ECONOMIE
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FINANCES NEWS HEBDO VENDREDI 28 NOVEMBRE 2025
veut se hisser dans la cour des pays émergents industrialisés ? À court terme, le Maroc ne souffre pas d’un manque de capacités installées. La production couvre la demande, et les investisse- ments dans le solaire et l’éolien ont permis de diversifier un mix longtemps dominé par le char- bon et le fuel. Pourtant, la façade rassurante des chiffres cache une réalité plus fragile. Le facteur de charge des barrages s’est effon- dré, tombant autour de 3% ces dernières années selon Nechfate, sous l’effet d’une sécheresse structurelle. Les renouvelables, intermittentes par nature, néces- sitent des capacités d’appoint et de lissage. Surtout, un nouvel acteur entre en scène: le dessale- ment massif de l’eau de mer, qui va devenir un gouffre énergétique assumé. Horizon 2040 C’est précisément là que le nucléaire change de statut dans le débat. Charaf Louhmadi, consultant, chroniqueur et auteur, résume cela en une formule : «le nucléaire civil permet de répondre à des défis énergétiques majeurs, le premier étant la production d’énergie électrique, dans un contexte où le Royaume déve- loppe de plus en plus ses filières industrielles, particulièrement consommatrices d’énergie élec- trique». Mais il ajoute immédiate- ment un deuxième volet, moins commenté et pourtant crucial : «étant donné la sécheresse qui frappe de plein fouet le pays, le Maroc a commencé à se position- ner activement dans la produc- tion d’eau dessalée, avec comme objectif de passer à plus de 2,3 milliards de mètres cubes de pro- duction annuelle à l’horizon 2040, via la construction de plus d’une dizaine de stations, dont une usine à Casablanca, l’une des plus grandes d’Afrique. Pour cela, le nucléaire civil peut s’avérer extrê- mement utile du fait de l’énorme quantité de chaleur produite par les centrales nucléaires, à travers le procédé de distillation à détente étagée, par ailleurs utilisé dans les pays du Golfe». Le cœur de l’argument est là :
Un réacteur SMR est modulaire, standardisé et plus rapide à construire qu’un réacteur classique.
Nucléaire Le Maroc peut-il se permettre de rester à l’écart ?
A Crise hydrique durable, essor du dessalement, ambitions industrielles et dépendance persistante aux énergies fossiles : le Maroc arrive à un carrefour énergétique où les solutions «classiques» ne suffisent plus. Dans ce contexte, l’hypothèse nucléaire s’installe progressivement dans le débat stratégique. Derrière les acronymes technologiques et les déclarations diplomatiques, une ques- tion lourde se dessine : l’atome doit-il devenir l’un des piliers du mix marocain du XXI ème siècle ? Par R. Mouhsine
u départ, ce ne sont que des signaux faibles. En décembre 2023, une mission de l’Agence internationale de l’énergie ato- mique (AIEA) salue les efforts du Royaume en matière de sûreté nucléaire et radiologique. Dans la foulée, la ministre de la Transition énergétique et du Développement durable, Leïla Benali, laisse entendre qu’«une vision» est en cours d’élaboration pour intégrer le nucléaire civil au mix électrique, notamment via les Small Modular Reactors (SMR), ces réacteurs modulaires de petite puissance. Quelques mois plus tard, Moscou signe avec Rabat un accord de coopération dans le domaine de
l’énergie nucléaire civile, et Paris évoque une coopération possible sur la technologie Nuward. Ce faisceau d’initiatives n’a rien d’anodin. Comme le montre une étude détaillée publiée le 29 août 2025 sur la plateforme d’analyse publique Nechfate, le Maroc explore bel et bien l’option nucléaire comme réponse à une double tension : sécuriser son approvisionnement électrique à long terme, tout en accélérant sa transition bas-carbone. Mais l’atome, rappelle cette étude, n’est «ni une solution miracle, ni un simple gadget technologique. C’est un choix de structure, qui engage un pays pour un siècle».
Car ce n’est pas la première fois que le Royaume se prend à rêver de nucléaire. À la fin des années 1970, feu le Roi Hassan II envisa- geait déjà la construction d’une centrale sur l’Atlantique, entre Safi et Essaouira, dans le sillage du premier choc pétrolier. L’objectif est clair : desserrer l’étau de la dépendance énergétique. La sécheresse, la crise de la dette et les contraintes budgétaires des années 1980 enterreront ce pro- jet. Quarante ans plus tard, le contexte a changé, mais le fond du problème demeure : comment garantir, dans la durée, une éner- gie abondante, pilotable et com- pétitive pour une économie qui
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