds de DH.

ce stade, leur scénario central : la tendance baissière de fond des taux obligataires demeure intacte. À court terme, le marché devrait évoluer dans une relative stabilité,

malgré le creusement du déficit de la liquidité bancaire. La partie courte de la courbe apparaît «ancrée», portée par une demande primaire toujours vigoureuse, notamment sur le 2 ans.

EN BREF

Les Eaux Minérales d’Oulmès lève 350 MDH pour soutenir son plan de développement L es Eaux Minérales d’Oulmès ouvre à partir du 1 er décembre une émission d’Obligations rem- boursables en actions (ORA) réservée à des investisseurs qualifiés, pour un montant global de 350 millions de dirhams. Cette opération vise à accompagner l’ambition de croissance durable de la société à l’horizon 2030. Elle permettra notamment de renforcer les capacités industrielles (≈236,5 MDH) à travers la modernisation et l’extension des lignes de production, l’automatisation ciblée et l’augmentation des rendements. Une enveloppe d’environ 35 MDH sera consacrée à l’innovation produit, incluant de nouvelles gammes d’eaux aromatisées et fonctionnelles ainsi que des investissements en R&D et packaging. Le plan prévoit également 47 MDH pour le développement de la logistique et de la distribution, avec l’extension du réseau, l’amélioration du stockage et l’optimisation de la chaîne logis- tique. La transformation digitale béné- ficiera d’environ 20 MDH, dédiés à la mise en place de solutions ERP/CRM, d’outils prédictifs et de systèmes de traçabilité. réduction du plastique et la gestion responsable des ressources en eau. Les ORA proposées portent une matu- rité de 2 ans et 6 mois, un taux nomi- nal de 3,59% assorti d’une prime de risque de 120 points de base, et seront négociables de gré à gré.

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IPO Le marché casablancais change d’échelle I Entre 2020 et 2025, huit entreprises marocaines ont fait le choix de s’introduire en Bourse. Ce mouvement, amorcé timidement avec Aradei Capital fin 2020 en pleine pandémie, a pris de l’ampleur au fil des années avec TGCC, Disty Technologies, Akdital, CFG Bank, CMGP Group, Vicenne et tout récemment Cash Plus et SGTM. En cinq ans, ce sont près de 5 milliards de dirhams qui ont été levés sur le marché primaire. Par Y. Seddilk comme une contrainte adminis- trative, mais comme un levier de financement structurant et un vecteur de gouvernance. Une participation record du public

ductions offre une photographie fidèle du tissu productif maro- cain. Les sociétés issues du BTP, de la santé, de l’agriculture et des services financiers dominent le mouvement, et reflètent éga- lement les grands chantiers de la décennie : urbanisation, sou- veraineté alimentaire et déve- loppement du capital humain. Cette diversification tranche avec les années précédentes, où la cote marocaine restait concen- trée sur les banques, l’immobi- lier et les télécoms. La Bourse de Casablanca attire désormais des entreprises de croissance, en phase avec les transformations économiques du pays. Au-delà des volumes levés, la structure des opérations a évo- lué. Les augmentations de capital dominent les simples cessions d’actions, signe que les socié- tés cherchent à financer leur expansion plutôt qu’à offrir de la liquidité à leurs actionnaires his- toriques. La qualité de la prépa- ration (gouvernance, audit, com- munication financière) s’améliore visiblement, sous l’impulsion de l’AMMC et de la Bourse de Casablanca. En parallèle, l’intro- duction d’un marché alternatif commence à porter ses fruits : Disty Technologies a ouvert la voie à un modèle de cotation simplifié, mieux adapté aux PME à potentiel. Malgré ces avancées, le mar- ché primaire reste étroit par rap- port au potentiel économique du pays. La capitalisation flottante ne représente qu’un très petit pourcentage du PIB, et la liquidi- té sur certaines nouvelles valeurs retombe rapidement après la période de cotation initiale. Les analystes soulignent également le faible nombre d’acteurs étran- gers actifs sur le marché maro- cain, limitant la profondeur des échanges. L’enjeu, à moyen terme, sera de transformer l’intérêt ponctuel en participation durable. Cela passe par une offre d’information adap- tée aux particuliers, une politique de dividendes cohérente et un renforcement du rôle des socié- tés de Bourse dans l’accompa- gnement post-introduction. ◆

l faut dire que cette nouvelle séquence d’IPO marque le retour d’une Bourse qui retrouve pro- gressivement sa fonction pre- mière de financement de l’éco- nomie. Les introductions ne concernent plus seulement les grands groupes, mais touchent désormais des entreprises de taille intermédiaire, issues de sec- teurs variés et souvent soutenues par des investisseurs en capital- développement. Lors de la conférence de pré- sentation de l’IPO de Vicenne, Younes Benjelloun, cofonda- teur et Directeur général de CFG Bank, a replacé cette dynamique dans une perspective plus large. Pour lui, le regain d’activité sur le marché primaire traduit la montée en puissance d’un « écosystème» où les entreprises grandissent, s’ouvrent au capital-investisse- ment, puis sollicitent la Bourse pour financer la prochaine étape de leur développement. «Nous étions sur un rythme d’une

introduction par an; je pense que nous passerons bientôt à trois. L’objectif ultime serait d’atteindre une opération par mois», a-t-il indiqué, souhaitant que ce cercle vertueux s’accélère. Selon lui, une cadence plus soutenue per- mettrait de refléter la diversité de l’économie marocaine, encore peu représentée dans certains secteurs comme l’automobile ou le textile. «Nous avons ouvert de nouveaux compartiments, mais il reste de grandes industries absentes de la cote» , a-t-il rap- pelé. La période 2010-2019 avait été particulièrement calme : à peine quatre IPO en dix ans, une absence quasi totale d’opérations majeures et une liquidité sta- gnante. Le redémarrage constaté à partir de 2020 tient autant à la volonté des autorités de relancer la place casablancaise qu’à la maturité d’une nouvelle généra- tion de dirigeants. Ceux-ci per- çoivent désormais la cotation non

Si le montant global souscrit de ces opérations a atteint 114,4 milliards de dirhams, les deux dernières introductions, CMGP et Vicenne, ont révélé un phé- nomène inédit : l’arrivée mas- sive d’investisseurs particuliers. Vicenne a attiré plus de 37.000 souscripteurs, un record absolu pour le marché marocain, tan- dis que CMGP a dépassé les 33.000. Les taux de couverture ont atteint des niveaux rarement observés (64x pour Vicenne, 37x pour CMGP), soit une demande bien plus supérieure à l’offre pro- posée. Ces chiffres traduisent une appé- tence renouvelée du grand public pour les actifs boursiers, nourrie par la digitalisation de l’accès au marché et par la médiatisa- tion des opérations récentes. Les intermédiaires financiers confir- ment une forte hausse des ouver- tures de comptes-titres depuis fin 2023, particulièrement chez les jeunes actifs urbains. «Les IPO sont redevenues des moments d’éducation financière collective. Elles contribuent à réconcilier les ménages marocains avec l’in- vestissement en actions», nous explique un directeur de société de Bourse. Une économie réelle mieux représentée Cette nouvelle vague d’intro-

 Portée par une nouvelle génération d’entreprises et un engouement inédit du public, la Bourse de Casablanca renoue avec son rôle de moteur du financement de l’économie.

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sions ont porté sur les stratégies d’allocation en période de nor- malisation des taux, les oppor- tunités offertes par les introduc- tions en Bourse, la place des fonds mixtes dans une gestion équilibrée, ou encore les enjeux de la transmission patrimoniale. Plusieurs intervenants ont insis- té sur la nécessité de diversifier l’épargne, dans un environne- ment où les arbitrages changent plus rapidement qu’auparavant. Red Med Capital a ouvert le bal en abordant les investissements alternatifs, avant une session dédiée à l’assurance-vie animée par la Mutuelle Attamine Chaabi. La Bourse de Casablanca a ensuite attiré un large public pour son intervention sur l’accès au marché et les introductions en Bourse, un format régulièrement sollicité par les visiteurs. Tout au long de la journée, les stands se vidaient et se remplissaient au rythme de ces présentations, notamment lors des exposés de Saham Bank sur la planification d’épargne ou de Serval Asset Management sur les perspec- tives marchés 2026. Pour Finances News Hebdo, l’objectif reste d’accompagner la diffusion d’une culture finan- cière plus solide et de renfor- cer la confiance dans les ins- truments d’épargne. Les organi- sateurs soulignent que le Salon n’a pas vocation à promouvoir que des produits, mais à clarifier les mécanismes et à rendre plus lisible l’ensemble des options disponibles. Cette démarche, estiment-ils, s’inscrit dans la dynamique nationale visant à rapprocher le grand public du marché des capitaux. En réunissant l’ensemble des acteurs du secteur dans un même espace, cette troisième édition entend offrir une lecture actua- lisée des tendances qui struc- turent aujourd’hui l’épargne au Maroc. L’affluence des premières heures, les échanges nourris et la diversité des profils présents laissent entrevoir un intérêt crois- sant pour la gestion patrimoniale, à un moment où les ménages cherchent des repères pour opti- miser leurs choix financiers. ◆

 À Casablanca, la nouvelle édition du

Salon de l’épargne réunit les acteurs du marché des capitaux, au moment où les ménages s’intéressent davantage aux placements et aux stratégies patrimoniales.

Salon de l’épargne 2025 Intérêt croissant des particuliers pour la gestion patrimoniale L Cet évènement réunit à Casablanca banques, assureurs et sociétés de gestion face à un public en quête de repères dans un marché en mutation. Par Y. Seddik

a troisième édition du Salon de l’Épargne s’est ouverte mercredi matin à Anfa Park, à Casablanca, dans une atmosphère studieuse. Dès les premières heures, un flux régulier de visiteurs s’est formé devant les stands des banques, assureurs et sociétés de gestion, venus chercher des explications concrètes sur la rentabilité et les risques des produits d’épargne. L’événement, organisé par Finances News Hebdo, se tient jusqu’au 29 novembre et ras- semble plus de vingt exposants issus de l’ensemble de l’écosys- tème financier. Dans l’espace central du salon, aménagé autour d’un auditorium ouvert, les premiers échanges ont rapidement donné le ton. Avant même le lancement officiel,

plusieurs participants feuilletaient des brochures ou interrogeaient les équipes commerciales sur la fiscalité ou la performance des OPCVM. Une affluence qui, selon les organisateurs, confirme la dynamique observée ces derniers mois, marquée par une montée en puissance des particuliers sur les placements financiers. «Cette édition intervient à un moment favorable, porté par un engagement croissant des per- sonnes physiques dans la gestion de leurs finances» , rappelle Adil Hlimi, membre du comité d’orga- nisation. L’intérêt renouvelé pour la Bourse, les souscriptions sou- tenues en OPCVM obligataires et la progression de l’assurance-vie renforcent, selon lui, la nécessité d’un lieu dédié à l’information et à

la pédagogie. Le Salon, accessible gratui- tement, se veut un espace de dialogue direct avec les épar- gnants. Sur plusieurs stands, les conseillers ont été sollicités dès l’ouverture par des questions très opérationnelles : arbitrage entre placements sécurisés et pro- duits plus dynamiques, niveau des frais de gestion, modalités des contrats d’assurance-vie ou encore fonctionnement des portefeuilles sous mandat. Ces interactions, parfois techniques, témoignent d’un public mieux préparé et plus attentif au détail des mécanismes. La première journée a été ryth- mée par une série de conférences consacrées aux principales ten- dances du marché. Les discus-

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pour l'Afrique se trouvent d’abord à l'intérieur du continent, dans ses ressources et ses capacités. Elle a défini le rôle des États dans cette dynamique. «Pour nos États, donner signifie, tout d'abord, assu- mer la responsabilité souveraine de préparer le sol, consolider les fondations, construire les institu- tions, sécuriser l'environnement et inspirer la confiance. Cela signifie structurer nos économies pour les rendre prédictibles, productives et compétitives. Cela signifie assurer la stabilité macroéconomique et financière, qui reste la condition principale pour tout investisse- ment» , explique-t-elle. La ministre a également mis en avant l'ambition du Maroc d'amé- liorer la part de l'investissement privé pour qu'elle atteigne les deux tiers du total national d'ici 2035. Le Maroc travaille notamment à gérer la volatilité des changes en réa- justant le palier des devises et en élargissant la bande de fluctuation du Dirham, tout en assurant une coordination entre les politiques publiques, la macroéconomie et la Banque centrale.

 Nadia Fettah Alaoui, ministre de l'Économie et des Finances et gouverneure de la BAD pour le Maroc

AIF 2025 Comment mobiliser le capital privé de l’Afrique ?

U Un gap financier de 1,3 milliard de dollars par an. Des investissements publics qui s’essoufflent. L’Afrique doit booster son capital privé pour se développer. Par Désy M.

Miser sur des partenariats public-privé

Un partage d’expérience a été au centre du panel de haut niveau organisé à l’occasion de ces «Market days» . Les ministres par- ticipants ont exposé les actions concrètes menées pour rendre leurs économies plus attractives. Les partenariats public-privé (PPP) ont été présentés comme la «voie avancée» pour financer les investis- sements publics majeurs, le finan- cement public étant insuffisant. Ismail Nabe, ministre du Plan et de la Coopération internationale de la Guinée, l’a illustré en évoquant un projet minier intégré de 20 milliards de dollars, qui est un PPP couvrant un chemin de fer (650 km) et un port multi-usage. Il a souligné que plus de 60% de ce budget d'ex- pansion économique proviendront du secteur privé. De son côté, la Mauritanie a adopté une loi PPP innovante en 2024, jugée parmi les plus protectrices au monde, garantissant la stabilité économique, la non-nationalisation et le paiement des « outputs» ven-

ne question déterminante a réuni le mercredi 26 novembre à Rabat les hautes autorités financières de plusieurs Etats ainsi que les institutions financières africaines et d’ailleurs, pour discuter de ce thème important : «Combler le fossé : Mobiliser les capitaux pri- vés pour libérer tout le potentiel de l’Afrique». L’Africa Investment Forum (AIF) 2025 a, en effet, mis en lumière l’urgence absolue pour le continent de combler un déficit de financement estimé à 1,3 milliard de dollars par an pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD). Face à ce besoin colossal, le financement public, bien qu'essentiel, est jugé insuf- fisant, rendant la mobilisation du capital privé non seulement cru- ciale, mais impérative. Le Forum, orgaisé par la Banque africaine de développement (BAD)

et ses partenaires, s'est position- né comme le levier essentiel pour transformer les projets en déci- sions, forger des partenariats et générer un impact concret. Pour la première fois au Maroc dans sa casquette de président du Groupe de la BAD, Sidi Ould Tah a, dans son allocution, rappelé une vérité : « fini la période où il faille compter sur les dons et les aides au développement pour bâtir le continent. L'une des urgences pour l'Afrique aujourd’hui est d'accé- lérer la mise en œuvre de solu- tions concrètes pour accéder au financement et libérer son potentiel industriel». Ould Tah a souligné que l'Afrique, dont la force de travail dépassera d'ici 2050 celles de la Chine et de l'Inde réunies, doit transformer cette démographie en puissance écono- mique. Pour ce faire, la BAD vise

à mobiliser massivement les capi- taux privés. L'objectif est d'ampli- fier la mobilisation des ressources nationales et internationales en uti- lisant des instruments innovants et des mécanismes capables de multiplier chaque Dollar de capital investi par dix. Il est impératif, selon lui, de «brider les lignes qui existent entre le secteur public et le secteur privé, entre le capital et les projets, et entre l'ambition et l'achat» . Assurer la confiance Cette mobilisation du secteur privé dépend directement de la capacité des États africains à créer des envi- ronnements stables, prévisibles et équitables, gage de confiance pour les investisseurs. Nadia Fettah Alaoui, ministre de l'Économie et des Finances et gouverneure de la BAD pour le Maroc, a insisté sur la conviction que les solutions

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dus à l'État, même si l'État n'en a pas besoin. Le ministre mauritanien Abdallah Souleymane Cheikh Sidia a appelé la BAD à fournir l'expertise (juridique, financière, économique) nécessaire pour structurer ces par- tenariats. Même la Zambie, qui a connu la crise après son défaut de paie- ment en 2020, a appris une «bonne leçon» et s'appuie désormais entièrement sur le secteur privé pour relancer sa croissance. Son ministre des Finances, Situmbeko Musokotwane, a expliqué que «l'enjeu dépasse la seule résolu- tion de la dette, visant à satisfaire les attentes des jeunes en matière d'emplois. La stratégie nationale se concentre sur l'attraction de capitaux privés dans les ressources minérales (plus de 7 millions de dollars d'investissements récents) et le financement d'infrastructures logistiques majeures comme le Corridor de Lobito. Le rôle princi-

nue sur le fait que les investisseurs recherchent la rentabilité et la capa- cité d'exécution, et non seulement le potentiel. Ainsi, l'AIF devra tra- vailler tout au long de l'année pour préparer un pipeline de projets à l'échelle recherchée. «L'échelle ne se trouvera pas toujours dans chaque pays ou dans les grands sujets, parce que nos économies ont la taille qu'elles ont... J'espère que l'AIF nous aidera à structurer cette proposition de valeur du Nord au Sud, de l'Est à l’Ouest», a relevé la ministre. Cette édition 2025 de l'AIF marque une reconnaissance continentale que l'avenir de l'Afrique repose sur une alliance solide entre le secteur public, architecte de la confiance, et le capital privé, moteur de la transformation structurelle. Comme l'a rappelé le président Ould Tah en citant Nelson Mandela, «le moment est venu de réduire les abîmes qui nous séparent». ◆

La mobilisation du secteur privé dépend directement de la capacité des États africains à créer des environnements stables, prévisibles et équitables, gage de confiance pour les investisseurs.

le capital commercial.

pal du gouvernement est de rendre l'environnement des affaires plus favorable, garantissant des appro- bations d'investissement en moins de 45 jours». L'intégration régionale est égale- ment un levier stratégique. Ahmed Shide, ministre des Finances de l'Éthiopie, a souligné l'aligne- ment des politiques nationales avec les cadres régionaux (IGAD et COMESA) pour garantir aux investisseurs un accès au vaste marché africain de 1,4 milliard de personnes. L'Éthiopie utilise d'ail- leurs des instruments de finance- ment innovants comme la titrisation et le financement mixte (Blended finance) pour réduire les risques pour les partenaires privés et attirer

L'AIF, un accélérateur de pro- jets bancables L'Africa Investment Forum est vue comme un catalyseur indispen- sable pour transformer les idées en investissements bancables. Cependant, les intervenants ont formulé des attentes claires pour renforcer l'efficacité de la plate- forme. La ministre des Finances de la Côte d’Ivoire, Niale Kaba, a insisté sur la nécessité pour l'AIF d'accompagner les projets pour atteindre la maturité en amont, car «le problème de l'Afrique, c'est que les opportunités, les projets, ne sont pas matures». La ministre Nadia Fettah est reve-

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5G Le Maroc a réussi le lancement, reste à réussir l’impact économique Un mois après le déploiement de la 5G, le Maroc aborde l’étape la plus déterminante : transformer cette prouesse en gains économiques tangibles, réduire les disparités territoriales et définir un modèle durable pour les opérateurs comme pour les consommateurs. Par R. Mouhsine

couvertes en priorité. Nous n’avons pas cette transparence» , note-t-il. Dans ces régions, les habitants uti- lisent encore des réseaux 2G, par- fois une 3G trop faible pour lancer la moindre application moderne. Le contraste avec les expérimen- tations de 5G à Casablanca illustre un pays où les vitesses se mesurent parfois en gigabits, parfois en kilo- bits. Cette fracture territoriale croise un autre défi, celui du modèle éco- nomique. Les opérateurs affirment que la 5G ne coûte rien au consom- mateur. Techniquement, c’est exact aucun changement de SIM, aucun nouveau forfait obligatoire. Dans les faits, la perception grand public est tout autre. «Les utilisateurs auront l’impression que la 5G leur coûte plus cher, non pas parce que les prix ont augmenté, mais parce que la technologie consomme plus de data, plus vite» , explique Ziani. Les applications tournant en arrière- plan téléchargent davantage en quelques secondes qu’en plusieurs dizaines de secondes sur la 4G. Résultat : les recharges se vident plus vite. Les opérateurs ont aug- menté légèrement les dotations data sur les offres prépayées, mais selon Ziani, «cette augmentation est insuffisante. Les volumes auraient dû être doublés». Ce débat sur les coûts en cache un autre, beau- coup plus stratégique : celui de la mutualisation des infrastructures. Le Maroc a fait un premier pas avec la joint-venture entre inwi et Maroc Telecom, mais l’expert estime qu’il ne s’agit que d’une phase tran- sitoire, très éloignée du modèle des opérateurs d’infrastructures neutres qui transforme aujourd’hui les marchés les plus avancés. «Nous n’avons pas encore un véri- table opérateur d’infrastructures indépendant. Tant que ce modèle ne sera pas pleinement opération- nel, les coûts resteront trop élevés et la couverture progressera trop lentement», explique-t-il. Pour lui, la fibre optique doit devenir la colonne vertébrale unique du réseau, et sa mutualisation totale est une condi- tion indispensable à la montée en charge de la 5G.

 Un mois après le lancement de la 5G, le Maroc entre dans la phase décisive de son déploiement national.

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rès d’un mois après l’activation simultanée de la 5G par les trois opérateurs marocains, l’euphorie des premiers jours laisse place à un débat plus concret : que change réellement cette nouvelle infrastruc- ture pour l’économie, pour les opé- rateurs et pour les consommateurs ? Derrière les débits élevés aperçus à Casablanca ou Rabat, derrière l’apparition du logo 5G sur des millions de téléphones compatibles, une autre réalité se dessine déjà. Celle d’un pays qui doit transformer un lancement technologique spec- taculaire en véritable accélérateur économique, sous peine de voir la 5G rester une prouesse technique concentrée dans les grands centres urbains. Enjeux structurels Le Maroc a procédé à l’un des déploiements les plus rapides du continent. Plus de cent villes ont été couvertes dès les premières heures, les tests montrent des

pointes dépassant parfois les deux gigabits par seconde, et les opé- rateurs se targuent d’une migra- tion «sans surcoût» depuis la 4G. Pourtant, derrière cette dynamique apparente, les enjeux structurels ressurgissent déjà, comme le sou- ligne l’expert télécoms Khalid Ziani. Pour lui, l’équation est claire : la question n’est plus de savoir si le Maroc avait la capacité technique de lancer la 5G - c’est désormais fait -, mais s’il dispose du modèle institutionnel, financier et territorial capable de la rendre réellement accessible. Le premier défi, souvent passé sous silence, concerne la couverture. Les opérateurs évoquent une ambition de 70 à 85% de population couverte d’ici 2030, un objectif qui paraît atteignable sur le papier, mais qui porte en lui un biais majeur. «Une couverture 5G de la population ne signifie pas une couverture du territoire, et c’est là que tout se joue», rappelle Ziani. Le pays vit

un exode rural massif; concentrer les antennes dans les villes, même moyennes, permet mécaniquement d’atteindre ces 70%. Le problème, ajoute-t-il, surgit lorsqu’on regarde la carte plutôt que les statistiques : «nous n’atteindrons pas 70 à 85% de couverture territoriale avec les moyens actuels et l’organisation actuelle du secteur». Autrement dit, la 5G risque de reproduire, voire d’accentuer, les fractures numé- riques déjà visibles en 4G. Fracture territoriale À cela s’ajoute un second enjeu, moins visible pour le grand public : les zones blanches et grises, qui représentent plus de 40% du terri- toire national. Ziani rappelle que le plan national haut débit, pourtant essentiel pour hiérarchiser les prio- rités de couverture, n’est toujours pas public. Une anomalie à ses yeux. «Dans tous les autres pays, ce plan est public. Il définit préci- sément quelles zones doivent être

Pression sur la cybersécurité Au-delà des aspects techniques et

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