ECONOMIE
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FINANCES NEWS HEBDO VENDREDI 28 NOVEMBRE 2025
technologie SMR n’est encore pleinement mature commercia- lement. La meilleure stratégie pour le Maroc consiste donc à mettre en place dès maintenant le cadre institutionnel et régle- mentaire, puis à choisir une technologie dans 5 à 10 ans, lorsque les SMR auront atteint leur maturité industrielle. F. N. H. : La dépendance à l’uranium étranger contredit-elle l’objectif de souveraineté énergé- tique? Et que penser de l’ambition de produire du «yellowcake» localement ? A. O. C : Tous les pays nucléaires dépendants d’un marché mondial du combus- tible importent une partie de leur uranium enrichi, y com- pris la France, pourtant l’un des pays les plus nucléarisés au monde. Le Maroc ne ferait pas exception. Cette dépendance initiale n’est donc pas incompa- tible avec la souveraineté éner- gétique, puisque l’approvision- nement en uranium s’appuie sur un marché diversifié, stable et faiblement soumis aux ten- sions géopolitiques. L’émergence de la jeune entre- prise Uranext, en partenariat avec l’OCP, change toutefois la donne. L’installation d’une pre- mière usine marocaine de pro- duction de yellowcake à par- tir des phosphates représente un tournant majeur. À l’horizon 2035, cette filière pourrait per- mettre au Maroc d’alimenter une partie de son futur parc SMR ou AMR avec de l’uranium appauvri issu de son propre sous-sol. Cette initiative renforce non seulement la souveraineté énergétique nationale, mais constitue également un atout pour tout le continent africain, dont les besoins énergétiques vont exploser d’ici 2050. F. N. H. : Le Maroc a-t-il la capacité de gérer le traitement et le stockage des déchets nucléaires ? A. O. C : Les SMR et AMR produisent des quantités de
Le Maroc est l’un des rares pays au monde à pouvoir extraire du yellowcake à partir de son phosphate. la montée en compétence des ingénieurs marocains. La sou- veraineté technique permet la souveraineté politique : c’est la règle d’or du nucléaire. Des partenariats «win-win» avec des pays nucléarisés doivent avant tout garantir un trans- fert réel de savoir-faire et non une simple construction clé- en-main. C’est dans cet esprit qu’une tournée de sensibilisation a récemment été menée dans plusieurs universités maro- caines pour encourager les étudiants à s’orienter vers les métiers du nucléaire civil. La gouvernance doit s’appuyer sur un triangle institutionnel solide : AMSSNuR comme régulateur indépendant; ONEE modernisé, capable d’intégrer le nucléaire dans son exploi- tation; ONHYM pour le volet ressources (yellowcake); et une stratégie claire por- tée par le ministère de la Transition énergétique. Pour garantir la souveraineté, le Maroc ne doit pas accep- ter une offre où le fournisseur garde la main sur la centrale, la maintenance, l’exploitation et le combustible. L’objectif est d’opérer un parc nucléaire par des ingénieurs marocains, au sein d’institutions maro- caines. ◆
ces deux dynamiques peuvent et doivent avancer en paral- lèle. L’expérience internationale le confirme. Les Émirats arabes unis, la Turquie, la Finlande ou encore la Corée du Sud ont engagé leurs réformes ins- titutionnelles simultanément au développement de leurs programmes nucléaires, et parfois sous la pression posi- tive que ces projets induisent. Dans tous les cas, l’essentiel est d’engager une trajectoire claire: renforcement du régu- lateur, montée en compétence technique, clarification des res- ponsabilités institutionnelles, et professionnalisation de l’opérateur. Le Maroc dispose des compétences humaines et des moyens nécessaires pour mener ces réformes au rythme requis par un futur programme nucléaire. F. N. H. : Comment éviter que le choix du partenaire nucléaire ne devienne une dépendance straté- gique ? A. O. C : Tout commence par
déchets beaucoup plus faibles que les réacteurs convention- nels. Ils utilisent notamment du combustible MOX, mélange d’uranium appauvri et de plu- tonium recyclé, ce qui réduit fortement la radioactivité rési- duelle. Une grande partie de ces déchets peut être entrepo- sée et gérée localement, avec des infrastructures maîtrisées et financièrement accessibles. Le Maroc a donc tout à fait la capacité de gérer un centre d’entreposage sécurisé pour les combustibles usés sur 50 à 100 ans, les déchets de faible et moyenne activité et les dis- positifs de radioprotection nécessaires. Avec une montée en compé- tence progressive et une stra- tégie cohérente, la gestion nationale d’une grande partie du cycle des déchets est par- faitement envisageable. F. N. H. : Peut-on envi- sager un programme nucléaire alors que l’ONEE nécessite une réforme profonde ? Il est vrai que le nucléaire exige un réseau électrique robuste et une gouvernance modernisée. Cependant, réformer l’ONEE et lancer un programme nucléaire ne sont pas incompatibles : A. O. C :
«Les SMR offrent au Maroc une indépen- dance stratégique : flexible, modulable, et compatible avec un mix 80% renouvelable».
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