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ECONOMIE
FINANCES NEWS HEBDO
JEUDI 7 AVRIL 2022
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de force interne. Les conséquences d’un manque d’information impactant certains associés sont censés être anticipés dans les statuts par des engagements ou des sanctions. La SAS étant une structure déré- gulée, volontairement abandonnée en large partie à la volonté de ses associés, il n’est
pas concevable d’imaginer que des dispositions viennent contraindre ces derniers à publier leurs pactes comme c’est le cas pour les sociétés faisant appel public à l’épargne. F.N.H. : Enfin, n’est-il pas nécessaire d’améliorer le cadre légal du pacte d’actionnaires
L’intérêt écono- mique de la SAS réside dans ce pragmatisme qui tient compte de la réalité des affaires.
au Maroc ? N. GH. : Le pacte d’actionnaires est un contrat soumis à l’ensemble des disposi- tions générales du droit des obligations et contrats (DOC), qui en assurent la validité et protègent de manière solide ses prota- gonistes. Il s’agit néanmoins d’un contrat contraint par une spécificité particulière liée au contexte sociétaire dans lequel il s’applique. Cet accord de volonté est en effet librement consenti entre partenaires à condition toutefois qu’il respecte un certain nombre de règles impératives de la loi sur la SAS (et celle sur la SA en ses dispositions compatibles) des statuts et de l’intérêt social de l’entreprise. La jurisprudence marocaine pose par ailleurs deux conditions complémentaires : • Qu’il prévoit un terme et ne soit pas conclu à durée indéterminée; • Qu’il prévoit une juste contrepartie à toute renonciation ou concession d’un droit. La Cour de cassation a reconnu son carac- tère obligatoire, permettant sa mise en exé- cution forcée ou sa résolution moyennant des dommages et intérêts, comme toute autre convention civile ou commerciale. Le cadre légal du pacte en fait donc un outil totalement compatible avec l’ingéniosité nécessaire à tous les projets économiques à condition de respecter une rédaction claire et rigoureuse. L’autonomie de la volonté lui a permis de se développer par l’intégra- tion de plus en plus de clauses propres à encadrer toutes les figures d’association entre personnes physiques ou morales. Sa principale limite réside dans l’effet relatif des conventions qui ne peuvent créer des obligations à la charge de non signataires. Ce principe fondamental incontournable de notre régime juridique en restreint ainsi la portée à ses seuls co-contractants. Mais cet inconvénient, inhérent à tous les actes civils ou commerciaux, est largement compensé par l’extraordinaire champ de possibles que le pacte permet aux associés. ◆
de leur opposabilité aux tiers. A une date récente, la chambre commerciale de la Cour de cassation française a clairement tranché ce point et rendu un arrêt relatif à un conflit entre statuts et pacte dans une SAS (juin 2019) en énonçant la prévalence des statuts sur le pacte. Les motivations de cette décision ont étonné bon nombre de juristes puisque l’arrêt n’est pas fondé sur la nature juridique des accords, mais sur la chronologie des actes : la Cour a précisé que les statuts ont été modifiés pos- térieurement à la conclusion du pacte et que cette modification impliquerait l’amendement du pacte sur le même point… ! Au Maroc, nous pouvons rappeler la célèbre jurisprudence ayant opposé Auchan à l’ONA. Il ne s’agissait certes pas d’une SAS, mais le tri- bunal arbitral avait également conclu à la supé- riorité des statuts sur les dispositions du pacte afin de trancher une contradiction entre leurs dispositions. Nous nous permettrons de rap- peler à cet égard l’importance d’une rédaction minutieuse de ces documents et la nécessaire coordination entre les règles des statuts et celles des accords extra statutaires. Pour désa- morcer ce type de litiges et l’incertitude qu’il fait naître, les associés ne doivent par omettre de consigner les modalités d’interprétation de leurs conventions en cas de conflit entre les textes et définir les principes de lecture et de modification des clauses concernées. Cela est d’autant plus aisé en SAS que les statuts sont le fruit de libres négociations entre associés. F.N.H. : Que peuvent être les consé- quences de l’asymétrie d’information au sein des sociétés fermées comme la SAS où tous les actionnaires ne sont pas au fait des rouages et moda- lités de résolution des différentes opérations et décisions ? N. GH. : Le droit à l’information des associés n’est pas organisé de manière directe dans
la loi 19-20 qui a mis en place la SAS. En gagnant en liberté, les associés perdent en protection impérative sur ce plan. Le législateur a misé ainsi sur la maturité des partenaires pour respecter une certaine loyauté les uns envers les autres et leur a dévolu là encore les prérogatives d’orga- niser les modes de communication interne des différentes informations et de «s’auto protéger». Les associés sont libres de repro- duire des obligations calquées sur celles des SA en matière de droit à l’information. Les statuts peuvent contenir aussi des dis- positions spécifiques liées à des informa- tions à partager entre tous en application de l’obligation générale de bonne foi posée par le DOC, mais surtout sur la base des accords contractualisées entre les asso- ciés. S’agissant particulièrement des pactes, ceux-ci peuvent effectivement contenir des accords de partage d’informations entre cer- tains partenaires à l’exclusion des autres. Il s’agit des clauses d’«information renforcée» permettant à certains associés d’accéder à un supplément de documents et élé- ments. Ces clauses prévoient une obliga- tion de communiquer spontanément ou sur demande à leur bénéficiaire tout événement lié à la continuité de l’exploitation, mais aussi tout document relatif au financement et bud- gets par exemple. Les associés peuvent par ailleurs décider d’autoriser des «missions d’investigation» périodiques au moyen d’en- gagement de porte fort. Ces clauses pro- tègent notamment les investisseurs mino- ritaires et sécurisent leurs avoirs. Au sein d’une SAS où les associés se sont choisi sur des critères d’intuitu personae très fort, ces questions sont généralement largement débattues au moment de la création de la société ou lors des acquisitions, laissant peu de place à des mauvaises surprises ou à des déséquilibres importants dans les rapports
Il est effec- tivement
pertinent de s’interroger sur l’intérêt d’établir un pacte d’asso- ciés parallè- lement à des statuts d’ores et déjà per- sonnalisés.
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