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ECONOMIE

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FINANCES NEWS HEBDO VENDREDI 28 NOVEMBRE 2025

5G Le Maroc a réussi le lancement, reste à réussir l’impact économique Un mois après le déploiement de la 5G, le Maroc aborde l’étape la plus déterminante : transformer cette prouesse en gains économiques tangibles, réduire les disparités territoriales et définir un modèle durable pour les opérateurs comme pour les consommateurs. Par R. Mouhsine

couvertes en priorité. Nous n’avons pas cette transparence» , note-t-il. Dans ces régions, les habitants uti- lisent encore des réseaux 2G, par- fois une 3G trop faible pour lancer la moindre application moderne. Le contraste avec les expérimen- tations de 5G à Casablanca illustre un pays où les vitesses se mesurent parfois en gigabits, parfois en kilo- bits. Cette fracture territoriale croise un autre défi, celui du modèle éco- nomique. Les opérateurs affirment que la 5G ne coûte rien au consom- mateur. Techniquement, c’est exact aucun changement de SIM, aucun nouveau forfait obligatoire. Dans les faits, la perception grand public est tout autre. «Les utilisateurs auront l’impression que la 5G leur coûte plus cher, non pas parce que les prix ont augmenté, mais parce que la technologie consomme plus de data, plus vite» , explique Ziani. Les applications tournant en arrière- plan téléchargent davantage en quelques secondes qu’en plusieurs dizaines de secondes sur la 4G. Résultat : les recharges se vident plus vite. Les opérateurs ont aug- menté légèrement les dotations data sur les offres prépayées, mais selon Ziani, «cette augmentation est insuffisante. Les volumes auraient dû être doublés». Ce débat sur les coûts en cache un autre, beau- coup plus stratégique : celui de la mutualisation des infrastructures. Le Maroc a fait un premier pas avec la joint-venture entre inwi et Maroc Telecom, mais l’expert estime qu’il ne s’agit que d’une phase tran- sitoire, très éloignée du modèle des opérateurs d’infrastructures neutres qui transforme aujourd’hui les marchés les plus avancés. «Nous n’avons pas encore un véri- table opérateur d’infrastructures indépendant. Tant que ce modèle ne sera pas pleinement opération- nel, les coûts resteront trop élevés et la couverture progressera trop lentement», explique-t-il. Pour lui, la fibre optique doit devenir la colonne vertébrale unique du réseau, et sa mutualisation totale est une condi- tion indispensable à la montée en charge de la 5G.

 Un mois après le lancement de la 5G, le Maroc entre dans la phase décisive de son déploiement national.

P

rès d’un mois après l’activation simultanée de la 5G par les trois opérateurs marocains, l’euphorie des premiers jours laisse place à un débat plus concret : que change réellement cette nouvelle infrastruc- ture pour l’économie, pour les opé- rateurs et pour les consommateurs ? Derrière les débits élevés aperçus à Casablanca ou Rabat, derrière l’apparition du logo 5G sur des millions de téléphones compatibles, une autre réalité se dessine déjà. Celle d’un pays qui doit transformer un lancement technologique spec- taculaire en véritable accélérateur économique, sous peine de voir la 5G rester une prouesse technique concentrée dans les grands centres urbains. Enjeux structurels Le Maroc a procédé à l’un des déploiements les plus rapides du continent. Plus de cent villes ont été couvertes dès les premières heures, les tests montrent des

pointes dépassant parfois les deux gigabits par seconde, et les opé- rateurs se targuent d’une migra- tion «sans surcoût» depuis la 4G. Pourtant, derrière cette dynamique apparente, les enjeux structurels ressurgissent déjà, comme le sou- ligne l’expert télécoms Khalid Ziani. Pour lui, l’équation est claire : la question n’est plus de savoir si le Maroc avait la capacité technique de lancer la 5G - c’est désormais fait -, mais s’il dispose du modèle institutionnel, financier et territorial capable de la rendre réellement accessible. Le premier défi, souvent passé sous silence, concerne la couverture. Les opérateurs évoquent une ambition de 70 à 85% de population couverte d’ici 2030, un objectif qui paraît atteignable sur le papier, mais qui porte en lui un biais majeur. «Une couverture 5G de la population ne signifie pas une couverture du territoire, et c’est là que tout se joue», rappelle Ziani. Le pays vit

un exode rural massif; concentrer les antennes dans les villes, même moyennes, permet mécaniquement d’atteindre ces 70%. Le problème, ajoute-t-il, surgit lorsqu’on regarde la carte plutôt que les statistiques : «nous n’atteindrons pas 70 à 85% de couverture territoriale avec les moyens actuels et l’organisation actuelle du secteur». Autrement dit, la 5G risque de reproduire, voire d’accentuer, les fractures numé- riques déjà visibles en 4G. Fracture territoriale À cela s’ajoute un second enjeu, moins visible pour le grand public : les zones blanches et grises, qui représentent plus de 40% du terri- toire national. Ziani rappelle que le plan national haut débit, pourtant essentiel pour hiérarchiser les prio- rités de couverture, n’est toujours pas public. Une anomalie à ses yeux. «Dans tous les autres pays, ce plan est public. Il définit préci- sément quelles zones doivent être

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