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BOURSE & FINANCES

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FINANCES NEWS HEBDO VENDREDI 28 NOVEMBRE 2025

IPO Le marché casablancais change d’échelle I Entre 2020 et 2025, huit entreprises marocaines ont fait le choix de s’introduire en Bourse. Ce mouvement, amorcé timidement avec Aradei Capital fin 2020 en pleine pandémie, a pris de l’ampleur au fil des années avec TGCC, Disty Technologies, Akdital, CFG Bank, CMGP Group, Vicenne et tout récemment Cash Plus et SGTM. En cinq ans, ce sont près de 5 milliards de dirhams qui ont été levés sur le marché primaire. Par Y. Seddilk comme une contrainte adminis- trative, mais comme un levier de financement structurant et un vecteur de gouvernance. Une participation record du public

ductions offre une photographie fidèle du tissu productif maro- cain. Les sociétés issues du BTP, de la santé, de l’agriculture et des services financiers dominent le mouvement, et reflètent éga- lement les grands chantiers de la décennie : urbanisation, sou- veraineté alimentaire et déve- loppement du capital humain. Cette diversification tranche avec les années précédentes, où la cote marocaine restait concen- trée sur les banques, l’immobi- lier et les télécoms. La Bourse de Casablanca attire désormais des entreprises de croissance, en phase avec les transformations économiques du pays. Au-delà des volumes levés, la structure des opérations a évo- lué. Les augmentations de capital dominent les simples cessions d’actions, signe que les socié- tés cherchent à financer leur expansion plutôt qu’à offrir de la liquidité à leurs actionnaires his- toriques. La qualité de la prépa- ration (gouvernance, audit, com- munication financière) s’améliore visiblement, sous l’impulsion de l’AMMC et de la Bourse de Casablanca. En parallèle, l’intro- duction d’un marché alternatif commence à porter ses fruits : Disty Technologies a ouvert la voie à un modèle de cotation simplifié, mieux adapté aux PME à potentiel. Malgré ces avancées, le mar- ché primaire reste étroit par rap- port au potentiel économique du pays. La capitalisation flottante ne représente qu’un très petit pourcentage du PIB, et la liquidi- té sur certaines nouvelles valeurs retombe rapidement après la période de cotation initiale. Les analystes soulignent également le faible nombre d’acteurs étran- gers actifs sur le marché maro- cain, limitant la profondeur des échanges. L’enjeu, à moyen terme, sera de transformer l’intérêt ponctuel en participation durable. Cela passe par une offre d’information adap- tée aux particuliers, une politique de dividendes cohérente et un renforcement du rôle des socié- tés de Bourse dans l’accompa- gnement post-introduction. ◆

l faut dire que cette nouvelle séquence d’IPO marque le retour d’une Bourse qui retrouve pro- gressivement sa fonction pre- mière de financement de l’éco- nomie. Les introductions ne concernent plus seulement les grands groupes, mais touchent désormais des entreprises de taille intermédiaire, issues de sec- teurs variés et souvent soutenues par des investisseurs en capital- développement. Lors de la conférence de pré- sentation de l’IPO de Vicenne, Younes Benjelloun, cofonda- teur et Directeur général de CFG Bank, a replacé cette dynamique dans une perspective plus large. Pour lui, le regain d’activité sur le marché primaire traduit la montée en puissance d’un « écosystème» où les entreprises grandissent, s’ouvrent au capital-investisse- ment, puis sollicitent la Bourse pour financer la prochaine étape de leur développement. «Nous étions sur un rythme d’une

introduction par an; je pense que nous passerons bientôt à trois. L’objectif ultime serait d’atteindre une opération par mois», a-t-il indiqué, souhaitant que ce cercle vertueux s’accélère. Selon lui, une cadence plus soutenue per- mettrait de refléter la diversité de l’économie marocaine, encore peu représentée dans certains secteurs comme l’automobile ou le textile. «Nous avons ouvert de nouveaux compartiments, mais il reste de grandes industries absentes de la cote» , a-t-il rap- pelé. La période 2010-2019 avait été particulièrement calme : à peine quatre IPO en dix ans, une absence quasi totale d’opérations majeures et une liquidité sta- gnante. Le redémarrage constaté à partir de 2020 tient autant à la volonté des autorités de relancer la place casablancaise qu’à la maturité d’une nouvelle généra- tion de dirigeants. Ceux-ci per- çoivent désormais la cotation non

Si le montant global souscrit de ces opérations a atteint 114,4 milliards de dirhams, les deux dernières introductions, CMGP et Vicenne, ont révélé un phé- nomène inédit : l’arrivée mas- sive d’investisseurs particuliers. Vicenne a attiré plus de 37.000 souscripteurs, un record absolu pour le marché marocain, tan- dis que CMGP a dépassé les 33.000. Les taux de couverture ont atteint des niveaux rarement observés (64x pour Vicenne, 37x pour CMGP), soit une demande bien plus supérieure à l’offre pro- posée. Ces chiffres traduisent une appé- tence renouvelée du grand public pour les actifs boursiers, nourrie par la digitalisation de l’accès au marché et par la médiatisa- tion des opérations récentes. Les intermédiaires financiers confir- ment une forte hausse des ouver- tures de comptes-titres depuis fin 2023, particulièrement chez les jeunes actifs urbains. «Les IPO sont redevenues des moments d’éducation financière collective. Elles contribuent à réconcilier les ménages marocains avec l’in- vestissement en actions», nous explique un directeur de société de Bourse. Une économie réelle mieux représentée Cette nouvelle vague d’intro-

 Portée par une nouvelle génération d’entreprises et un engouement inédit du public, la Bourse de Casablanca renoue avec son rôle de moteur du financement de l’économie.

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