FNH N° 1061

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JEUDI 7 AVRIL 2022 FINANCES NEWS HEBDO

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H ORIE ZO NTALISME

◆ L’exposition « H ORIE ZO NTALISME», qui se pour- suit jusqu’au 23 avril à l’Artorium, avait proposé à un septet de rebelles de créer ou sélectionner des pièces à faire dialoguer avec son manifeste. Jouissives et complexes. Les artchimistes Par R. K. Houdaïfa

D ans une lettre adressée à son amante Louise Colet, Gustave Flaubert écrivait : « La femme orientale est une machine et rien de plus; elle ne fait aucune différence entre un homme et un autre homme. Fumer, aller au bain, se peindre les paupières et boire du café, tel est le cercle d’oc- cupations où tourne son existence ». En substance, elle serait un être tour- menté par la chair, passant le plus clair de son temps à se faire une beauté à des fins séductrices. C’est ce même prisme déformant que reflètent les toiles des peintres Delacroix, Matisse, Joseph de la Nézière, Edouard Edy-Legrand, Henri Jean Pontoy, Jules Galand, Jacques Majorelle… Reste à savoir si leur représentation est aussi réaliste, aussi fidèle, aussi sou- cieuse de vérité qu’ils le prétendent. Si les palettes «exotiques» cueillent souvent des éléments réels (la porte de Meknès que Delacroix montre, existe vraiment, le sultan a existé aussi), l’Orient qu’elles brodent est cousu de fil blanc. Lorsque Henri Regnault peint à Tanger, en 1870, « L’exécution sans jugement du calife de Grenade », il restitue des scènes totalement falla- cieuses, mais radicalement conformes au cliché occidental de l’Oriental san- guinaire. Quant aux nonchalantes oda- lisques de Delacroix ou de Matisse (« La Mauresque »; « Odalisque au fauteuil turc »), figées dans des postures las- cives, elles sont des créatures irréelles

incarnant les obscurs désirs de leurs créateurs. On peut en dire autant de ces femmes entassées dans un bain ou confinées dans un gynécée, qui engluent les toiles orientalistes. Tout le projet de la peinture orientaliste est de faire croire à une représentation «réaliste», à la vérité de la mise en scène de l’Oriental farouche ou de la musulmane soumise. D’où cet Orient de bric et de broc, où le décor ne parait étrange, aux yeux de l’Occidental, que pour mieux masquer ses fantasmes. Quels sont-ils ? Voir La femme orien- tale – marocaine, algérienne, turque – réduite à l’état d’odalisques –, généra- lement dans une pose alanguie, nudité insatiable offerte à la jouissance du mâle passant, corps sans âme, tout juste un sexe, pas une once d’esprit -, passant son temps recluse dans un harem, ou à se faire belle pour séduire l’homme. Fantasme, quand tu nous tiens ! Refus L’exposition, qui jamais ne se fourvoie dans l’exhibition conceptuelle, mérite le détour. Pour trois raisons. La pre- mière tient à la richesse des pièces ras- semblées : une quarantaine d’œuvres commises par 7 artistes contempo- rains. La deuxième raison réside dans

la facture remarquable des œuvres exposées, qui illustrent la bonne tenue des arts marocains, gage de leur répu- tation constamment honorable. De fait, cependant que la chanson s’essouffle, que le théâtre enchaîne les bides et que le cinéma ne voit pas toujours clair, l’art ne faillit jamais à son devoir d’excellence. La troisième raison se trouve liée à la portée pédagogique de l’exposition. « H ORIE ZO NTALISME». Le titre coupe l’herbe sous le pied. D’entrée de jeu, les artistes signalent qu’ils refusent de se complaire aux attentes édictées par l’Occident, et s’attache à analyser les « formes nouvelles que peut prendre un orientalisme contemporain (1) ». A l’espace d’art de la Fondation TGCC, l’Artorium, le chorégraphe-plasticien Youness Atbane et le dramaturge Jules Henri Julien ont réuni 6 artistes qu’unit la même aversion pour l’orientalisme (Salim Bayri, Amina Benbouchta, Youssef Ouchra, Mohammed Elbaz, Simohammed Fettaka et Hanne Van Dyck), et attentifs aux questions de diaspora, de migration ou d’héritage. La plupart ont déjà été vus au gré de différentes expositions. Beaucoup d’entre eux se connaissent et ont exposé ensemble. Réunis, ils tracent – comme dit – un portrait de la créa-

Tout le projet de la peinture orientaliste est de faire croire à une représenta- tion «réa- liste», à la vérité de la mise en scène de l’Oriental farouche ou de la musul- mane sou- mise.

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