ECONOMIE
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FINANCES NEWS HEBDO VENDREDI 28 NOVEMBRE 2025
mettre en place une gestion de syndic provisoire de transition par un professionnel qui en a les moyens, compétences et objectivité. F. N. H. : Le retard de paiement des cotisations reste le principal frein au fonctionnement des rési- dences. Quelles solutions proposez-vous ? D. E. : C’est effectivement le point de rupture majeur dans la gestion de la copropriété. Et c’est un problème systémique: une copropriété fonctionne comme une petite entreprise. Si les recettes n’entrent pas, les services ne peuvent pas être rendus, les charges deviennent imprévisibles et la qualité de vie collective est directement affectée. Première solution : moderni- ser le processus de facturation et de recouvrement. Il est indispensable de dépas- ser les relances papier, les tableaux manuels et les incom- préhensions qui alimentent les litiges. Une plateforme digitale centralisée permettant aux copropriétaires de consulter leurs charges, l’historique de leurs paiements, les dépenses engagées et l’avancement des projets instaure une transpa- rence immédiate. Cette trans- parence réduit les contesta- tions, et donc mécaniquement les retards. Deuxième axe : accélérer et automatiser les procédures de recouvrement. Les délais de mise en demeure et d’action en recouvrement s’étirent encore sur plusieurs mois, ce qui fragilise l’équilibre financier de la résidence. Il faut un mécanisme plus rapide, plus clair et plus automatisé, qui protège l’intérêt collectif tout en respectant les droits indivi- duels. Cependant, l’application de ces mesures est souvent entravée par l’article 25 de la loi 106-12, qui impose la notification per- sonnelle du débiteur. Troisième point : instaurer une véritable responsabilisation.
Les professionnels du syndic font face à de nombreuses difficultés financières et juridiques.
le quitus du syndic obligatoire lors de toute transaction immo- bilière. Dans plusieurs pays, la vente d’un bien en copropriété ne peut être finalisée chez le notaire sans un quitus officiel prou- vant que le vendeur est à jour de ses charges. L’adoption de cette obligation au niveau natio- nal permettrait d’éradiquer les dettes transférées qui retombent injustement sur les autres copro- priétaires, de sécuriser notaires et acquéreurs, en empêchant la signature d’actes déséquili- brés. Combinées, ces mesures modernisent le système, res- ponsabilisent les acteurs et ins- taurent un cadre plus équitable et plus efficace pour la gestion des copropriétés. J’aimerais conclure cet article par un point essentiel et pour- tant rarement évoqué : la sécu- risation de notre profession. Et c’est ici que je porte ma casquette de présidente de l’AMCOP, l’Association maro- caine de la copropriété. Les professionnels du syndic font face à de nombreuses diffi-
À l’image des pratiques ban- caires, la création d’un système national de scoring des copro- priétaires représenterait une avancée déterminante. Chaque propriétaire serait associé à un historique de paiement objectif. L’intégration de cet historique dans le rapport national de sol- vabilité - au même titre que les engagements bancaires - aurait un effet dissuasif immédiat : retards répétés = impact réel sur la capacité d’emprunter, de louer ou d’investir. Ainsi, la copropriété devien- drait un engagement citoyen, et non une simple option. Quatrième aspect : réduire le coût des procédures, notam- ment la localisation et la saisie. Lorsque le copropriétaire défaillant est introuvable, les démarches de localisation, de signification ou de saisie deviennent longues et coû- teuses. Ces frais, parfois supé- rieurs à la dette initiale, décou- ragent les actions de recouvre- ment. Un cadre plus efficient doit être instauré : centralisation des registres, accès simplifié aux données administratives, pro- cédures accélérées pour les créances de charge, et plafon- nement des frais d’exécution. Cinquième mesure : rendre
cultés financières et juridiques. Entre les impayés chroniques, les délais de recouvrement, et les litiges interminables devant les tribunaux, la situation devient parfois intenable. Nous travaillons avec des structures qui, juridiquement, relèvent du statut d’association, dont la solvabilité peut être limitée, et cela expose les syndics à des pertes importantes, tant en temps qu’en ressources. C’est un paradoxe : on nous confie la gestion de millions de dirhams, la maintenance d’infrastructures essentielles et le bien-être collectif de milliers de familles, mais notre propre cadre d’exercice reste fragile. La profession mérite un envi- ronnement plus protecteur, plus clair et plus équitable, afin que les syndics puissent exer- cer pleinement leur mission, sans porter seuls le poids des défaillances systémiques. La modernisation de la copro- priété passe aussi par la recon- naissance et la sécurisation des acteurs qui la font fonc- tionner au quotidien. C’est l’un des engagements prioritaires que nous portons au sein de l’AMCOP, et un chantier indis- pensable pour assurer l’avenir et la qualité de la gestion immo- bilière au Maroc. ◆
La copropriété ne doit plus fonctionner dans un rapport permanent de confrontation ou de blocage.
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