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ECONOMIE

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FINANCES NEWS HEBDO VENDREDI 28 NOVEMBRE 2025

Copropriété Un défi de gouvernance majeur

caine vit un moment char- nière: les résidences sont plus grandes, plus techniques, plus exigeantes. Or la loi, même modernisée, est encore pen- sée pour des immeubles tra- ditionnels. Il manque plusieurs briques essentielles. La première, c’est la profes- sionnalisation et réglementation du métier de syndic. Lorsque l’on gère des ensembles de plu- sieurs centaines d’unités, avec des infrastructures lourdes, des obligations juridiques com- plexes et des budgets impor- tants, il faut un véritable cadre professionnel : une certification obligatoire, un registre national, une formation continue… Deuxième réforme : la digita- lisation. Le secteur a accusé un retard considérable. Les résidences ont besoin d’outils modernes : registres numé- riques, AG dématérialisées, paiement en ligne, reporting en temps réel, plateformes de communication, et pour les rési- dences complexes, une GMAO (un outil de maintenance assis- tée par ordinateur qui centralise tous les équipements et inter- ventions techniques). Il y a aussi un enjeu fonda- mental autour des méga-rési- dences et des grands projets urbains : ce ne sont plus des résidences, mais de véritables «micro-villes». La loi actuelle ne suffit plus. Il faut un chapitre spécifique qui encadre leur gouvernance, leurs budgets, leurs règles spécifiques. Enfin, une meilleure clarifi- cation du rôle du promoteur au moment de la livraison est indispensable. Une grande partie des conflits découle d’ambiguïtés sur les respon- sabilités concernant les vices de construction, les réserves ou les délais de reprise. Il faut

Dans un contexte où la vie en copropriété prend une place croissante dans le paysage urbain marocain, la gouvernance des résidences, la protection des droits des copropriétaires et la professionnalisation du syndic deviennent des enjeux majeurs. Dalila Ennaciri, présidente-fondatrice de l’Association marocaine de la copropriété (AMCOP), plaide pour faire de la copropriété un véritable levier de qualité de vie, de citoyenneté et de développement urbain.

Propos recueillis par C. Jaidani

Finances News Hebdo: La loi 18-00 a connu récem- ment certaines modifica- tions. Quels sont, selon vous, les principaux chan- gements ? Dalila Ennaciri : Les récentes retouches apportées à la loi 18-00 témoignent d’une volon- té claire du législateur : il s’agit de rapprocher la gestion de copropriété des standards modernes auxquels les rési- dences d’aujourd’hui aspirent. Trop longtemps, le secteur a fonctionné sur des bases fragiles, avec un cadre légal parfois insuffisamment précis, laissant place à l’interprétation et, bien souvent, à des dérives. Le dernier décret d’application, publié récemment, va juste- ment dans le sens d’une clari- fication et d’une professionna- lisation plus nette du secteur. L’une des évolutions les plus significatives concerne le ren- forcement de la transparence financière et documentaire. Le décret précise désormais, de

manière beaucoup plus stricte, les obligations du syndic en matière de tenue des registres légaux, d’archivage des docu- ments et de mise à disposi- tion des pièces justificatives. Les registres doivent être tenus à jour, consultables et conformes à un format norma- lisé. Le décret introduit même l’obligation de conserver les documents pendant une durée précise, ce qui renforce la tra- çabilité et limite les situations où certaines dépenses ne peuvent plus être justifiées. De même, la gestion financière est désormais encadrée par des règles plus strictes : clari- fication sur les provisions, suivi des charges, et obligation de présenter aux copropriétaires des états comptables com- plets avant chaque Assemblée générale. Cela représente une rupture nette avec les pra- tiques informelles qui domi- naient encore récemment dans de nombreuses résidences. L’autre évolution majeure

apportée par ce décret est la formalisation des mécanismes de conciliation et de média- tion. Le texte vient préciser les modalités d’application de l’article 13, introduit lors de la précédente réforme, et orga- nise désormais la manière dont les litiges doivent être instruits avant d’être portés devant les tribunaux. Le législateur entérine ainsi un changement profond de phi- losophie : la copropriété ne doit plus fonctionner dans un rapport permanent de confron- tation ou de blocage. Le règle- ment amiable devient une étape obligatoire, encadrée, documentée, qui vise à res- taurer un climat de dialogue et à réduire la judiciarisation excessive des conflits. F. N. H. : A votre avis, quelles sont les réformes encore nécessaires pour moderniser pleinement la copropriété au Maroc ? D. E. : La copropriété maro-

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