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ECONOMIE

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FINANCES NEWS HEBDO VENDREDI 28 NOVEMBRE 2025

progresser. De ce fait, on retient trois ensei- gnements : primo, la Zakat a un potentiel immense; secundo, les pays performants ont un cadre moderne et transparent; et ter- tio, la digitalisation est devenue indispensable. F. N. H. : Comment garan- tir la transparence et la bonne gouvernance d’un futur Fonds national de la Zakat ? Me A.E.K.B : La clé, c’est la confiance. Sans elle, aucun système de Zakat ne peut fonc- tionner. Il faut d’abord une loi robuste définissant clairement la collecte, la distribution, le contrôle et l’audit. Il faut aussi une agence dédiée, indépen- dante, dirigée par des profils compétents et intègres. Ensuite, la transparence doit être totale avec des rapports publics annuels, les détails des projets financés et des audits externes indépendants. Les citoyens doivent savoir où va leur argent. La digitalisation, via le paie- ment en ligne, la traçabilité et le suivi en temps réel, sont un élé- ment déterminant qui, comme le montre l’expérience indoné- sienne, renforce immédiatement la confiance. La gouvernance doit être inclu- sive, associant finance isla- mique, économie, société civile et personnalités reconnues. Des mécanismes de feedback sont nécessaires pour permettre aux citoyens d’exprimer leurs préoc- cupations. L’exemple du Pakistan montre que lorsque la confiance dis- paraît, l’évasion de la Zakat se développe. La transparence, la communication et la preuve d’impact sont donc essentielles. F. N. H. : Le Maroc dispose déjà d’initiatives sociales telles que l’INDH ou les programmes de soutien directs aux ménages. Comment articuler la Zakat avec ces dispositifs pour renforcer la complé- mentarité des actions ? Me A.E.K.B : Cette question

 Le potentiel mondial de la Zakat se situe entre 200 et 1.000 milliards de dollars, alors que les institutions n’en collectent réellement que 10 à 15 milliards de dollars.

est pertinente. L’objectif n’est pas d’opposer la Zakat aux programmes sociaux comme l’INDH, mais de comprendre comment ils peuvent travailler ensemble, de façon complé- mentaire, pour maximiser l’im- pact social. La Zakat n’est pas un substitut aux programmes publics. C’est une ressource additionnelle, à la fois spirituelle et financière. L’INDH mobilise des moyens importants pour le développe- ment humain. La Zakat, avec un potentiel estimé à plus de 5 mil- liards de dollars pour le Maroc, peut combler certaines lacunes, amplifier les actions existantes et atteindre des populations que les dispositifs classiques touchent parfois difficilement. La Zakat et l’INDH poursuivent la même mission, celle de lutter contre la pauvreté. La Zakat peut financer des micro-projets, offrir un capital de départ ou du matériel à des personnes vulné- rables, tandis que l’INDH assure la formation, l’accompagne- ment ou l’inclusion économique. Les bénéficiaires de la Zakat recoupent souvent ceux ciblés par les programmes sociaux, ce qui renforce la logique de com- plémentarité. Pour articuler efficacement la Zakat avec les politiques sociales, l’enjeu n’est pas de reproduire des modèles étran- gers, mais d’adopter des prin- cipes de gouvernance adaptés

à notre contexte. Cela implique notamment : • des mécanismes de coordina- tion entre le futur Fonds national de la Zakat et les instances de l’INDH; • une transparence totale : rap- ports conjoints, évaluations d’impact, communication claire et accessible. Plus la gestion est transparente, plus la confiance s’installe, et plus la collecte progresse. L’idée est d’adopter une vision globale : l’État pose les fondations, la Zakat renforce l’effort national. Ensemble, ils peuvent mieux cibler les familles vulnérables, soutenir l’inclusion économique et assurer un appui durable. Si la coordination est solide et la gouvernance réellement trans- parente, la Zakat peut devenir un levier puissant, parfaitement complémentaire à l’INDH, pour construire un Maroc plus juste et équitable. F. N. H. : Comment la Zakat peut-elle s’intégrer dans une vision plus large d’économie solidaire et inclusive ? Me A.E.K.B : La finance isla- mique moderne a été structu- rée par des institutions comme l’Organisation de comptabilité

et d'audit pour les institutions financières islamiques (AAOIFI) et les services financiers isla- miques (IFSB) pour organiser la circulation équitable de la richesse et réduire les inéga- lités. La Zakat est au cœur de cette architecture. Bien appli- quée, elle devient un instrument stratégique de justice sociale, de réduction de la pauvreté et d’inclusion économique. Elle injecte du pouvoir d’achat directement dans les couches les plus modestes, dynamisant ainsi l’économie locale. La Zakat peut financer des micro-projets, soutenir les arti- sans, femmes entrepreneures ou agriculteurs, et compléter les programmes publics. Là où l’action publique manque de rapidité ou de flexibilité, la Zakat intervient immédiatement pour soutenir les familles vulnérables. Elle encourage également une vision éthique de la richesse, à savoir circulation de l’argent, investissement responsable et socialement utile. Enfin, une gestion transparente renforce la solidarité communautaire et soutient les initiatives locales et coopératives. En définitive, la Zakat n’est pas un élément secondaire. Elle peut devenir un pilier d’un déve- loppement solidaire et inclusif si elle est harmonisée avec les réalités marocaines et gérée avec transparence et moder- nité. ◆

La fatwa fait passer la Zakat d’un registre largement individuel à un cadre structuré et officiellement reconnu.

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